dimanche 18 juillet 2021

"Daredevil" : L'Intégrale 1971-1973 (Panini Comics ; février 2021)

Le huitième tome de l'intégrale que Panini Comics France consacre au personnage de Daredevil renferme les versions françaises de quinze numéros de la série régulière "Daredevil", du #82 de décembre 1971 au 96 de février 1973. Cet épais album au format 17,7 × 26,8 centimètres - à couverture cartonnée et jaquette amovible - est sorti en février 2021. Il compte approximativement trois cent trente-cinq pages, sans inclure une préface de Gerry Conway, une planche en noir et blanc de Colan, extraite du #91, de septembre 1972, et des bios (rapides) des auteurs principaux. 
Gerry Conway écrit les scénarios de tous les numéros sans exception. Gene Colan (1926-2011) en est le dessinateur attitré ; seul le #83 (juillet 1972) est réalisé par d'autres artistes, Alan Weiss et Barry Smith. Tom Palmer effectue la plupart des encrages ; le reste est ventilé entre Jack Abel (1927-1996), Bill Everett (1917-1973), Syd Shores (1916-1973), Ernie Chan (1940-2012). Michael Kelleher et son studio ont restauré (refait ?) la mise en couleurs. 

À l'issue du tome précédent, la Veuve noire affronte le Hibou et ses sbires, qui s'attaquent au département du Trésor ; Daredevil se rue dans la mêlée et la balance penche du côté des justiciers. 
Une nuit, à New York. Daredevil se livre à ses acrobaties, mais avec plus de prudence qu'à l'habitude: il a perdu son lasso-canne. Il parvient tout juste à s'agripper au mât mural d'un drapeau. Il a eu chaud ! Il continue ses cabrioles de salto en plongeon, et se dirige vers le cabinet de Foggy Nelson. Une faute d'appréciation l'oblige à se rattraper in extremis à la corniche d'un gratte-ciel. Son pouls s'est accéléré brusquement. Plus loin, au même moment, Natasha Romanoff, vêtue d'un déshabillé, observe la nuit de ses fenêtres ; songeuse, elle repense à Daredevil, qui lui a été reconnaissant lorsqu'elle l'a aidé contre le Hibou récemment. Ses réflexions sont interrompues par son interphone. Sûrement Ivan... 

De décembre 1971 à février 1973 ? Pourquoi diable un tel décalage ? Mais soit ; notons que l'édition américaine de la collection "Marvel Masterworks" ne comprend que douze numéros, du #85 de mars 1972 au #96 de février 1973. Lorsqu'il reprend le titre en 1971, Conway a dix-huit ans ! Voilà donc un scénariste d'à peine une vingtaine d'années aux commandes d'un mensuel. Forcément, il ne faut espérer ici ni une grande expérience de la narration ni des récits marquants ou profonds. Certains de ces numéros sont parmi les plus médiocres - et les moins bien écrits - que la série ait vécu depuis son démarrage. Ils sont même à la limite du compréhensible tant ils sont mal conçus ; c'est le cas du premier arc, une trame qui mêle complotisme et science-fiction qui avait débuté dans le volume précédent, dans laquelle interviennent le Scorpion et Mr. Hyde, et dont la conclusion est absconse. Malgré les carences des intrigues - surtout due à l'inexpérience - tant dans le fond que dans la forme, Conway a des idées ; il fait déménager Murdock à San Francisco, où Tête-à-Cornes doit montrer patte blanche à la police locale. L'intérêt que suscite ce nouvel environnement retombe comme un soufflé, faute de substance. Il met un terme de façon convaincante - pour un temps, du moins - aux interminables soubresauts de la relation entre Murdock et Karen Page. Il rapproche encore Murdock et Natasha, bien que le platonisme de leur liaison atteigne des sommets qui défient l'entendement humain. Enfin, il fait revenir sur scène, le temps d'un épisode, l'un des rares super-vilains réussis de la franchise jusque-là : le Gladiateur, que l'on n'avait plus vu depuis le #63 (d'avril 1970). L'arc avec Mr. Fear se détache du lot sans aucune difficulté, car il faut bien reconnaître que le reste est particulièrement faiblard, malheureusement. 
Les dessins de Colan constituent l'intérêt majeur de ce volume. Les amateurs sauront en profiter, car l'artiste produira encore quelques épisodes (jusqu'au #100 de juin 1973) avant de se tourner vers "The Tomb of Dracula" même s'il reviendra à "Daredevil" sporadiquement. Son trait classique qui met en valeur les beautés plastiques, la sombre atmosphère de polar qui en ressort, l'expressivité et le dynamisme des compositions parviennent à atténuer la déception que procurent les scénarios. 
La traduction a été répartie entre Laurence Belingard et Nicole Duclos : deux noms tristement célèbres, hélas. En vrac : une onomatopée non traduite, des anglicismes ("jets"), le registre familier là où ce n'est pas justifié. "Tasha" sonne mal en français. 

Certains estiment que Daredevil est une série médiocre jusqu'à l'arrivée de Frank Miller et qu'il n'y a rien eu de correct avant. La qualité de ce huitième volume semble leur donner raison, et le neuvième ne sera certainement pas foncièrement meilleur. 

Mon verdict : ★★☆☆☆

Barbüz 

4 commentaires:

  1. Conway a 18 ans : je n'y avais pas prêté attention, mais tu avais déjà inclus ce genre d'informations précédemment. C'est effectivement très intéressant de se poser cette question pour prendre du recul.Ça me fait aussi penser aux épisodes de la Légion des superhéros, écrits par Jim Shooter alors qu'il n'était pas encore majeur, à 14 ans. Une sympathique vidéo qui jette un coup d’œil à une de ces histoires :

    https://www.youtube.com/watch?v=9rTSW75XiV0

    Des récits à la limite du compréhensible tant ils sont mal conçus : au niveau de Rob Liefeld sur Youngblood ?

    Le platonisme de leur liaison : c'était le mode amoureux de base dans les comics à cette époque. Ce n'était pas choquant quand je lisais ces épisodes en étant enfant / jeune adolescent.

    Gene Colan : d'un côté j'ai très envie de lire du Daredevil dessiné par Colan ; de l'autre, je préfère poursuivre ma lecture de la série Tomb of Dracula et me plonger dans une partie de ses épisodes de Doctor Strange, plutôt que d'affronter les scénarios de Conway. Après être allé vérifier, je me suis aperçu que ce sont les épisodes juste après qui m'attirent le plus dans cette période de la série Daredevil : ceux écrits par Steve Gerber, malheureusement pas dessinés par Colan. Mais je vais attendre d'avoir lu ce que tu en penses avant de me lancer. Dans ce cas précis, je suis finalement plus attiré par le scénariste que par le dessinateur.

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    1. Merci pour cette référence. Ce qui me surprend, avec Conway, c'est que c'est le même Conway qui écrira "Tomb of Dracula" à la même période. Sans doute se révélait-il plus dans le domaine fantastique que dans celui du super-slip.

      Je n'ai pas lu le "Youngblood" de Liefeld, mais si tu peux m'en dire deux mots, ça m'intéresse.

      Oui, c'est vrai que le platonisme de la liaison était la référence à l'époque. Mais là, ça atteint un niveau comme je n'en ai jamais vu avant, et je trouve que c'est mal écrit, et le faux triangle amoureux Matt-Natasha-Ivan est laborieux.

      Les scénarios de Steve Gerber : moi aussi, j'ai très envie de les (re)lire. La raison pour laquelle je suis accommodant avec cette série et que j'ai hâte d'arriver au #113, que j'avais découvert dans "Strange" à l'époque. Daredevil y affronte le Chasseur (le Death-Stalker en VO), un super-vilain qui avait produit sur moi une impression très durable.

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    2. Youngblood par Liefeld - En 1992, 7 des dessinateurs les plus vendeurs travaillant pour Marvel Comics prennent leur indépendance, fondent leur propre maison d’édition baptisée Image Comics, et lancent chacun leur série :Jim Lee (WildCATs), Todd McFarlane (Spawn), Erik Larsen (Savage Dragon), Jim Valentino (Shadowhawk), Marc Silvestri (Cyberforce), Rob Liefeld (Youngblood) et Whilce Portacio (Wetworks).

      Liefeld a réussi à réaliser 10 épisodes de la première série Youngblood entre décembre 1992 et décembre 1994, et encore l’épisode 9 a été réalisé par Jim Valentino. En 2008 il a confié ces 5 premiers épisodes à Joe Casey pour qu'il les réécrive et fasse un nouveau montage pour les rendre plus lisibles. Résultat : malgré tout son talent, Casey n'a pas réussi à construire une histoire intéressante et cohérente.

      Dans le détail avec des images :

      http://www.brucetringale.com/sauvetage-naufrage-effarants-lirreparable/

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    3. Merci pour les explications et le lien ; j'ai déposé un petit commentaire.

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