"Terre-un" ("Earth One" en VO) est un ensemble de récits proposant une relecture des icônes de DC Comics. Outre Superman, Batman, Wonder Woman, les Jeunes Titans, et Green Lantern ont fait l'objet de cet exercice. Le premier des deux tomes du "Terre-un" consacré à Superman a été publié en juin 2013 dans la collection DC Deluxe d'Urban Comics. Ce bel album cartonné compte approximativement deux cent cinquante planches, sans les bonus (croquis, études), et inclut les deux premiers volumes VO, sortis respectivement en décembre 2010 puis décembre 2012.
Le scénario est de J. Michael Straczynski (cf. "L'Odyssée" avec Wonder Woman). La partie graphique est de Shane Davis au dessin, Sandra Hope à l'encrage avec Barbara Ciardo à la mise en couleur.
Clark Kent, un sac de sport à la main, attend le train pour Metropolis. Il pense à ses discussions avec sa mère, qui s'étonne de le voir prendre les transports en commun quand il peut voler. Et lui d'expliquer que cela lui laisse la possibilité de réfléchir. Arrivé dans la mégalopole, il examine les gratte-ciel autour de lui : les habitants passent, affairés. Il descend à un hôtel modeste. La gérante s'enquiert de la durée de son séjour, car s'il reste plus longtemps, le prix sera plus avantageux. Clark n'en sait rien. Elle lui demande s'il songe à intégrer l'université de Metropolis ; il vient de sortir du lycée de Smallville et n'a pas l'intention d'aller plus loin pour l'instant. Le fils de la logeuse est sorti du lycée de Metropolis il y a deux ans. Il ne pensait pas avoir besoin de continuer, lui non plus ; finalement, il travaille à mi-temps chez l'épicier du coin. Elle affirme à Kent que c'est à lui de décider ce qu'il veut faire de sa vie, pas aux autres. Elle le prie de l'informer lorsqu'il saura s'il reste plus longtemps ou pas. Il s'engage à le faire. Elle lui recommande d'être prudent s'il sort le soir, car le quartier est dangereux. Plus tard, Clark part se promener. Du dehors, il regarde les clients d'un bar, les couples ; la vitre renvoie le reflet d'un visage empreint de solitude. Plus loin, dans une ruelle, il est accosté par un type qui le menace d'un automatique...
"Terre-un" propose une relecture du personnage de Superman, hors Continuité. Ici, Kal-El n'a pas atterri dans un champ. Le lecteur le découvre jeune homme, qui a encore sa mère adoptive, mais dont le père est décédé. Il sort du lycée et cherche un premier emploi. Cette phase intéressante implique une confrontation de ses valeurs personnelles (vérité, utilité) avec des critères plus pratiques (salaire). Kent n'hésite pas à profiter de ses pouvoirs pour se différencier des autres candidats, c'est-à-dire vitesse, force, adresse, ou intelligence d'un Kryptonien sur Terre. Au Daily Planet, nul besoin d’aptitudes hors norme ; c'est le cœur qui doit parler. Le premier arc oppose Superman à Tyrell le Dheronien, un adversaire peu original. Hormis des révélations surprenantes, la confrontation s'achève dans les poncifs du genre : joutes verbales, coups, et beaucoup de casse. Cette variation de Krypton est intéressante ; cette planète abritait ainsi un peuple de guerriers en conflit permanent avec ses voisins, et sa destruction ne vient pas d'une surexploitation des ressources. Cette partie pourra rappeler "Droit du sang". La seconde moitié met Superman face à une version revisitée du Parasite. Son scénario très linéaire pourra lasser. La plupart des personnages ont été repensés, avec une réussite relative ; Superman, plus inquiétant, Jimmy Olsen, plus hâbleur, Lex Luthor, et Metropolis, plus triste. Bien que l'histoire soit résolument sérieuse (le ton sombre, la solitude pesante imposée au héros à cause de sa trop grande puissance, l'armée guère encline à lui laisser le bénéfice du doute), l'humour n'est pas absent. Hélas, à part une réflexion sur le détail, ces deux arcs n'apportent rien de fondamental à la franchise ; Straczynski échoue, comme avec Wonder Woman. Visuellement, ce n'est pas tout à fait convaincant. Davis propose un style moderne, réaliste, et présente un travail minutieux, soigné, mais les émotions, surtout la tristesse, ne se manifestent guère sur des visages assez peu expressifs. La couleur est recouverte d'une pellicule terne.
Alex Nikolavitch a effectué la traduction. Elle est parfois littérale (par exemple, "douzaines" pour "dizaines"). Voici, encore une fois, une publication d'Urban Comics dont le texte n'a pas été relu avec attention (fautes de français, une coquille, etc.).
"Terre-un" est une tentative de relecture et de modernisation du mythe de Superman qui occulte trop l'optimisme et le positivisme auquel le personnage est associé la plupart du temps. Les deux intrigues sont passables, et le résultat final est inabouti.
Mon verdict : ★★☆☆☆
Barbuz
J'avais été moins sévère que toi :
RépondreSupprimerAvec cette nouvelle version de Clark Kent/Superman, JM Straczynski et Shane Davis réussissent à saisir les spécificités du personnage, sans reproduire servilement 80 années de continuité. JMS a l'art et la manière de lui donner une personnalité crédible et sympathique, sans être fade. Davis développe un univers visuel travaillé et dense, agréable à découvrir. Toutefois, cette version bute sur les composantes superhéroïques, coincée entre l'aspect réaliste et les énormités enfantines inhérentes aux superhéros.
Mais le tome 2 m'a montré que tu as raison, et que j'avais été trop optimiste.
Oups ! J'avais oublié que l'édition Urban regroupe les 2 premiers tomes VO. J'ai effectivement mis la même note que toi pour la deuxième partie : une déception à bien des égards. L'histoire de l'affrontement contre le monstre est basique et stéréotypée, en total décalage avec l'ambiance réaliste souhaitée par les auteurs. Straczynski succombe à son travers habituel : raconter une histoire qui prépare plus la suivante qu'elle ne fournit de divertissement immédiat. Shane Davis réalise des illustrations très satisfaisantes pour les scènes dépourvues de superhéros ou de combats, peu intéressantes dès que Superman apparaît. D'un coté cette histoire laisse le lecteur sur sa faim parce qu'il a l'impression que tout ce qui a été construit ne constitue que des fondations pour la suite. De l'autre, il lui est infligé un trouble bipolaire entre cet individu (Clark Kent) souffrant d'une solitude bien humaine, et ce superhéros tellement altruiste qu'il en devient un saint.
RépondreSupprimerCurieusement, à l'époque de sa sortie, j'avais apprécié ce premier tome. L'archive de mon commentaire du moment indique que j'avais mis quatre étoiles ! Le fou ! Étais-je toujours dans l'enthousiasme post-Panini Comics ? Peut-être. À la relecture, ça ne vaut franchement pas tripette - tout comme "L'Odyssée".
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