dimanche 23 décembre 2018

Blake et Mortimer (tome 14) : "La Machination Voronov" (Blake et Mortimer ; janvier 2000)

"La Machination Voronov" est le quatorzième tome de la série des "Aventures de Blake et Mortimer". Cet album cartonné de soixante planches est sorti en janvier 2000 aux Éditions Blake et Mortimer. Dans la chronologie de la série, cette aventure, la deuxième de la reprise post-Jacobs, prend place entre "L'Énigme de l'Atlantide" et "Les Sarcophages du 6e continent", l'éditeur et les auteurs essayant d'architecturer une continuité. 
Le scénario est d'Yves Sente, alors directeur éditorial des éditions du Lombard depuis 1991. Les dessins sont signés André Juillard, artiste révélé par "Les Sept Vies de l'Épervier", récompensé au festival d'Angoulême 1994. La mise en couleurs est de Didier Convard, qui réalise là son premier album de la série.

Cosmodrome de Baïkonour, République socialiste soviétique kazakhe, le 16 janvier 1957, juste avant l'aube. La base est en pleine agitation ; le professeur Piotr Ilioutchine et le général Oufa supervisent le lancement d'une fusée spatiale. Au vu des mauvaises conditions météorologiques (des pluies de météorites sont annoncées), Ilioutchine prévient l'officier supérieur qu'il souhaite repousser le programme d'une semaine. Oufa, impatient, réagit avec fermeté ; les enjeux sont importants, car il s'agit de préserver la courte avance de l'URSS sur les États-Unis dans la course à l'espace. Les consignes de Moscou étant claires, Ilioutchine ne peut que s'incliner devant les ordres. Un technicien, Gourov, l'informe que l'aire de lancement vient d'être évacuée et que tout est prêt. Le savant commande que chacun soit à son poste, afin qu'il puisse enclencher le compte à rebours. L'attention de chacun est rivée aux radars. Le décollage se déroule bien et les indicateurs sont au vert. Oufa crie victoire un peu vite ; de son télescope, un observateur aperçoit des météorites heurter la fusée, l'endommager et modifier sa trajectoire. L'opération tournant à la catastrophe, Ilioutchine prend l'initiative, décrète la procédure d'urgence, et ordonne à Oufa de charger ses hommes de localiser la fusée...

L'intrigue se déroule entre janvier et octobre 1957. "La Machination Voronov" aurait dû sortir après "L'Étrange Rendez-vous" (quinzième tome), mais Ted Benoit (1947-2016) ne travaillait pas suffisamment vite au goût de l'éditeur, impatient de continuer à exploiter la série (Média-Participations détient les Éditions Blake et Mortimer depuis 1992). En 1998, une seconde équipe artistique est donc créée. Sente soumet le scénario d'une aventure en deux volets - sans préciser qu'il en est l'auteur. Sa proposition est retenue, mais à la condition qu'elle soit condensée en un seul et unique album. Juillard, à l'issue d'une "épreuve de sélection" qu'il remporte, vient compléter l'équipe artistique. Le résultat est une histoire réussie. L'intrigue, cohérente, digne des meilleurs films d'espionnage sur la guerre froide, est franchement palpitante ; bien que le dénouement subisse quelques longueurs, l'ensemble du scénario reste équilibré et structuré. Sente introduit de nouveaux protagonistes intéressants (dont Nastasia Wardynska et le major Varitch, qu'il reprendra dans "Les Sarcophages du 6e continent") et en réutilise certains plus récents (tels que David Honeychurch, créé dans le tome précédent, "L'Affaire Francis Blake"). Un point important pour ce titre : Sente écrit des dialogues fournis, mais qui sonnent juste. Il est regrettable que Mortimer soit de plus en plus lisse et que sa personnalité flamboyante soit édulcorée. Le lecteur doit accepter qu'il ne s'agit que d'un exercice de style avec les caractères d'autres auteurs. Notons les références, inutiles, et tellement nombreuses qu'elles en deviennent déplacées : à Sergueï Iliouchine (1894-1977), ingénieur aéronautique soviétique décoré à maintes reprises), à James Bond (Miss Pound pour Miss Moneypenny), "La Marque jaune", au "Sceptre d'Ottokar" (1939), ou encore aux Beatles (caprice anecdotique sans intérêt). Enfin, oublions l'anagramme ridicule d'Olrik. La partie graphique est réussie. Juillard réalise un travail soigné, minutieux et détaillé (costumes, véhicules, paysages, intérieurs...). Le dessinateur parvient à reproduire l'art du maître de façon satisfaisante, bien que son Mortimer ne soit pas suffisamment convaincant. Il produit, en moyenne, une douzaine de cases par planche ; la densité est élevée. Son découpage et la lisibilité de l'action sont remarquables. Enfin, la mise en couleurs de Convard est impeccable.

Même s'il pâtit de quelques défauts agaçants, "La Machination Voronov" reste sans aucun doute l'un des meilleurs albums de la période post-jacobsienne des "Aventures de Blake et Mortimer" à ce jour. Un pari réussi pour Sente, Juillard, et pour l'éditeur.

Mon verdict : ★★★★☆

Barbuz

2 commentaires:

  1. N'ayant pas été emballé par le tome précédent, je n'vais jeté qu'un coup d’œil distrait à ce tome. J'avais été impressionné par la capacité de l'éditeur à recruter des auteurs aussi prestigieux, en particulier André Juillard qui m'avait épaté sur Les 7 vies de l'épervier, et Le cahier bleu. Je remarque que tu as relevé le nombre de cases par page, critère qui apparaît comme faisant partie de l'identité graphique de la série.

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    1. Le nombre de cases par page renvoie surtout aux premiers albums, Jacobs ayant "aéré" sa narration au fil du temps. Ici, j'ai d'abord cru que Juillard voulait "singer" le maître, parce que les planches surchargées ce n'est pas son style, et puis je me suis souvenu de cette information que j'avais lue au sujet de l'intrigue en deux tomes dont l'éditeur avait exigé qu'elle soit réduite à un seul.

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