"La Marque des bannis" est le vingtième tome de "Thorgal". Sorti chez Le Lombard en janvier 1995, c'est le troisième volume du Cycle de Shaïgan-sans-Merci qui est, à ce jour, le plus long.
L'histoire est de Jean Van Hamme, qui reste le scénariste de la série jusqu'en 2007, date à laquelle il se retire. Couverture, dessins et encrage ont été réalisés par Grzegorz Rosinski, toujours dessinateur du titre à ce jour. La mise en couleurs est signée Graza Kasprzak. L'album compte quarante-six planches.
À l'issue du tome précédent, Thorgal pose la main sur la pierre et oublie jusqu'à son nom ; Kriss de Valnor en profite pour se faire passer pour son épouse, la femme de Shaïgan-sans-Merci.
Les femmes des marins de la tribu des Vikings du Nord se sont réunies sur un promontoire herbeux. Les visages sont fermés et inquiets. Les bouches sont silencieuses. À l'horizon, rien. L'une d'elles, Vigrid, finit par affirmer que "ce ne sera pas encore pour aujourd'hui". Plus tard, à la tombée du jour, un homme blessé et sans équipement traverse la forêt. Au village, les femmes se retrouvent près de l'âtre pour des travaux de couture. L'une d'elles, Ernhild, exprime ses craintes à voix haute : cela fait trois mois que leurs maris auraient dû rentrer. Vigrid ajoute que c'était la dernière expédition de l'année, et que bientôt la mer sera prisonnière des glaces. Une troisième se lamente, se demandant ce qu'elles vont devenir. Ernhild avoue qu'elle a peur ; que feront-elles si les hommes ne rentrent pas ? Qui les nourrira pendant l'hiver ? Qui les défendra contre les incursions des pillards ou des barbares des montagnes ? Vigrid lui suggère de garder son calme ; peut-être sont ils simplement allés plus loin qu'ils n'en avaient l'intention au départ ? À moins qu'ils ne soient tombés entre les mains de ce Shaïgan-sans-Merci, qui ravage et massacre sans quartier. À ces mots, Aaricia coupe son aînée ; justement, et les Vikings, eux, que font-ils d'autre que ravager, massacrer sans quartier ?...
"La Marque des bannis" est un récit consacré à Aaricia et ses enfants, dans lequel Thorgal n'a qu'un rôle lointain - même s'il est, au fond, la cause de tout, ou plutôt l'instrument du désir de vengeance de Kriss de Valnor. L'auteur revient sur les pouvoirs de Jolan, que le jeune garçon a encore des difficultés à entièrement maîtriser. À la grande surprise du fils de Thorgal, sa propre sœur, Louve, semble-t-elle aussi bénéficier d'aptitudes "spéciales" : elle paraît pouvoir communiquer avec les animaux, et avec les loups plus particulièrement. Quant à Aaricia, elle subit le courroux et l'ire des siens. Le bannissement dont elle est victime consiste en un ensemble de scènes fortes. Rien n'est épargné à l'épouse de Thorgal : la douleur et la défiguration, la perte de tout bien matériel jusqu'aux plus petites possessions, l'opprobre et l'humiliation, le froid et la solitude, et les déceptions causées par les représentants du genre humain, qui qu'ils soient - un contraste homme-animal avec la meute de loups qui escorte le groupe réduit et lui accorde sa protection. Évidemment, le pire, pour cette mère courage qui pourra néanmoins compter sur une amitié indéfectible, est que tout cela aura pour conséquence la mise en danger de ses enfants. Bien entendu, Aaricia n'est pas au bout de ses peines, car ce qu'elle vient de vivre n'est peut-être pas grand-chose en comparaison avec ce que Kriss de Valnor lui fera subir. Bien que l'émotion ne soit pas suffisamment présente dans ce vingtième volume, Van Hamme, malgré une légère invraisemblance (le garde qui ramasse le collier sans se poser d'autres questions) produit une aventure captivante actionnée par un suspense maîtrisé, et réussit le tour de force de presque faire oublier Thorgal au lecteur le temps d'une petite cinquantaine de pages. Car l'histoire n'est pas entièrement construite autour du personnage d'Aaricia ; son fils Jolan y joue un rôle prépondérant, et le dernier tiers de l'album lui appartient. L'auteur en profite pour agrandir la cellule familiale (au sens large du terme) avec de nouveaux venus. La partie visuelle, remarquable, est soignée ; la variété des paysages (forêt, montagne) et du climat (vue sur le village enneigé du Fjord du Sud, face-à-face entre Kriss et Jolan sous la neige dans des teintes bleutées) permet à Rosinski d'exploiter sa palette de talents avec le concours d'une mise en couleurs splendide.
"La Marque des bannis" est un tome équilibré, réussi, qui fait la part belle à l'action, aux combats. L'intrigue se focalise sur Aaricia et Jolan. Ils ne sont pas au bout de leurs efforts, d'autant que Thorgal (Shaïgan) n'a aucun souvenir de quoi que ce soit.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbuz
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À l'issue du tome précédent, Thorgal pose la main sur la pierre et oublie jusqu'à son nom ; Kriss de Valnor en profite pour se faire passer pour son épouse, la femme de Shaïgan-sans-Merci.
Les femmes des marins de la tribu des Vikings du Nord se sont réunies sur un promontoire herbeux. Les visages sont fermés et inquiets. Les bouches sont silencieuses. À l'horizon, rien. L'une d'elles, Vigrid, finit par affirmer que "ce ne sera pas encore pour aujourd'hui". Plus tard, à la tombée du jour, un homme blessé et sans équipement traverse la forêt. Au village, les femmes se retrouvent près de l'âtre pour des travaux de couture. L'une d'elles, Ernhild, exprime ses craintes à voix haute : cela fait trois mois que leurs maris auraient dû rentrer. Vigrid ajoute que c'était la dernière expédition de l'année, et que bientôt la mer sera prisonnière des glaces. Une troisième se lamente, se demandant ce qu'elles vont devenir. Ernhild avoue qu'elle a peur ; que feront-elles si les hommes ne rentrent pas ? Qui les nourrira pendant l'hiver ? Qui les défendra contre les incursions des pillards ou des barbares des montagnes ? Vigrid lui suggère de garder son calme ; peut-être sont ils simplement allés plus loin qu'ils n'en avaient l'intention au départ ? À moins qu'ils ne soient tombés entre les mains de ce Shaïgan-sans-Merci, qui ravage et massacre sans quartier. À ces mots, Aaricia coupe son aînée ; justement, et les Vikings, eux, que font-ils d'autre que ravager, massacrer sans quartier ?...
"La Marque des bannis" est un récit consacré à Aaricia et ses enfants, dans lequel Thorgal n'a qu'un rôle lointain - même s'il est, au fond, la cause de tout, ou plutôt l'instrument du désir de vengeance de Kriss de Valnor. L'auteur revient sur les pouvoirs de Jolan, que le jeune garçon a encore des difficultés à entièrement maîtriser. À la grande surprise du fils de Thorgal, sa propre sœur, Louve, semble-t-elle aussi bénéficier d'aptitudes "spéciales" : elle paraît pouvoir communiquer avec les animaux, et avec les loups plus particulièrement. Quant à Aaricia, elle subit le courroux et l'ire des siens. Le bannissement dont elle est victime consiste en un ensemble de scènes fortes. Rien n'est épargné à l'épouse de Thorgal : la douleur et la défiguration, la perte de tout bien matériel jusqu'aux plus petites possessions, l'opprobre et l'humiliation, le froid et la solitude, et les déceptions causées par les représentants du genre humain, qui qu'ils soient - un contraste homme-animal avec la meute de loups qui escorte le groupe réduit et lui accorde sa protection. Évidemment, le pire, pour cette mère courage qui pourra néanmoins compter sur une amitié indéfectible, est que tout cela aura pour conséquence la mise en danger de ses enfants. Bien entendu, Aaricia n'est pas au bout de ses peines, car ce qu'elle vient de vivre n'est peut-être pas grand-chose en comparaison avec ce que Kriss de Valnor lui fera subir. Bien que l'émotion ne soit pas suffisamment présente dans ce vingtième volume, Van Hamme, malgré une légère invraisemblance (le garde qui ramasse le collier sans se poser d'autres questions) produit une aventure captivante actionnée par un suspense maîtrisé, et réussit le tour de force de presque faire oublier Thorgal au lecteur le temps d'une petite cinquantaine de pages. Car l'histoire n'est pas entièrement construite autour du personnage d'Aaricia ; son fils Jolan y joue un rôle prépondérant, et le dernier tiers de l'album lui appartient. L'auteur en profite pour agrandir la cellule familiale (au sens large du terme) avec de nouveaux venus. La partie visuelle, remarquable, est soignée ; la variété des paysages (forêt, montagne) et du climat (vue sur le village enneigé du Fjord du Sud, face-à-face entre Kriss et Jolan sous la neige dans des teintes bleutées) permet à Rosinski d'exploiter sa palette de talents avec le concours d'une mise en couleurs splendide.
"La Marque des bannis" est un tome équilibré, réussi, qui fait la part belle à l'action, aux combats. L'intrigue se focalise sur Aaricia et Jolan. Ils ne sont pas au bout de leurs efforts, d'autant que Thorgal (Shaïgan) n'a aucun souvenir de quoi que ce soit.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbuz
Thorgal n'a qu'un rôle lointain. - C'est une belle preuve de la capacité des auteurs à faire exister leurs personnages quand ils réussissent à faire revenir le lecteur en l'absence du personnage principal ; ça en dit long sur le degré d'implication du lecteur dans les personnages. En plus les auteurs peuvent ainsi éviter l'écueil du récit uniquement centré sur un personnage, sans autre point de vue.
RépondreSupprimerLa variété des paysages - Cette caractéristique que tu relèves atteste également du fait que le scénariste sait penser son récit en termes visuels, en collaboration avec le dessinateur.
Exactement. En y réfléchissant, je me dis que c’est ce qui a manqué à « XIII », peut-être. Mais de toute manière, cela n’empêche pas « Thorgal » de commencer à tourner en rond à l’issue du cycle de Qâ.
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