mardi 21 août 2018

Thorgal (tome 21) : "La Couronne d'Ogotaï" (Le Lombard ; novembre 1995)

"La Couronne d'Ogotaï" est le vingt et unième volume de "Thorgal". Il est sorti chez Le Lombard en novembre 1995. C'est le quatrième du Cycle de Shaïgan-sans-Merci, qui en compte six.
L'histoire est de Jean Van Hamme, qui reste le scénariste de la série jusqu'en 2007, date à laquelle il se retire. Couverture, dessins et encrage ont été réalisés par Grzegorz Rosinski, toujours dessinateur du titre à ce jour. La mise en couleurs est signée Graza Kasprzak. L'album compte quarante-six planches.

À l'issue du tome précédent, Jolan ne parvient pas à empêcher Kriss de Valnor de fuir avec Thorgal, Aaricia et Louve. Lui et Muff partent sur leurs pas, rejoints par Darek et sa sœur Lehla.

La forteresse de Shaïgan-sans-Merci est fouettée par la pluie, le vent, les embruns. Le ciel est sombre, la mer est agitée. Shaïgan-sans-Merci et Kriss de Valnor sont dans leur chambre. Ils sont tous deux richement vêtus. Lui, appuyé à la fenêtre, laisse ses pensées vagabonder. Il l'écoute à peine lorsqu'elle tente de le convaincre de reprendre la mer. Leurs hommes, souffrant de l'hiver et de l'inaction, s'impatientent ; ils veulent continuer les pillages et les combats. Kriss craint qu'ils ne deviennent incontrôlables si une nouvelle expédition n'est montée. Maussade, Shaïgan montre bien peu d'enthousiasme à l'idée de toutes ces tueries aveugles, ces destructions de villages, avec des centaines de prisonniers voués à l'esclavage. Ce n'est pas à ce type d'existence qu'il aspire. Kriss, agacée, rétorque qu'il s'agit d'imposer leur loi, celle de Shaïgan-sans-Merci. Les seigneurs des alentours leur paient un tribut. Leur coffres sont pleins d'or. Ils sont craints des Celtes, des Saxons, et même des Vikings. Dans quelques années, ils seront les maîtres des terres connues et inconnues. Shaïgan sera alors le plus fameux conquérant depuis Alexandre le Grand. Un vieux domestique entre dans la chambre pour les informer que leurs capitaines sont réunis dans la grande salle, et qu'ils attendent...

Voici le second tome de ce cycle où Thorgal ne joue qu'un second rôle. Si l'album précédent était centré sur Aaricia, puis sur Jolan, c'est le fils de l'Enfant des étoiles qui est la vedette de celui-ci. Van Hamme exploite - encore - une nouvelle ramification du Cycle du Pays qâ et produit une intrigue construite sur les voyages temporels ; c'est la troisième de la série, après "Les Trois Vieillards du pays d'Aran" (troisième volet) et "Le Maître des montagnes" (quinzième). Ici, le parcours dans le temps n'est pas considéré comme un instrument de pouvoir, mais comme l'outil miraculeux permettant de racheter les erreurs. Jaax le veilleur essaie d'abord de réparer un paradoxe temporel, une anomalie de l'histoire. Jolan, lui, s'en servira pour venir en aide à sa mère et à sa sœur et ainsi effacer la marque des bannis. Cette histoire est presque exclusivement centrée sur Jolan, et c'est là tout l'intérêt du récit, puisque le personnage est représenté à trois époques de sa vie : la jeune enfance, la préadolescence (ou l'adolescence) et l'âge adulte. Si le Jolan adulte rassure au sujet de ses qualités (combativité, imagination et intelligence), le Jolan adolescent ou préadolescent surprendra par sa force de caractère, survivant au piège cruel qui lui est froidement tendu, celui d'une existence passée seul, et sans le moindre but. La confrontation avec Kriss est, bien entendu, excitante, et la belle pirate étonne de par son ubiquité. La conclusion satisfera ceux des lecteurs souhaitant que les dieux oublient cette famille - et surtout cette femme et ses deux enfants, car en cela, le sacrifice de Thorgal est un échec complet ; finalement, il a renoncé à sa mémoire et ses souvenirs pour rien. Si tout cela est développé avec une adresse certaine et un indéniable talent, les surprises et retournements de situation finiront peut-être par lasser, en tout cas jusqu'au dénouement et la terrible décision du Grand Veilleur au sujet du Jolan adulte. La partie graphique est une autre réussite de Rosinski. L'artiste produit, en moyenne, sept à huit cases par planche, présentées dans un découpage classique et limpide. Les scènes de la forteresse et celles de la tempête en mer forment des éléments spectaculaires, et le dessinateur montre sa maîtrise de la perspective (l'ascension de la muraille du château par Jolan). L'encrage et la mise en couleurs font à nouveau des merveilles.


Cet album exploite (surexploite) encore une fois le filon du Cycle du Pays qâ. Van Hamme abuse-t-il pour éviter d'épuiser son inspiration ? Quoi qu'il en soit, l'auteur a assez de métier pour tenir son lecteur en haleine jusqu'à la conclusion de l'aventure.

Mon verdict : ★★★★☆


Barbuz
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2 commentaires:

  1. C'est déconcertant car ton résumé du début pose les bases d'un dilemme moral épineux, celui du chef de guerre contraint à poursuivre une politique d'expansion agressive, malgré une volonté de paix. Or la suite ne concerne que Jolan.

    Tes remarques sur les planches de Grzegorz Rosinski exprime bien mon ressenti que lorsqu'un dessinateur sait donner de la consistance aux lieux, la bande dessinée gagne fortement en potentiel d'immersion.

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    1. Ce cycle-là est effectivement particulier, en cela que Thorgal n’apparaît qu’en arrière-plan.
      Dans le mécanisme narratif, il est principalement utilisé en début et en fin d’album afin de susciter l’intérêt du lecteur, puis pour faire le lien avec le fil conducteur du cycle. Mais Van Hamme, afin d’éviter de tourner en rond, exploite les autres membres de la famille ; dans une certaine mesure, on dirait presque une série dérivée intégrée, ou dont le personnage principal devient secondaire, au fond.

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