Intitulé "Les Naufragés de l'espace", cet album, paru en janvier 2018, est le premier numéro de "Colonisation", une série de science-fiction en cours de publication chez Glénat (elle compte sept volumes à ce jour). Cet ouvrage relié (à la couverture cartonnée) et de dimensions 24,0 × 32,0 centimètres comprend un total de quarante-six planches toutes en couleurs.
Le scénario est écrit par le Français Denis-Pierre Filippi, un auteur qui a réalisé d'abord des contes pour enfants avant de se tourner vers la bande dessinée ; en plus de séries pour la jeunesse, il est connu pour "Songes" et "Le Voyage extraordinaire". Les dessins et l'encrage sont confiés à Vincenzo Cucca. Outre des bandes dessinées érotiques, Cucca est passé par Marvel où il a dessiné et encré quelques numéros de "She-Hulk". Enfin, la mise en couleurs a été composée par Fabio Marinacci.
Au XXIIIe siècle, l'humanité envoya des nefs spatiales explorer le cosmos dans le cadre d'un programme de colonisation ; ces colons reçurent pour mission de s'installer sur des mondes prometteurs. Plusieurs furent perdues, hélas ! Trois ans plus tard, les Atils - une race extraterrestre - entrèrent en contact avec l'humanité. Les transferts de technologies qui en découlèrent rendirent l'essaimage humain plus performant. Quant aux nefs égarées, elles devinrent l'objet des convoitises des Écumeurs (des contrebandiers). En réaction, l'Agence forma des unités spécialisées dans la recherche et la récupération de nefs. Milla Aygon et son équipe sont l'une d'elles. Un vaisseau amiral de l'Agence, le Time-Explorer 07, a localisé l'épave de l'une de ces nefs, l'Atlantis 23, et dépêché une navette pour qu'une escouade de récupération explore les lieux. Le commandant de bord du Time-Explorer 07, le commodore Iliatov, demande un compte-rendu ; depuis sa navette, Olivia confirme que l'équipe est entrée dans le bâtiment à 08h18 et que tous les signaux (gravité et atmosphère) sont au vert. Iliatov ordonne un rapport de situation toutes les quatre minutes ainsi qu'une évacuation des agents à 09h06 ; cela laisse trente minutes au groupe...
Un groupe d'élèves officiers de l'Agence explore l'espace à la recherche de nefs perdues. Ce premier volet présente des idées intéressantes. D'abord, la nature de cette expédition. Le lecteur s'interroge à la suite de certains propos des personnages. Est-ce là un test pour l'équipe ou une véritable mission ? Pour de vrai ou pour de faux ? Comment interpréter l'épilogue ? Puis la quête des nefs perdues, les premières ayant été lancées il y a cent vingt-trois ans. Vu l'ampleur colossale du projet, le lecteur pourra en tirer une réflexion sur la question du rapport de l'homme au temps. Autre caractéristique : ici, pas de manichéisme. L'extraterrestre est intégré à l'équipe et sa race est bienveillante envers l'humanité, semble-t-il. Quant aux Écumeurs, ce ne sont pas des extrémistes ; plutôt des pilleurs d'épaves équipés et organisés. Enfin : l'album évoque deux technologies de rupture, le saut dans l'espace-temps et le portail intermondes. Ce n'est pas nouveau, mais traité de façon intéressante, surtout le saut. Dans la forme, les dialogues sont souvent descriptifs ou fonctionnels, l'explication d'un contexte, un rapport de situation, un problème énoncé, analysé et résolu, une consigne technique ou un ordre. De l'humour, de la rivalité (passagère), mais pas de soliloques introspectifs. Filippi se focalise sur l'intrigue et l'action. Le scénario ne s'étalant que sur quelques heures, une poignée de jours au maximum, il ne prend pas le temps de creuser les caractérisations des personnages, la plupart sont donc interchangeables. En outre, l'action étant presque continue, le suspense ne prend pas suffisamment et la tension monte peu. Quant au texte, comme chaque œuvre de science-fiction, "Colonisation" a un jargon ; maniérisme surfacique, car tout est compréhensible à l'exception d'une ou deux phrases sibyllines. Bien gérée, la narration de ce tome n'engendre pas de sensation de linéarité. Enfin, la conclusion laisse supposer que la série est bâtie en une succession d'histoires plus ou moins complètes et indépendantes les unes des autres, ce qui sous-entend une continuité plus lâche que si développée sur des connexions et des références multiples et répétées.
Cucca évolue dans un registre réaliste. Si sa partie graphique est globalement satisfaisante, elle n'est pas pour autant exempte de lacunes. Son trait est fin et son coup de crayon est d'une régularité généralement louable, mais un manque de variété des physionomies des personnages pourra être relevé ; et associé aux caractérisations superficielles évoquées plus haut, cela accentue l'impression d'interchangeabilité de la plupart des personnages. En outre, un léger manque de finition est perceptible, mais peut-être est-ce à cause de la mise en couleurs. C'est à confirmer, mais elle a probablement été réalisée avec des outils numériques ; les ombrages de la mise en couleurs de Marinacci et les touches de noir de Cucca ne se marient pas de façon entièrement convaincante - comme si la colorisation gommait un peu de l'encrage du dessinateur. Le découpage est clair. La mise en page alterne classicisme et dynamisme, en général, quatre bandes d'une à trois cases, quelques inserts çà et là.
Il est difficile de s'enthousiasmer sans réserve pour "Les Naufragés de l'espace", car son intrigue est déployée de manière trop rapide et trop condensée pour permettre l'émergence d'un véritable suspense. Néanmoins, il ne s'agit que d'un album introductif, nul doute que les amateurs hardcore du genre continueront la lecture.
Mon verdict : ★★★☆☆
Barbüz, pour ASKEAR
Copyright © 2014 Les BD de Barbüz
Barbüz, pour ASKEAR
Copyright © 2014 Les BD de Barbüz
Colonisation, Agence, Milla Aygon, Belinda, Nell, Olivia, Atori, Gordy, Kendrick, Tchenko, Ag'Nilat, Lieutenant Clarence Sternis, Commodore Iliatov, Écumeurs, Glénat
Le retour de la science-fiction, après Olympus Mons.
RépondreSupprimerCe premier volet présente des idées intéressantes : c'est exactement la réflexion que je me faisais en lisant ton § de résumé.
Pas de manichéisme : un autre bon point.
Deux technologies de rupture : une formule que je retiens, car dans les années 1970 ou 1980, on aurait plutôt parlé de pure invention de la part du scénariste. Ta formulation implique mieux que cela a introduit une modification majeure dans le paradigme, générant une évolution significative, un peu comme le développement d'internet.
La plupart des personnages sont donc interchangeables : je relève que c'est à la fois imputable au caractère fonctionnel des dialogues et aux dessins qui n'apportent pas non plus assez de différenciation. Je me souviens que Denis Barjam avat prêté une attention particulière à la conception visuelle de ses personnages pour Universal War.
Comme si la colorisation gommait un peu de l'encrage du dessinateur : je suis allé voir les 6 pages disponibles sur BDFugue. Cela doit être un réglage assez fin pour être sûr que les couleurs n'écrasent pas les traits encrés, et c'est également une sensation que je n'aime quand ça se produit.
Nul doute que les amateurs hardcore du genre continueront la lecture : L'absence d'un commentaire sur le prochain tome ou sa présence me permettra donc de déterminer ton degré de Hardcore.
C'est vrai que je n'ai rien lu en franco-belge de science-fiction pure depuis "Olympus Mons" ; ça remonte. Sur ma liste, il y a aussi "Cyberwar", "Renaissance" (comme tu le sais), et "Universal War One", que je me suis promis de relire. J'ai aussi quelques mangas de S-F.
SupprimerLes technologies. Les deux points sont bien exploités, mais je m'attendais à plus. À part les vaisseaux et les armements, plutôt classiques, il n'y a rien de bien visionnaire ici.
Les personnages. Il n'y a que le leader du groupe qui sort du lot : Milla (et encore, je suis très gentil). Les autres, même l'extraterrestre, font un peu de la figuration. Aucun n'est attachant.
Mon degré de hardcore. Je n'aurais pas lu "Colonisation" sans cette commande d'ASKEAR. Et je ne lirai pas la suite, à moins que l'équipe d'ASKEAR me le propose.