"La Menace universelle" est le seizième tome de la série "Blake et Mortimer", et le premier du diptyque des "Sarcophages du 6e continent". Cet album cartonné de cinquante-quatre planches est sorti en 2003 aux Éditions Blake et Mortimer. Dans la chronologie du titre, cette aventure prend place entre "La Machination Voronov" et "Le Sanctuaire du Gondwana", l'éditeur et les auteurs essayant d'architecturer une continuité.
Le scénario est d'Yves Sente, et les dessins sont réalisés par André Juillard. Trois ans plus tôt, le tandem avait produit "La Machination Voronov" ; Madeleine De Mille signe la colorisation.
Le scénario est d'Yves Sente, et les dessins sont réalisés par André Juillard. Trois ans plus tôt, le tandem avait produit "La Machination Voronov" ; Madeleine De Mille signe la colorisation.
Malgré l'heure tardive et la neige, une certaine agitation règne à Shimla, qui fut la capitale d'été du gouvernement de l'empire des Indes britanniques. Les invités, tous de riches maharadjas, arrivent les uns après les autres à l'ancien palais du vice-roi. Ils viennent y écouter Açoka, un monarque légendaire d'une lointaine dynastie, qui serait revenu d'entre les morts pour rendre à l'Inde la place qu'elle mérite dans le concert des nations. Açoka et tous ces dignitaires ne savent pas qu'ils sont observés par deux agents des renseignements indiens, dont Nasir (qui a ici le grade de lieutenant). Ce dernier envoie son subordonné, un jeune espion, voir de plus près ce qu'il se trame au palais. Après un spectacle à la mise en scène grandiloquente avec fumées, lumières, bruits de tonnerre, animaux sauvages (des babouins blancs), ou encore apparition théâtrale qui semble convaincre même les plus incrédules, Açoka se retire dans son bureau pour s'entretenir avec un invité qui tient à rester dans l'ombre : le major Varitch (cf. "La Machination Voronov"). Sans dévoiler les détails, Açoka et Varitch discutent de leur projet criminel et tombent d'accord sur leur première cible : l'exposition universelle, qui, cette année-là (en 1958), aura lieu à Bruxelles. Mais l'homme de Nasir est surpris à écouter. Grièvement blessé, il va cependant parvenir à rejoindre son chef et lui confier ce qu'il a entendu, puis meurt...
L'histoire se déroule de février à avril 1958. Dans la chronologie de la série, "La Menace universelle" prend place entre "La Machination Voronov" et "Le Sanctuaire du Gondwana". Le scénariste nous plonge dans une atmosphère au parfum de décolonisation avec un arrière-plan de guerre froide. Il déploie une intrigue très linéaire qui met en scène une technologie d'avant-garde, spectaculaire, mais peu crédible aux yeux du lecteur du fait qu'elle n'est pas étayée par des explications vulgarisatrices comme seul Jacobs était capable d'en produire avec tant de talent. Le lecteur pourra être dubitatif à l'égard du moyen utilisé. L'auteur, à partir d'écrits laissés par Edgar P. Jacobs (1904-1987), prend le risque de s'aliéner la partie la plus conservatrice du public de la série en explorant une facette de cet immuable univers qui n'avait encore jamais été effleurée et qui n'était probablement pas censée l'être : il présente Blake et Mortimer dans leur jeunesse, comme deux garçons ouverts, sensibles, conscients de certains problèmes de leurs temps (racisme, décolonisation, ou émergence du tiers monde sur le plan international), mais convenus et consensuels dans leur discours et dans leur comportement. Quant à Olrik, l'arrogant et brillant renégat est décidément bien docile dans les griffes d'Açoka ; sa caractérisation est décevante. La platitude des dialogues mettra à l'épreuve l'enthousiasme du lecteur fidèle. Mortimer semble plus motivé à l'idée de vanter les attractions de Bruxelles à son compagnon que par l'enquête, insufflant ainsi un inattendu relent de belgicanisme à ce titre, chose que Jacobs, au-dessus de ce type de considération, n'avait - et n'aurait - jamais envisagée. L'auteur fait appel à de nombreux personnages de la mythologie de Blake et Mortimer (le professeur Labrousse, Nasir) et reprend certaines de ses créations (le major Varitch). Enfin, comme dans "La Machination Voronov", Sente ne résiste pas à l'envie de faire nos Britanniques croiser les grands de ce monde dans des références inutiles qui n'amènent rien à l'histoire (ici avec Gandhi). Quant à Juillard, il continue à essayer d'imiter le style de Jacobs sans y parvenir vraiment ; son Mortimer n'est pas assez fidèle à l'original. Cela n'ôte rien au travail minutieux de l'artiste ni au soin et aux détails apportés aux cases, aux planches. La coloriste De Mille aide à rendre le résultat final satisfaisant.
"La Menace universelle" compte parmi les ratés de la reprise. Le scénariste ose le risque, mais son intrigue se déroule sans passion, ses dialogues sont faiblards, et cet épisode de la jeunesse de Blake et Mortimer n'est pas particulièrement convaincant.
Mon verdict : ★★☆☆☆
Barbuz
D'Yves Sentes, je n'ai pas lu grand chose : le diptyque du Conte Skarbek (peint par Grzegorz Rosiński) et 2 tomes du Janitor (illustrés par François Boucq). Je n'en ai pas gardé un grand souvenir, si ce n'est une variation basique sur le conte de Monte Christo pour le premier, et une utilisation assez banale de l'actualité pour le second. Je n'arrive même plus à me rappeler si j'ai lu ce tome de Blake & Mortimer... peut-être seulement le début. Ton commentaire donne l'impression de gâchis pour Jullard qui perd son temps à produire des pages appliquées mais où son cœur n'est pas et de scénario construit à partir d'éléments imposés (les notes de Jacobs, la Belgique, l'introduction d'une conscience sociale) manquant d'âme. Je croise les doigts pour que Schuiten soit plus inspiré et dispose d'un scénario plus enthousiasmant.
RépondreSupprimerC'était ma troisième ou quatrième lecture, et les défauts de cet album ne m'étaient encore jamais apparus de façon aussi limpide. J'ai refermé l'album sur un sentiment d'agacement mêlé à une forme d'écœurement. J'ai décidé de faire une pause dans ma relecture des albums de la reprise de la série.
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