vendredi 1 mars 2019

Blake et Mortimer (tome 17) : "Les Sarcophages du 6e continent" ("Le Duel des esprits") (Blake et Mortimer ; octobre 2004)

"Le Duel des esprits" est le dix-septième tome de "Blake et Mortimer", et la seconde et dernière partie des "Sarcophages du 6e continent". Cet album cartonné de cinquante-quatre planches est sorti en octobre 2004 aux Éditions Blake et Mortimer. Dans la chronologie du titre, cette aventure prend place entre "La Machination Voronov" et "Le Sanctuaire du Gondwana", l'éditeur et les auteurs essayant d'architecturer une continuité.
L’équipe artistique est la même que celle du premier volet : le scénario est d'Yves Sente, les illustrations sont réalisées par André Juillard, et Madeleine De Mille signe la mise en couleurs. 

À l'issue du tome précédent, Blake, Mortimer et Nasir s'envolent pour Cape Town afin d'y rejoindre Labrousse, et, de là, espèrent bien intercepter Singh et son uranium en Antarctique.
Au terme d'un trajet sans problèmes, Blake, Mortimer et Nasir atterrissent à Cape Town. Ils demandent à un taxi de les conduire à la capitainerie du port. Au bout de quelques instants, ils sont reçus par un responsable afin d'apprendre où est amarré le bâtiment de l'expédition Labrousse. Leur interlocuteur les informe que le bateau en question, qui porte pour nom La Madeleine, a appareillé il y a plus de huit heures, et que le prochain navire pour l'Antarctique ne partira pas avant dix jours. Suite à cette complication, et frustrés après ce long voyage, les trois compagnons décident d'aller s'installer à l'hôtel. L'individu qui les a reçus leur recommande un établissement en ville. Ils quittent l'endroit sans avoir réalisé qu'ils sont observés depuis un moment. Plus tard, après leur dîner, ils sont abordés par lord Mac Auchentoshan, un milliardaire écossais haut en couleur et écologiste passionné. Sir Archibald a eu vent de la déconvenue de ses compatriotes et est venu leur proposer une solution, mais n'en dit pas plus. Il leur donne rendez-vous le lendemain à neuf heures au Yacht-Club avec leurs bagages, puis leur souhaite une bonne soirée et se retire...

L'intrigue se déroule en avril 1958. Dans la chronologie de la série, les deux tomes de cette aventure prennent place entre "La Machination Voronov" et "Le Sanctuaire du Gondwana".  Cette deuxième partie démarre à peine quelques heures ou quelques jours après la fin de "La Menace universelle". Dans l'ensemble, le scénario de Sente est plutôt équilibré et sans temps mort. Il y a ici de bonnes idées ; l'intrigue a pour originalité de se dérouler sur le sixième continent, avec toutes les contraintes d'ordre géopolitique que cela peut poser. Sente revient sur le grand mystère de la jeunesse de Mortimer et le conclut d'une manière satisfaisante sur le fond. La course-poursuite en traîneaux à chiens fait monter la tension d'un cran. Mais les dialogues restent l'un des gros points faibles du scénariste ; en témoigne, dans un échange incongru, ce petit cours de préhistoire et de géologie que Labrousse donne à Mortimer tandis que la lave descend, lentement mais sûrement, vers le sous-marin dont ils sont passagers et qui se retrouve coincé ! Dans la forme, cette interminable scène avec un Radjak qui n'en finit plus agoniser et qui choisit de tout raconter parce qu'il est sensible à la noblesse d'âme de Mortimer n'est pas crédible, d'autant plus lorsque le Britannique se montre enclin à lui pardonner et veut tout faire pour le sauver. Un moment de naïveté qui peine à être plausible. Les aspects technologiques de l'intrigue n'ont pas la saveur avant-gardiste qu'ils ont dans les œuvres de Jacobs. Enfin, Sente sert à nouveau une tranche de belgicanisme, cette fois-ci à l'épilogue ; l'auteur a en effet repris des extraits du discours que Baudoin (1930-1993), le roi des Belges, avait prononcé à l'occasion de l'inauguration de l'Exposition universelle de 1958. Bien que "son" Mortimer ne soit pas assez convaincant, Juillard dessine l'ensemble avec talent. Il apporte soin et minutie à ses illustrations. Toutes les cases, sans exception, sont détaillées et finies avec goût et précision. La scène de la poursuite en pleine tempête et le parcours du Subglacior sont admirables. L'artiste offre une densité de vignettes élevée et variable, environ entre neuf et onze par planche en moyenne, jusqu'à quatorze si la narration l'y oblige ; il répartit celles-ci de façon classique, c'est-à-dire en trois bandes horizontales, parfois plus lorsque c'est nécessaire. De Mille, la coloriste, effectue un travail sensationnel.

Malgré de bonnes idées, les faiblesses de l'album se révèlent au fil des lectures. Moins raté que le premier tome, il résiste difficilement au temps. La caractérisation lisse et insipide des deux personnages décourage et finit par lasser le lecteur fidèle.

Mon verdict : ★★★☆☆

Barbuz

2 commentaires:

  1. Celui-là, je suis sûr de l'avoir jamais ouvert ; ton article constitue donc une totale découverte. Il me donne envie de feuilleter l'album pour voir la prestation d'André Juillard. Ta réflexion sur les aspects technologiques de l'intrigue fait apparaître que ça doit être assez compliqué d'écrire de l'anticipation à la manière d'Edgar P. Jacobs, alors que le monde a continué de tourner, de progresser, et que la culture technologique du lecteur a continué à évoluer, à s'accroître.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il y avait souvent quelque chose de visionnaire dans la série de Jacobs, aussi parce qu'elle était contemporaine de l'auteur. Ici, il est presque impossible de rendre cet effet, puisque l'action se déroule dans les années cinquante. L'exercice est vain, sans doute.

      Supprimer