Publié en septembre 2017, dans sa collection "DC Essentiels" d'Urban Comics, cet ouvrage est le second que l'éditeur consacre au run de Giffen et DeMatteis sur "Justice League" / "Justice League International" / "Justice League America", de 1987 et 1992 ; au sommaire (dans cet ordre), les versions françaises du "Justice League International Annual" #2 (juillet 1988), des "Justice League International" #14-25 (juin 1988 à avril 1989) et des "Justice League America" (série et numérotation continuent sous un nouveau titre) #26-30 (mai à septembre 1989). Ce lourd et pais volume relié (de dimensions 19,0 × 28,5 centimètres, avec une couverture cartonnée) comprend approximativement quatre cent trente planches (sans compter les couvertures), toutes en couleurs.
Keith Giffen (1952-2023) et John Marc DeMatteis ont écrit tous ces numéros. Ty Templeton en a dessiné huit dont trois avec Mike McKone, Kevin Maguire six dont un avec Giffen, Steve Leialoha deux, et Bill Willingham le #30 plus l'annuel. Joe Rubinstein encre onze numéros et l'annuel, Al Gordon six et Dick Giordano (1932-2010) le #27. Gene D'Angelo élabore les mises en couleurs.
Précédemment, dans "Justice League International" : Les querelles intestines se multipliant et atteignant leur paroxysme lors de la mission de sauvetage de Nemesis et du conflit avec Rick Flag, Batman, en rogne, quitte la Justice League International.
New York City, au siège social de la société Innovative Concepts, Inc. Le colonel Rumaan Harjavti, dictateur de la Bialye, observe les bureaux sens dessus dessous : l'endroit semble abandonné. Il ne trouve pas ce qu'il cherche. Si seulement il avait pu déléguer cette tâche "à un subalterne" ! Mais il n'a pas suffisamment confiance en eux. Autour de lui, le désordre ; il va devoir plonger les mains dans le cambouis. Il a vu pire ; comme ce jour où il est tombé dans de la crotte de chameau. Son attention est attirée par un mémo : la liste de strings d'une certaine "Miss W". "String" ? Il réfléchit à ses rudiments d'anglais : n'est-ce pas une "ficelle" ? Il ne comprend rien ; un secret technologique ? Mais ce n'est pas ce qu'il cherche. Alors "où est-il" ? Il doit garder son calme...
Retrouver la "Justice League International" de Giffen et DeMatteis est un plaisir à ne pas bouder. Curieusement, cette brochette d'épisodes présente une évolution très similaire à celle du premier volume : des aventures fortement teintées d'humour, qui prennent sur la fin une tournure soudainement plus tragique et plus sombre. Cela commence avec une pantalonnade dans laquelle le Joker s'incruste. Héros et vilains sèment le chaos dans ce faux havre de tranquillité que symbolise la banlieue nord-américaine : le ton est donné. Suit un récit qui court sur plusieurs numéros et qui raille le consumérisme effréné, avec comme invité l'étrange et hilarant Manga Khan : commercial accompli et spécialiste du monologue délibératif, secondé par des robots qui encouragent effrontément son cabotinage, il vole la vedette à tout le monde sauf peut-être à G'nort, le moins futé des Green Lanterns. Cela continue avec une mission en Bialye puis un détour mouvementé par Apokolips. Comme adversaires, les héros affrontent des extraterrestres, des super-méchants ou des voyous dotés de pouvoir qui les dépassent. Lobo est invité à la mêlée. Entre les crises d'autoritarisme, le manque de sens des responsabilités, la futilité permanente, l'absence fréquente de prise d'initiatives, les incessantes et infantiles querelles d'ego : tout le monde en prend pour son grade. Homme ou femme : il n'y a aucun personnage pour rattraper l'autre. Réplique énorme, aveu de Blue Beetle à Oberon : "C'est-à-dire qu'on ne sait pas quoi faire" (page 173). Ça résume tout. Rassurez-vous, braves gens : avec ces héros-là, la Terre est entre de bonnes mains. L'humour ne doit pas occulter la qualité des intrigues, toujours intéressantes. Les auteurs exploitent les moteurs narratifs tels que : le recrutement (une inquiétude récurrente des équipes majeures de super-héros), le besoin de faire ses preuves, la possession ou encore les divergences d'opinions au sein du groupe. "Justice League" par Giffen et DeMatteis ? C'est drôle, c'est fin, c'est irrésistible ; ça fait toujours sourire, souvent rire. Le lecteur pourra s'amuser à identifier les nombreuses références cinématographiques et littéraires.
Maguire dessine six numéros. Évidemment, ce n'est pas assez, tant son art est au-dessus du lot. Le lecteur devra s'en contenter d'autant plus que le dessinateur montre un sens incroyable de l'expressivité et que son travail sur les visages et la minutie qu'il apporte à ses compositions (malgré une simplification répétée des arrière-plans) sont véritablement réjouissants. Par exemple, la mine qu'Oberon affiche pour convaincre Maxwell Lord (troisième case de la page 313) est confondante de naturel. Les encrages sont efficaces. Les zones de demi-teinte donnent de la texture aux dessins de Maguire peut-être plus qu'aux autres. Le reste est de qualité inférieure, hélas ! Templeton, Leialoha et Willingham - bien qu'ils ne déméritent point et produisent un résultat très professionnel - ne sont tout simplement pas du même niveau.
C'est Jérôme Wicky - l'un des pontes de sa profession - qui a effectué la traduction et elle est vraiment épatante. Petite note, en français, "alien" n'est pas un adjectif.
Cette excellente série procurera un authentique plaisir à la lecture, chaque numéro se dégustant comme une friandise ; elle justifie pleinement sa réédition. Giffen et DeMatteis étant restés sur "Justice League America" jusqu'au #60 (1992), Urban Comics pourrait publier deux volumes supplémentaires. Affaire à suivre de près.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbüz - En mémoire de Keith Giffen (30 novembre 1952 - 9 octobre 2023)
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Blue Beetle, Booster Gold, Green Flame / Fire, Ice Maiden / Ice, Mister Miracle, Barda, Oberon, Guy Gardner, G'nort, Batman, Le Limier martien, Rocket Red, Maxwell Lord, Colonel Rumaan Harjavti, Manga Khan, Lobo, Apokolips, Darkseid, Mamie Bonheur, Professeur Virman Vundabar, Kanto
Rien que de lire ta chronique a généré un sourire sur mon visage, grâce au souvenirs qu'elle a fait remonter.
RépondreSupprimerManga Khan et L-Ron, ce dernier en hommage (ou en dérision) à L. Ron Hubbard, le fondateur de la scientologie.
Entre les crises d'autoritarisme, le manque de sens des responsabilités, la futilité permanente, l'absence fréquente de prise d'initiatives, les incessantes et infantiles querelles d'ego : que d'excellents souvenirs.
Entièrement d'accord avec les qualités inimitables de Kevin Maguire. Je n'ai jamais compris pourquoi aucun autre dessinateur n'est capable de lui arriver à la cheville pour le comique des expressions de visage.
En mémoire de Keith Giffen, décédé le 09/10/23.
Merci pour toutes ces infos.
SupprimerLa vache : ça va chercher bien plus loin que ce que je m'imaginais !