"Le Prince du Nil" est le onzième tome de la série créée par le Français Jacques Martin (1921-2010) en 1948. L'aventure est prépubliée dans l'édition belge du "Journal de Tintin" entre mai et octobre 1973. Casterman (la maison reprend "Alix" à Le Lombard en 1965 et réédite les cinq premiers tomes entre 1965 et 1973) l'édite en album en 1974. Cette histoire compte quarante-huit planches au lieu des cinquante-quatre usuelles.
Martin est également célèbre pour d'autres séries, telles que "Lefranc", ou "Jhen". En 1991, il est hélas diagnostiqué d'une dégénérescence maculaire qui le rend quasiment aveugle et l'éloigne des tables de dessin dès l'année suivante. Il délègue alors le dessin à d'autres artistes et se fait assister à l'écriture.
À l'issue du tome précédent, Alix ramène les mercenaires gaulois de l'armée romaine sur leurs terres. Iorix meurt lapidé par ses propres soldats fous de rage ; sa dépouille est abandonnée.
L'Éclat de Saïs, un bateau, remonte le Nil depuis plusieurs semaines. Il accoste à Kherka, en Nubie. En descendent Alix, Enak, et Amonis, un Égyptien qui les a guidés jusque-là ; ils sont reçus avec déférence par un homme du nom de Toutserès, qui les mène vers un campement somptueux où les attendent d'importants dignitaires. Grands prêtres, prévôts et officiers sont présents pour accueillir celui que Toutserès évoque comme l'envoyé des dieux et qui n'est autre qu'Enak. Le général Djefer invite les deux jeunes gens à se restaurer et se rafraîchir. En aparté, il glisse à Amonis qu'il aurait été bienvenu que le voyage dure plus longtemps, car le prince de Méroé vient d'arriver à Sakhara et cela dérange ses plans. Amonis répond qu'il a fait son possible. Alix remercie l'officier supérieur de son accueil ; celui-ci lui explique qu'il est d'usage de déployer un cérémonial de cette ampleur pour l'héritier d'un prince. Ainsi, Enak serait donc bien le descendant d'un prince. Alix prie Djefer de lui raconter comment cette lignée a été découverte...
Avec "Le Prince du Nil", Martin s'essaie à l'intrigue politique aux plus hauts niveaux de pouvoir. Le genre est présent dans la plupart des albums, mais ici, il s'agit ni plus ni moins de perpétuer une dynastie avec, au centre de ces espoirs, Enak. Le jeune Égyptien passe ainsi du statut de maillon faible et de responsabilité permanente pour Alix à celui d'objet de convoitise. Le cadre ? L'Égypte, pour la seconde fois (voir "Le Sphinx d'or") ; car pour Martin, l'antiquité n'est pas que Rome, et il le démontre en faisant découvrir d'autres civilisations à Alix. L'auteur produit un quasi-huis clos rythmé par les machinations de palais, entre ambitions politiques, chantage, complot contre Rome, drame familial, meurtres et passion amoureuse. Le Gaulois est mêlé à des intrigues de pouvoir, dans lesquelles un pharaon vieillissant et naïf, sa sœur passionnée prête à courir tous les risques par amour pour Alix, et son frère banni pour la couleur de sa chevelure figurent parmi les principaux protagonistes. Martin fait tout endurer à son personnage : dilemme et menaces, fouet, esclavage, travaux forcés, abandon dans le désert, le pire étant peut-être l'indolence, voire l'indifférence d'Enak à l'égard des événements subis par son protecteur. Le lecteur assiste aux dernières heures d'une dynastie déclinante, d'une société crépusculaire condamnée à disparaître, victime de sa propre volonté de survie. Il est regrettable que Martin mette en scène une catastrophe naturelle pour donner un fondement à la malédiction de Qaâ. De plus, la fin est trop similaire à celle du "Dieu sauvage". Graphiquement, c'est admirable, c'est magnifique ! Dans un découpage classique, Martin produit six à dix cases de formats divers, réparties en trois ou quatre bandes. Quel travail, quelle minutie, quel sens de la composition ! L'artiste subjugue le lecteur par le soin du détail, la richesse des coloris, la variété des costumes, celle des décors, monuments, rues et temples de Sakhara, ou encore les teintes du désert sous un ciel voilé (chapitre de la partie de chasse). Notons enfin que ce tome comprend quarante-huit planches. Jusqu'au huitième, les albums comptent soixante-deux planches. Les deux suivants en contiennent cinquante-quatre chacun. Ici, le nombre descend donc à quarante-huit, plus ou moins le standard actuel établi par les principales maisons d'édition de bande dessinée franco-belge.
"Le Prince du Nil" est un récit intéressant construit sur une intrigue politique ambitieuse. Martin exagère cependant le côté tragique ainsi que l'incroyable conjonction d'événements, rendant son scénario moins crédible que d'autres albums de la série.
À l'issue du tome précédent, Alix ramène les mercenaires gaulois de l'armée romaine sur leurs terres. Iorix meurt lapidé par ses propres soldats fous de rage ; sa dépouille est abandonnée.
L'Éclat de Saïs, un bateau, remonte le Nil depuis plusieurs semaines. Il accoste à Kherka, en Nubie. En descendent Alix, Enak, et Amonis, un Égyptien qui les a guidés jusque-là ; ils sont reçus avec déférence par un homme du nom de Toutserès, qui les mène vers un campement somptueux où les attendent d'importants dignitaires. Grands prêtres, prévôts et officiers sont présents pour accueillir celui que Toutserès évoque comme l'envoyé des dieux et qui n'est autre qu'Enak. Le général Djefer invite les deux jeunes gens à se restaurer et se rafraîchir. En aparté, il glisse à Amonis qu'il aurait été bienvenu que le voyage dure plus longtemps, car le prince de Méroé vient d'arriver à Sakhara et cela dérange ses plans. Amonis répond qu'il a fait son possible. Alix remercie l'officier supérieur de son accueil ; celui-ci lui explique qu'il est d'usage de déployer un cérémonial de cette ampleur pour l'héritier d'un prince. Ainsi, Enak serait donc bien le descendant d'un prince. Alix prie Djefer de lui raconter comment cette lignée a été découverte...
Avec "Le Prince du Nil", Martin s'essaie à l'intrigue politique aux plus hauts niveaux de pouvoir. Le genre est présent dans la plupart des albums, mais ici, il s'agit ni plus ni moins de perpétuer une dynastie avec, au centre de ces espoirs, Enak. Le jeune Égyptien passe ainsi du statut de maillon faible et de responsabilité permanente pour Alix à celui d'objet de convoitise. Le cadre ? L'Égypte, pour la seconde fois (voir "Le Sphinx d'or") ; car pour Martin, l'antiquité n'est pas que Rome, et il le démontre en faisant découvrir d'autres civilisations à Alix. L'auteur produit un quasi-huis clos rythmé par les machinations de palais, entre ambitions politiques, chantage, complot contre Rome, drame familial, meurtres et passion amoureuse. Le Gaulois est mêlé à des intrigues de pouvoir, dans lesquelles un pharaon vieillissant et naïf, sa sœur passionnée prête à courir tous les risques par amour pour Alix, et son frère banni pour la couleur de sa chevelure figurent parmi les principaux protagonistes. Martin fait tout endurer à son personnage : dilemme et menaces, fouet, esclavage, travaux forcés, abandon dans le désert, le pire étant peut-être l'indolence, voire l'indifférence d'Enak à l'égard des événements subis par son protecteur. Le lecteur assiste aux dernières heures d'une dynastie déclinante, d'une société crépusculaire condamnée à disparaître, victime de sa propre volonté de survie. Il est regrettable que Martin mette en scène une catastrophe naturelle pour donner un fondement à la malédiction de Qaâ. De plus, la fin est trop similaire à celle du "Dieu sauvage". Graphiquement, c'est admirable, c'est magnifique ! Dans un découpage classique, Martin produit six à dix cases de formats divers, réparties en trois ou quatre bandes. Quel travail, quelle minutie, quel sens de la composition ! L'artiste subjugue le lecteur par le soin du détail, la richesse des coloris, la variété des costumes, celle des décors, monuments, rues et temples de Sakhara, ou encore les teintes du désert sous un ciel voilé (chapitre de la partie de chasse). Notons enfin que ce tome comprend quarante-huit planches. Jusqu'au huitième, les albums comptent soixante-deux planches. Les deux suivants en contiennent cinquante-quatre chacun. Ici, le nombre descend donc à quarante-huit, plus ou moins le standard actuel établi par les principales maisons d'édition de bande dessinée franco-belge.
"Le Prince du Nil" est un récit intéressant construit sur une intrigue politique ambitieuse. Martin exagère cependant le côté tragique ainsi que l'incroyable conjonction d'événements, rendant son scénario moins crédible que d'autres albums de la série.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbuz
Hé bien, je vois que ton enthousiasme ne faiblit pas pour le talent graphique de Jacques Martin, sa capacité à réaliser une reconstitution historique riche et authentique. Je me demande quel temps il pouvait consacrer à faire des recherches et à se documenter pour réaliser des dessins aussi aboutis. Toujours aussi curieux, je suis allé voir la page wikipedia consacré à Alix. Je ne m'attendais pas à ce qu'il y ait autant de tomes dans la série dérivée des Voyages d'Alix, avec autant d'auteurs différents.
RépondreSupprimerLe côté tragique ainsi que l'incroyable conjonction d'événements - C'est la marque de fabrique de nombreux récits d'aventures et pas seulement en bande dessinée, que de vouloir en donner pour son argent au lecteur en utilisant des rebondissements et des coïncidences bien pratiques pour faire avancer le scénario, en pliant les événements aux besoins de l'intrigue, en les condensant sur une durée très réduite, et en jouant sur les catastrophes spectaculaires pour rendre la lecture plus impressionnante et plus divertissante.
Moi aussi ça m'a surpris ! 35 tomes, soit presque autant - à un tome près - que la série régulière ! Je me demande bien quel était le contrôle de Martin sur ces œuvres-là...
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