Sorti en décembre 2005, le neuvième volume de la première série intégrale que Panini Comics France consacre à Spider-Man - il y en a trois autres, "Spider-Man Team-Up", "Spectacular Spider-Man", "Web of Spider-Man" - comprend les versions françaises des "Amazing Spider-Man" #92-103 (janvier à décembre 1971). En bonus : six fiches tirées des "Spider-Man Annual" #1 (octobre 1964) et #5 (novembre 1968), ainsi que six pages de crayonnés de Larry Lieber. Les couvertures des épisodes ont été malheureusement reléguées en fin d'ouvrage. Cet album relié (de dimensions 17,7 × 26,8 centimètres, couverture cartonnée et jaquette plastifiée amovible) compte approximativement deux cent cinquante planches, toutes en couleurs. Il s'agit ici de la troisième édition.
Stan Lee (1922-2018) écrit tous les épisodes avant de transmettre le flambeau à Roy Thomas, qui reprend le scénario à partir du #101 (octobre). John Romita Sr. ne dessine que trois numéros en début d'année ; il laisse les autres à Gil Kane (1926-2000), mais encre deux épisodes de Kane. Outre Romita, trois encreurs se voient confier l'embellissement des planches : Sal Buscema, Frank Giacoia (1924-1989) et Tony Mortellaro. Aucun coloriste n'a son nom crédité, c'était une pratique habituelle à cette époque.
Précédemment, dans "Amazing Spider-Man" : Agressé par les sbires de Sam Bullit, Peter Parker devient Spider-Man, les traque et les neutralise. Lorsqu'il rentre à l'appart, il y trouve Bullit et Gwen. Bullit a deviné qu'il y avait un lien entre Pete et Spidey.
Surpris, Spider-Man réagit pourtant sans tarder. Pour éviter toute confirmation du lien entre Parker et Spidey, il enlève Gwen et saute par la fenêtre, sous les menaces de Bullit et les cris de Gwen. Son objectif premier est de protéger sa double identité. Le politicien jubile, cet évènement placera son parti - l'Ordre et la Loi ("Law & Order") - sous les feux de la rampe. Convaincue que Spider-Man est responsable de la mort de son père, le capitaine de police George Stacy, Gwen refuse de se laisser impressionner et continue de se débattre. En bas, quelques badauds observent la scène. Et parmi eux, l'X-Man Robert Drake, alias Iceberg...
Des épisodes intéressants ! La dynamique ne change pas, mais elle est poussée à fond. Lee (oublions Thomas, qui ne restera sur le titre que quatre numéros) surcharge Pete de problèmes qui l'empêchent de mener une vie non pas normale, mais où la quiétude et une forme de bonheur pourraient s'inviter. Sa relation avec Gwen atteint un niveau inédit de complications, entre culpabilité, éloignement et retrouvailles chaleureuses - non sans obstacle. Des alliés présumés (Iceberg ou le Rôdeur), l'esprit embrumé par les quiproquos, se retournent contre Spider-Man, et le torchon brûle avec Harry, qui prend de la drogue. Les méchants jouent leur rôle : le Scarabée, des terroristes (peut-être l'IRA, bien que rien ne le confirme), le Bouffon vert, qui revient, des émeutiers à la prison de l'État, et Morbius. Un mot sur le Bouffon vert, dont le retour ne tient pas ses promesses : le combat est téléphoné et sans originalité, un pétard mouillé. En revanche, l'arc avec Morbius et le Lézard est remarquable, car Pete se voit pousser deux bras supplémentaires à la suite d'une expérience ratée. Le voici donc devenu un véritable homme-araignée. Morbius, le Lézard et lui forment ainsi un authentique trio de monstres, chacun affublé de sa propre difformité et souffrant de sa propre maladie, le clou étant que chacun apportera sa contribution au remède - volontairement ou pas - qui guérira Parker. Un arc passionnant. Enfin, Peter comprend entre deux séances d'autoflagellation que malgré la haine grandissante qu'il éprouve à l'égard du costume et des responsabilités en découlant, "l'action perpétuelle, le danger" sont devenus sa "drogue". Il n'y a que Spider-Man qui l'empêche de "devenir fou". Il est donc contraint de continuer à porter son fardeau, malgré ses (vaines) tentatives de s'émanciper de son rôle de justicier ; cette persistance dans l'approche (pousser les mésaventures à leur paroxysme) pourrait engendrer une sensation de répétition, mais en fin de compte, il n'en est rien. Son efficacité demeure redoutable et le lecteur continue à se délecter des tribulations de Parker. Lee réussit à varier l'intensité du propos et l'alimente d'idées nouvelles en permanence.
Malgré des qualités évidentes, les dessins de Kane sont moins enthousiasmants que ceux que produit le trait très séduisant de Romita Sr. Son Spider-Man a par exemple parfois une tête curieusement ronde (en page 104, case 2 ; on dirait même un œuf). Le lecteur pourra difficilement éviter quelques a priori, car il lui faut le temps de s'accoutumer au coup de crayon de Kane, peut-être plus sombre, plus urbain. Le style de l'artiste se caractérise aussi par son sens du détail (sauf les dents, une simple couche blanche), en témoigne l'aspect art contemporain du bureau de Norman Osborn (#96), entre autres. Son approche de la perspective - aspect très important pour un personnage tel que Spider-Man - est très satisfaisante. Enfin, la mise en couleurs manque singulièrement de minutie, de nombreux débordements sont à noter.
Traduction de Geneviève Coulomb : sans espoir. Cristiano Grassi se prend encore pour Lee, il ajoute ses blagues dans les cartouches. Des bulles sont inversées page 94.
Voici un très bon chapelet d'épisodes. La pression monte encore d'un cran (c'est une quasi-constante depuis les débuts de cette série), affectant sérieusement l'humeur et le mental d'un Peter Parker qui semble ici à bout. La partie graphique est accomplie, bien que Kane - ou quiconque - ne puisse réussir à faire oublier Romita Sr.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbüz
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Spider-Man, Iceberg, Rôdeur, Scarabée, Bouffon vert, Morbius, Lézard, New York, Ka-Zar, Terre sauvage, Stan Lee, Gil Kane, Marvel, Panini Comics
Pareil que pour le tome précédent : je suis allé consulter les couvertures sur Marvel Fandom.
RépondreSupprimerJ'ai relu récemment le n° 92 dans un Epic Collection X-Men (n° 4) consacré à des épisodes épars dans d'autres séries, pendant la période où la série Uncanny X-Men était en phase de réédition. J'ai dû lire un ou deux épisode de Spider-Man avec ses paires de bras supplémentaires, mais c'est tout.
Gil Kane : il m'aura fallu longtemps pour apprécier ses dessins à l'apparence moins plaisantes que celle de John Romita senior. Je trouve qu'il fait preuve de plus d'originalité dans les postures et les cadrages, les perspectives comme tu le soulignes, que nombre d'autres dessinateurs. Les expressions de visage sont souvent exacerbées, mais en fait ça se marie bien avec cette pression en continu.
Peut-être l'IRA : on reconnaît bien, dans ce manque de prise de position affirmée, la prudence (pour rester poli) de Stan Lee qui ne maîtrisait peut-être pas l'historique du conflit irlandais et des Troubles.
Il n'y a que Spider-Man qui l'empêche de devenir fou : une façon de regarder les choses très adulte, ça me fait du mal mais c'est ce qui me fait tenir. Ce n'est pas bon pour ma santé, mais sans ma santé dans son ensemble se dégraderait encore plus vite.
Je me retrouve très bien dans ta description des dessins de Gil Kane. Je ne m'y suis pas encore entièrement fait. Romita revient dans le prochaine volume.
SupprimerIRA. Exact, j'avais tout à fait ce type de remarque à l'esprit. À sa décharge, l'IRA n'a été fondée qu'en 1969 : il n'avait donc pas de recul, comme tu sembles le sous-entendre.