mercredi 23 août 2023

"Daredevil" : L'Intégrale 1973-1974 (Panini Comics ; janvier 2022)

Publié en janvier 2022, le neuvième recueil de l'intégrale (c'est le douzième si l'on ajoute les trois qui compilent le run de Frank Miller) que Panini Comics France consacre au personnage de Daredevil inclut les versions françaises des "Daredevil" (vol. 1) #97-107 (mars 1973 à janvier 1974) et du "The Avengers" #111 (mai 1973) - entre les "Daredevil" #99 et 100. L'ouvrage comprend une préface (quatre pages) de l'auteur Jon B. Cooke. Bonus : la version originale de la couverture du "Daredevil" #100, retenue pour la jaquette, celle du #105 en noir et blanc et de courtes biographies des auteurs principaux. Cet album relié (dimensions 17,7 × 26,8 cm ; couverture cartonnée et jaquette plastifiée amovible) compte à peu près trois cent treize planches en couleurs. 
Steve Gerber (1947-2008) devient scénariste attitré, Gerry Conway coécrit deux épisodes avec lui. Chris Claremont en signe un. Au dessin : Gene Colan (1926-2011), qui commence à s'éloigner du titre, Sam Kweskin (1924-2005), Rich Buckler (1949-2017, Syd Shores (1916-1973), Don Heck (1929-1995), Jim Starlin et William Robert Brown (1915-1977) ; Brown succèdera progressivement à Colan, et il dessinera vingt-sept numéros de "Daredevil" entre 1974 et 1977. À l'encrage, Ernie Chan (1940-2012), Shores, John Tartaglione (1921-2003), Frank Giacoia (1924-1989), Sal Trapani (1927-1999), Don Perlin, et Sal Buscema. À la mise en couleurs : George Roussos (1915-2000), Stan Goldberg (1932-2014), Petra Goldberg et Janice Cohen. Et enfin, le "The Avengers" a été écrit par Steve Englehart, crayonné par Heck, encré par Mike Esposito (1927-2010), mis en couleurs par David Hunt (1942-2017). 

Précédemment, dans "Daredevil" : À San Francisco, Bull Taurus, le Minotaure, vainc la Veuve noire. Daredevil - malgré sa vilaine blessure à l'épaule - réussit à le neutraliser en l'envoyant au fond des eaux du port de Sausalito ; il sauve ainsi le professeur. 
San Francisco, un soir devant un cinéma. Daredevil se réjouit encore d'avoir quitté New York City, car là-bas l'air est plus pollué. Il observe les badauds, perçoit leurs pouls, lorsque l'un d'eux retient son attention, un jeune homme qui fait des acrobaties... 

Mais quel salmigondis d'épisodes ! Daredevil et la Veuve noire font d'abord la connaissance du Messie noir, entité d'essence quasi divine qui désire se tailler un royaume terrestre à la mesure de ses pouvoirs. Puis Tête-à-Cornes est (temporairement) recruté par les Vengeurs, qui ont bien besoin d'aide pour arrêter Magneto. C'est ensuite Angar, hippie passé du côté obscur que le justicier masqué de Frisco doit stopper. Ramrod, le super-méchant qui succède, n'est qu'une ixième variation sur le thème du sbire en puissance augmenté par la science. Tout cela avec un complot d'accès au pouvoir en arrière-plan. De ces nouveaux antagonistes, seuls Angar et Ramrod seront réutilisés par d'autres auteurs dans d'autres titres, le premier plus que le second. La préface, à leur sujet, est instructive : Cooke y retrace l'origine de ces personnages dans les grandes désillusions du mouvement hippie. Plus loin, Claremont met en scène l'Homme aux échasses dans l'épisode qui sonne le plus juste - c'est-à-dire le plus polar urbain - du recueil. Enfin, Kraven le chasseur est l'invité de marque d'une histoire qui se conclut avec un inévitable combat final contre le monstre de service, un dénouement qui s'avère d'une terrible banalité. Gerber, en mélangeant des ingrédients disparates, a-t-il voulu produire une intrigue à la croisée des genres, entre saga cosmique, voire mystique mélangée au polar urbain ? Malgré la solidité de l'ossature narrative (tout s'enchaîne) et le rythme, le résultat est aussi criard, abracadabrant et décevant, d'autant que certaines idées de qualité auraient pu être davantage creusées, cf. la préface. Quant à Daredevil lui-même, il semble bien établi à Frisco et y a développé de bons rapports avec la police. Bien que le statu quo de la relation entre Matt Murdock et Natasha Romanova soit maintenu malgré les frictions, Gerber a d'autres plans pour nos tourtereaux, de toute évidence. Quoi qu'il en soit, arrivé à la dernière page, le lecteur pourra penser que "Daredevil" est une série dénuée de toute atmosphère propre et que le justicier, éloigné de New York City, est interchangeable à l'envi avec tout autre super-héros secondaire de la Maison des idées. 
Sept dessinateurs au total. N'est-ce pas la preuve que la série est en pleine transition ou qu'elle se cherche à nouveau ? Colan, dont le travail à lui seul justifie l'intérêt des lecteurs, ne dessine que trois numéros. Bien que la présence de Heck soit révélatrice de l'importance relative du titre, l'artiste parvient à un résultat suffisamment convaincant, comme d'habitude ; notons quand même les positions de sa Veuve noire en plein entraînement, terriblement évocatrices (cf. les deux premières planches du #104). Quant à Brown, sur le point de devenir le dessinateur attitré, il a presque soixante ans à cette époque. Selon Tony Isabella, le vétéran était très sous-estimé. D'après Mark Evanier, son travail était considéré comme démodé, voire dépassé ; Brown fait illusion, grâce à des gros plans réussis et une expressivité accentuée. 
La traduction est confiée à Laurence Belingard : une faute de mode, une de nombre, un anglicisme ("hex"), ainsi que quelques approximations çà et là seront relevées.

Décidément, "Daredevil" est une série qui attend encore son heure de gloire. Instructive, la préface précise également que "Daredevil" fut aussi un terrain d'essai pour jeunes auteurs. C'est un peu sur cette sensation que resteront les lecteurs, effectivement : un champ d'expérimentation dans une série sans personnalité propre. 

Mon verdict : ★★☆☆☆ 

Barbüz 
Copyright © 2014 Les BD de Barbüz 

Daredevil, Black Widow, Avengers, Spider Man, Captain Marvel, Dragon-Lune, Le Messie noir, Angar le Cri, Ramrod, L'Homme aux échasses, Kraven, Kerwin J. Broderick, Terrex, Magneto, Marvel, Panini Comics

3 commentaires:

  1. J'ai été vraiment très tenté quand Daredevil Epic Collection 5 (1972-1974) est sorti parce que j'aime beaucoup Steve Gerber. Il me restait trop d'Epic Collection à lire dans ma pile, du coup j'ai réussi à résister à la tentation (une fois n'est pas coutume). Cet Epic Collection contient Daredevil 87 à 107, et Avengers 111. Et puis la première apparition de Heather Douglas sous le nom de Moondragon !!!

    J'avais dû lire les épisodes avec Angar dans un vieux Strange : une interprétation bizarre du mouvement hippie. Un parti pris un peu inattendu de la part de Steve Gerber, individu anticonformiste, mais peut-être aussi une facilité pour avoir un ennemi dans l'air du temps.

    J'ai utilisé tes liens pour Ramrod et Terrex : effectivement, c'était un jour où l'inspiration et l'originalité n'avaient pas rendu visite au scénariste.

    Bien que la présence de Heck soit révélatrice de l'importance relative du titre : une tournure de phrase excellente, chapeau bas.

    Concernant Bob Brown, d'après Mark Evanier, son travail était considéré comme démodé, voire dépassé : je me souviens que dans un encart en début d'un épisode, Stan Lee (ou un prête-plume) attirait l'attention du lecteur sur une vue en coupe d'un appartement réalisé par Brown pour qu'il constate la solidité de ses compétences professionnelles.

    Bon après la lecture de ton article, mon envie de plonger dans l'Epic Collection a encore baissé d'un cran.

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    1. En fait, la préface de Cooke est très intéressante. Je pense que Cooke est un brave gars, la preuve étant qu'il tenait à mettre les formes, en témoignent ces extraits de la préface que je te recopie tels quels : "Soyons franc, ce n'est pas facile de faire la critique des épisodes de Gerber" ; "des portraits malheureusement à peine esquissés" ; "Gerber vise haut mais n'atteint pas toujours l'objectif".

      Tu sais sans doute que j'apprécie le travail de Heck, sans le mettre sur un piédestal. Je suis conscient des faiblesses de son travail.

      Concernant cette série, je m'aperçois que je suis une série de trois évaluations à deux étoiles et qu'il n'y a qu'au tout premier tome que j'ai mis quatre étoiles. Ouille, ça fait mal. J'attends l'arrivée de Roger McKenzie avec impatience, car c'est lui qui avait écrit les #157-158, qui m'avaient tant marqué dans "Strange" quand j'étais gamin. Mais avant ça, il y a le run de Marv Wolfman et les épisodes de Jim Shooter.

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    2. Je sui sûr d'avoir lu l'épisode 158, en revanche la couverture du 157 ne me dit rien. Wikipedia me dit que Steve Gerber quitte la série à l'épisode 117. Courage.

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