samedi 22 décembre 2018

"Britannia" : Tome 1 (Bliss Comics ; février 2018)

"Britannia" est le premier tome d'un titre de l'écurie Valiant lancé en 2016. Bliss Comics, qui détient les droits pour Valiant en France depuis fin 2015, l'a publié en février 2018. Ce volume cartonné compte un peu moins de cent dix planches. Il contient les quatre premiers numéros (#1-4, de septembre à décembre 2016).
Peter Milligan a écrit les quatre épisodes. Juan José Ryp a réalisé les illustrations et l'encrage. Raúl Allén et Patricia Martín se sont chargés des trois planches de l'introduction du premier chapitre. La mise en couleurs est de Jordie Bellaire. Ryp et le tandem Allén-Martin ont travaillé sur plusieurs tomes de "Ninjak".

Un soir de l'an 65 apr. J.-C., en Étrurie (au centre de la péninsule italienne). Sous sa tente, dont l'entrée est surveillée par deux légionnaires, le centurion Antonius Axia reçoit Rubria, la Vestalis Maxima, la grande vestale. Axia est agité. Car s'il est pris, l'empereur le fera crucifier, ou fouetter au sang ; peut-être même enfoncera-t-on des animaux (un chien, un coq, une vipère et un singe) dans ses entrailles. Rubria semble s'amuser de ces scénarios ; railleuse, elle rétorque que cela est peu probable, les singes étant devenus très rares. Pour l'officier, ce que la prêtresse lui demande revient à violer le code sacré de l'armée romaine. Cela ne serait ni plus ni moins qu'une désertion. La vestale tente de minimiser l'ampleur de sa requête : il ne lui faut qu'Axia et trois hommes, c'est tout. Elle insiste ; une jeune prêtresse a été capturée par une secte étrusque, dont les adeptes lui réservent un sort effroyable. Mais le soldat veut savoir pourquoi elle ne demande pas directement de l'aide à Néron ; Rubria avoue que leur pouvoir repose sur un mythe qu'elles ont bâti, et qu'elle préférerait éviter que l'empereur apprenne que les vestales ont été négligentes avec la sécurité de l'une des leurs. Le centurion comprend que si personne ne vole à son secours, la jeune femme mourra. La prêtresse précise que la réalité sera bien pire. Lorsqu'Axia Antonius demande à Rubria pourquoi il a été choisi, elle déclare que ce sont les dieux qui l'ont désigné à elles...

Ce premier tome est un succès qui s’appuie sur une combinaison plus ou moins inédite d'ingrédients. Le contexte ? Un détective de l'occulte sous la Rome antique, qui enquête sur des faits surnaturels aux quatre coins de l'Empire ; ici, en l'occurrence, chez les fameux Pictes. La Rome antique ? Oui, mais pas sous n'importe quel règne, celui de Néron, de 54 à 68 apr. J.-C. Néron le cruel, qui assassina sa mère ; qui fut accusé d'avoir ordonné le grand incendie de Rome, ou qui persécuta les chrétiens de la cité. Néron le fou (mais l'était-il vraiment ?), jusqu'à sa destitution et son suicide. Qui dit occulte dit savoir interdit, démons, monstres terrifiants et immondes, sorciers (ici, des druides), hallucinations, possessions, ou risque de démence. Le ton oscille habilement entre réalisme et satire, avec des dialogues dont le vocabulaire est souvent digne d'une série B. Le lecteur discernera, dans ces pages, de vagues influences lovecraftiennes ; d'ailleurs, Lovecraft (1890-1937) ne met-il pas en scène un officier romain dans "Le Peuple ancien" ("The Very Old Folk", 1927) ? D'emblée, le centurion Antonius Axia est attachant ; il est courageux, adroit au combat, gauche dans ses manières, et sa situation familiale est particulièrement compliquée. Il est accompagné de Bran, son esclave breton, courageux, lui aussi, mais pas téméraire, et les deux forment un tandem bien assorti dont le respect mutuel et un sens partagé de l'humour sont les deux principales dynamiques. Milligan dépeint une Rome cynique qui n'est que jeux de pouvoir, manipulations, sexe et violence. Le trait de Ryp offre un numéro d'équilibriste particulièrement réussi en reproduisant cet état d'esprit à moitié sérieux et à moitié caricatural, ce dernier aspect étant assuré par une expressivité exagérée des visages lors de scènes où la tension est élevée. L'artiste ne lésine pas sur les scènes-chocs très gore et fait jaillir l'hémoglobine à souhait. Il présente un découpage classique et utilise fréquemment technique de l'insert. Les bonus comprennent huit pages, illustrations et couvertures alternatives.
La traduction est réalisée par Mathieu Auverdin (studio MAKMA). En dépit de deux énormes et incroyables fautes dès la première planche, le travail d'adaptation sur le texte est plus qu'honnête ; la maquette est soignée, malgré l'absence de pagination.

Voici une lecture rafraîchissante et satisfaisante. L'identité visuelle de cette série est déjà très personnelle, et pourrait donc pâtir d'une éventuelle instabilité au poste de dessinateur. C'est un titre prometteur, qui aurait dû davantage faire parler de lui.

Mon verdict : ★★★★☆

Barbüz

4 commentaires:

  1. J'ai également mis 4 étoiles à cette lecture, appréciant le caractère gore et détaillé des dessins de Juan José Ryp, à la lisibilité améliorée par la mise en couleurs de Jordie Bellaire. Peter Milligan se montre facétieux avec les changements provoqués par le codex de Vestia, chez Antonius Axia qui se met à utiliser la psychanalyse pour voir clair dans les motivations des uns et des autres.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai vu que Ryp quittait la série à l'issue du second arc, dont je vais bientôt parler. Je suis curieux de voir ce que donnera la troisième mini-série.

      Supprimer
    2. Je ne me suis pas encore décidé à acheter le tome 3, en, particulier du fait de l'absence de Ryp.

      Supprimer
    3. Autant je trouve que le trait de Ryp ne convient pas du tout à l'univers "Ninjak", autant je trouve qu'il est parfait pour "Britannia" et son côté pas 100% sérieux.
      Je dois avouer que moi aussi, j'hésite encore à continuer.
      Tu l'as dans doute déjà fait, mais si tu procèdes à une recherche en ligne sur le titre de la prochaine mini en cours, "Lost Eagles of Rome", tu verras que les dessins du nouvel artiste sont tout à fait honorables.
      C'est rassurant ; maintenant, il faudra voir s'il y a toujours osmose entre texte et image.

      Supprimer