mardi 4 décembre 2018

Bloodshot Reborn (tome 3) : "L'Homme analogique" (Bliss Comics ; décembre 2016)

En 2013, Panini Comics obtient la licence Valiant pour la France et édite "Bloodshot", avant de renoncer à Valiant en 2015 pour cause de ventes décevantes. En décembre 2015, Bliss Comics récupère les droits, et publie "Bloodshot Reborn" (la suite de "Bloodshot") à partir d'avril 2016. "L'Homme analogique" ("The Analog Man" en VO) en est le troisième tome. Il compte un peu plus de cent planches, et compile les numéros VO 10-13 (septembre à décembre 2015) de la série, ainsi que "Le Rêve", un extrait exclusif du "Free Comic Book Day" de 2015 et le prologue au titre.
Jeff Lemire écrit le scénario. Lewis LaRosa illustre et encre les quatre parties (la dernière avec Stefano Gaudiano), Butch Guice, le bonus. Brian Reber effectue la mise en couleurs des #10-13, Allen Passalaqua celle du "Rêve"Ryan Sook, Ryan Badenheim et Michael Garland ou encore Ben Oliver sont artistes de couverture.

À l'issue du tome précédent, Bloodshot et Magic sont à Chicago, devant l'adresse qu'elle a identifiée. Plutôt que de découvrir qui il était, Garrison brûle le dossier et s'en débarrasse. Ils repartent.
Trente ans plus tard, en Californie. L'état est devenu un désert, une terre désolée où les conditions sont extrêmement dures. La ville de Los Angeles a évolué en un bastion de technologie. Bloodshot est aujourd'hui le défenseur d'une petite communauté qu'il aide à survivre et qu'il protège d'une bande de pillards, les Shadowmen. Il est installé avec Magic ; le couple est établi dans une modeste cabane de tôle, comme toutes les autres familles de ce village qui s'est développé au fond d'un canyon. Ce jour-là, deux jeunes chenapans, Raj et son camarade, surveillent le domicile de Ray Garrison. Raj veut s'approcher, mais son copain hésite ; s'il les attrape en train de l'espionner, Garrison pourrait leur lancer un sort et les métamorphoser en chèvres. N'est-ce pas ce qui est arrivé à Danny et son frère ? Raj, méprisant, rétorque que l'homme n'est pas sorcier. Son compagnon insiste ; son père lui a même raconté que Bloodshot pratiquait la magie noire...

Dans "L'Homme analogique", Lemire continue à déployer la tragédie (humaine et sociale) autour du personnage de Bloodshot. L'auteur développe une intrigue non linéaire dans lequel plusieurs lignes temporelles s'entremêlent, et s'offre la possibilité d'exploiter un futur hypothétique qu'il manœuvre à son aise et dans lequel il met en scène un tandem de héros vieillissants : Bloodshot et Ninjak. Le scénario est absolument captivant, rythmé, et apporte son lot de surprises. Le lecteur ne pourra s'empêcher d'éprouver une véritable sympathie pour Bloodshot, pauvre hère perdu à qui il ne reste que l'instant présent et les drames des fragments de sa mémoire détruite et manipulée. Le bonus est intéressant, mais il est étonnant que l'éditeur ne l'ait pas intégré dans le premier tome. Le monde (ou en tout cas, la Californie) est devenu un enfer, un désert aride et hostile que sillonnent des bandes de pillards sauvages qui ne portent plus le moindre vernis de civilisation sur eux ; tout cela est évidemment très inspiré de l'univers de "Mad Max" (ambiance, costumes, paysages, véhicules, etc.). Le contraste avec la mégalopole Los Angeles, concentré de technologie, est surprenant. Le duo Bloodshot-Ninjak fonctionne à merveille et n'est pas sans humour : le super-soldat fruste d'un côté, le gentleman anglais de l'autre. Graphiquement, c'est spectaculaire. Le trait de LaRosa et les couleurs de Passalaqua retranscrivent parfaitement l'ultra-violence de l'intrigue de Lemire, et ne lésinent ni sur les scènes-chocs ni sur l'hémoglobine au fur et à mesure que monte la rage vengeresse du personnage principal : gros plans sur des crânes qui explosent comme des coquilles d'œufs ou sur les visages lors de passages à tabac, éventrations dans des gerbes de sang, décapitations... Le dessinateur varie la forme de son découpage : bandes verticales, horizontales, obliques, voire en éclats, utilisation fréquente de l'insert, parfois des pages pleines. Guice présente un style certainement plus classique et plus conventionnel, mais tout aussi adapté à la série.
La traduction est de Mathieu Auverdin (des studios MAKMA) ; comme dans les deux premiers tomes, il produit ici un travail de qualité et un texte soigné. Maquette impeccable : table des matières, couvertures originales insérées entre les chapitres...

Lemire, après avoir fait de Bloodshot, ce héros des classes laborieuses, un cobaye privé de vie et d'identité, lui ôte l'amour et toute une partie de ses "souvenirs". Le malabar manipulé devra écrire son propre avenir dans la douleur de ce qu'il a perdu.

Mon verdict : ★★★★☆

3 commentaires:

  1. Exactement tout pareil que toi. Bliss Comics a repris le découpage de Valiant qui avait aussi intégré le FCBD dans ce tome, une introduction efficace au personnage, mais qui ne sert pas à grand-chose, placée comme elle l'est dans ce troisième tome de la série.

    Lewis Larosa dispose d'un goût sûr pour le spectacle, et Brian Reber s'en donne à cœur joie pour les effets spéciaux. Le lecteur plonge dans un film d'action à grand spectacle avec une référence marquée à Mad Max comme tu le relèves, tirant le meilleur parti de l'univers partagé Valiant, c’est-à-dire utilisant sa richesse sans en devenir abscons. La progression du personnage principal s'accompagne de la progression du doute du lecteur, le préparant ainsi à la révélation finale, imposant ainsi sa logique comme étant naturelle. Un bon récit de divertissement.

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    1. Il me reste un dernier tome de cette série-là ; je ne sais pas ce que vaut la suite.
      Entre "Bloodshot Reborn", "X-O Manowar" et "Ninjak", belle découverte, dans l'ensemble, que celle de l'univers Valiant ; à l'exception d'"Archer et Armstrong", que je viens de terminer et qui est indigeste malgré de bonnes idées.

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  2. La suite est dans la même veine, toujours écrite par Jeff Lemire. Cette deuxième saison compte 12 épisodes, répartis en 3 tomes. J'ai lu les 2 premiers, avec un commentaire sur amazon si tu t'interroges sur leur contenu.

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