vendredi 30 novembre 2018

Alix (tome 12) : "Le Fils de Spartacus" (Casterman ; janvier 1975)

"Le Fils de Spartacus" est le douzième tome de la série créée par Jacques Martin (1921-2010) en 1948. L'aventure est prépubliée dans l'édition belge du "Journal de Tintin" du numéro 42 d'octobre 1974 au 11 de mars 1975. En 1975, Casterman l'édite en album (cartonné) de quarante-six planches au total.
Martin est également célèbre pour d'autres séries, telles que "Lefranc", ou "Jhen". En 1991, il est hélas diagnostiqué d'une dégénérescence maculaire qui le rend quasiment aveugle et l'éloigne des tables de dessin dès l'année suivante. Il délègue alors le dessin à d'autres artistes et se fait assister à l'écriture.

À l'issue du tome précédent, la capitale de Sakhara est détruite par une pluie de météorites. Ramès s'enferme, Saïs meurt dans le désert ; Qaâ, lui, reste vivre dans les ruines de la cité.
Le sénateur Gaïus Curion a organisé une réception somptueuse, orgiaque. Artistes, vins fins, parfums... C'est une débauche de beauté, de produits et de mets raffinés. Curion, préteur depuis peu, souhaite non seulement que ses convives soient satisfaits et que leurs désirs soient comblés, mais aussi que le luxe et la richesse qu'il étale reflètent la puissance de sa fonction. La grande porte principale s'ouvre, et des hommes en uniforme et en armes entrent ; ils se fraient un chemin parmi les noceurs sans les ménager, jusqu'au sénateur. Lorsque ce dernier fait mine de s'indigner, l'officier répond qu'il est ici sur mandat de Pompée, et qu'il lui demande un entretien. Curion lui enjoint de parler, mais le militaire avance la confidentialité et exige une conversation privée. Le sénateur s'excuse. Au nombre des invités, Alix et Galva. Le jeune Gaulois trouve cette entrée bien étrange ; son compagnon d’armes ne s'en inquiète guère, et se ressert une coupe de vin. À l'extérieur, sur la terrasse, le soldat, Siracus, transmet les ordres de Pompée : demain, Curion devra réunir le Sénat à la première heure du jour. Il doit donc rentrer à Rome cette nuit...

En 1974-1975, Martin réduit une nouvelle fois la voilure (à la demande de son éditeur ?) et passe de quarante-huit à quarante-six planches. L'auteur déploie une intrigue construite sur un complot autour de la personne du fils de Spartacus. En toile de fond, un énième affrontement entre César, qui charge Alix de conduire le garçon en Thrace - hors d'Italie quoi qu'il en soit, et Pompée, qui veut que le jeune Spartaculus lui soit ramené - surtout pour éviter que César puisse tirer profit d'une éventuelle rébellion qu'il serait le seul à pouvoir mater. Martin met en scène les excès auxquels peuvent se livrer les riches Romains, ivres, gavés, s'essuyant les mains dans les cheveux des esclaves, ou encore l'attrait de certains notables pour les préadolescents ; pour la première fois, il y a dans la série un certain degré de nudité. Martin présente une vision particulièrement dure de la Rome antique, entre enfants mutilés par leurs parents pour attirer la compassion des passants et obtenir plus facilement l'obole, ou le destin et la vie de Spartaculus, que Maia est prête à échanger contre de l'or. "Le Fils de Spartacus" montre ainsi une société qui savait être cruelle envers les enfants. Peu importe l'extraction sociale, en fin de compte, violence et cynisme affectent toutes les couches de la population. L'auteur dresse quelques portraits, tels celui de Maia, victime d'une inextinguible soif de l'or et pour qui la fin justifie tous les moyens, du Grec Ardélès en amoureux soumis et loyal, ou encore du préfet Livion Spura, vieillard au comportement graveleux. Martin, comme souvent, revient sur des pages célèbres de la Rome antique par l'intermédiaire d'un narrateur - en l'occurrence, la révolte menée par Spartacus jusqu'à sa mort en 71 av. J.-C. Ce récit, hélas, n'est pas à la hauteur des tomes précédents. Certaines scènes ou certains éléments sont totalement invraisemblables, comme la mort de Zozinos ou le revirement décidément bien facile de Fulgor. La linéarité est trop présente, la dimension tragique manque d'ampleur, l'action fait défaut, et l'assaut nocturne n'est guère lisible. Tout cela procure un arrière-goût fortement amer. Graphiquement, c'est abouti. Les paysages, les décors ou les costumes, encore valorisés par une mise en couleurs éblouissante, sont remarquables. Malheureusement, la qualité de la partie visuelle ne compense pas un scénario décevant et ennuyeux.

"Le Fils de Spartacus" est un récit peu captivant dont l'intrigue se laisse trop facilement deviner. L'absence d'un enjeu de grande ampleur et le manque d'action par rapport aux autres tomes de la série le placent loin derrière les classiques du titre.

Mon verdict : ★★☆☆☆

Barbuz

2 commentaires:

  1. Houla !?! Un 2 * pour Alix, que se passe-t-il ? Voilà qui m'a incité à aller voir ce qu'en disent les lecteurs sur Babdelio et le score n'est pas vraiment meilleur, avec un avis très critique quasi systématique pour le scénario. Comme toi, un lecteur relève la beauté des paysages, en particulier montagneux. Il est vrai que les pratiques que tu relèves (les cheveux en guise d'essuie-main, la pédophilie, la mutilation d'enfants...) brossent le portrait d'une civilisation à qui il reste des progrès à faire, et pas seulement vis-à-vis des esclaves.

    La mise en couleurs éblouissante - Est-elle de Jacques Martin, ou faisait-il appel à des assistants ?

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    1. Ah ! Je suis "rassuré", car j'avais regardé sur Amazon et l'album a une moyenne de cinq étoiles sur trois commentaires. J'avais donc un peu "peur" de faire preuve d'iconoclasme.
      Concernant la couleur, une recherche rapide vient de me révéler que Martin avait embauché un coloriste en 1950 : Roger Leloup, qui allait devenir le créateur de la série "Yoko Tsuno". Il en prendra un second peu après : Michel Demarets.
      Voir : https://www.casterman.com/Bande-dessinee/Auteurs/martin-jacques
      Donc a priori, la mise en couleurs a été réalisée par l'un de ses assistants (ou les deux).
      Merci d'avoir posé la question.

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