"Le Retour de Bruce Wayne", sorti dans la collection "DC Signatures" d'Urban Comics en juin 2013, est le cinquième volume des neuf (dont un tome zéro) de la série consacrée au Batman de Grant Morrison. Cet album cartonné de deux cent dix planches approximativement (sans inclure les quelques croquis bonus) comprend l'intégralité de la mini-série VO "Batman: The Return of Bruce Wayne" - six numéros publiés entre mai et décembre 2010.
Morrison écrit le scénario. Chaque épisode est confié à une équipe artistique différente. On a ainsi Chris Sprouse, Karl Story, Guy Major (dessins, encrage, et mise en couleurs) pour le #1, Frazer Irving (#2), Yanick Paquette, Michel Lacombe, Nathan Fairbairn (le #3), Georges Jeanty, Walden Wong, et Tony Aviña (le #4), Ryan Sook et Pere Pérez, Mick Gray, et José Villarrubia (le #5), Lee Garbett et Pérez, Alejandro Sicat, Walden Wong, Guy Major (#6).
Sous un ciel écarlate, cinq hommes préhistoriques examinent prudemment la fusée qui a été expédiée par Lois Lane et Jimmy Olsen. Les reflets de la lumière sur le fuselage les éblouissent. Mais le Vieil Homme leur a affirmé que cet objet était sacré. C'est ici qu'est tombé ce "chariot brûlant", et pas ailleurs. De quoi est-il composé ? De morceaux de ciel ? Mais le bleu du ciel est différent. Il est plus clair. L'un d'entre eux les avertit qu'ils se sont éloignés de leur territoire, celui des Cerfs, pour se rapprocher de celui de la Horde de Sang, derrière les collines. L'endroit est mauvais. Mais même leur meneur a peur de ce qui est sacré. Pa-Homme remarque des empreintes de pas au sol ; qui a laissé de telles traces ? Les "brillants" ? Elles conduisent à une grotte. Le chef du groupe jette une pierre vers l'entrée et ordonne au visiteur de se montrer. Une nuée de chauves-souris émerge de la caverne, puis en sort Bruce Wayne avec la bat-ceinture en main...
En plus de l'Über-Bat capable de déjouer tous les pièges et de s'échapper de n'importe quelle prison, Morrison, avec "Le Retour de Bruce Wayne", offre une dimension supplémentaire au personnage qui repose sur trois aspects. D'abord, Bruce Wayne voyage dans le temps, de l'époque des Homo sapiens jusqu'aux instants ultimes de l'univers ; Batman devient ainsi éternel, indissociable de l'histoire de l'humanité, qu'il accompagne lors de ses derniers moments. Ensuite, le héros nourrit sa légende au fil des périodes-clés auxquelles il s'arrête : le Paléolithique (où il combat aux côtés du premier Robin, en quelque sorte), les premières colonies d'Amérique, où il s'oppose à Nathaniel Wayne, un lointain ascendant porté sur la chasse aux sorcières, le début du XVIIIe siècle, avec Barbe-Noire et ses pirates, la Gotham City du XIXe, et, enfin, le XXe, avec un déconcertant mélange visuel de styles qui en rend la datation presque impossible, mais qui est un clin d'œil évident à la fin des années trente et à la naissance du Chevalier noir (en témoigne l'automobile rouge). Troisième aspect, Gotham City est, dès le départ, un endroit maudit où suinte le mal et la violence. Morrison limite ses explications, évite de proposer des dialogues limpides, et multiplie les références au Bat-univers, ce qui a pour effet de revêtir ces épisodes d'une pellicule touffue, complexe, qui n'est pas nécessaire ; serait-ce un artifice narratif destiné à s'éloigner des poncifs du genre ? Le scénariste fait de Wayne un être presque omniscient et déploie une chaîne d'éléments mus par une logique fulgurante, implacable - lorsqu'elle reste compréhensible - et une créativité intarissable dans laquelle chaque détail à son importance (le collier, le livre). Graphiquement, le talent est au rendez-vous ; Sprouse, Paquette, Sook, Garbett et Pérez produisent du visuel de qualité, et partagent un style à la fois classique et réaliste, tout en conservant leur personnalité propre. Irving apporte l'originalité, y compris dans son approche de la couleur. Le trait de Jeanty est moins sérieux, moins soigné.
La traduction est effectuée par Alex Nikolavitch. Son travail sur le texte est honorable, bien que que deux fâcheuses fautes (accord et conjugaison) aient été relevées, et que "faire sens" n'existe pas dans notre langue française. La maquette est léchée.
Voilà est une lecture ardue qui fourmille de références à l'histoire de Batman, ainsi que d'autres, certainement plus personnelles, qu'il n'est guère aisé de décrypter. Morrison fait de Batman un mythe éternel, à travers un voyage temporel imaginatif.
Mon verdict : ★★★☆☆
Barbuz
Je me souviens que la lecture de ce tome avait été un peu ardue pour pouvoir assembler correctement les différentes pièces du puzzle, avec des prestations d'artistes inégales. Frazer Irving est impérial pour donner à voir le pourtant très conceptuel Vanishing Point. J'ai eu du mal à accepter que les responsables éditoriaux n'aient pas réussi à affecter un dessinateur qui dessine son épisode en entier, pour les numéros 5 et 6. La reconstitution préhistorique de Chris Sprouse est particulièrement en toc et celle de Yannick Paquette jolie mais pas beaucoup plus crédible.
RépondreSupprimerComme tu le dis, Grant Morrison était dans une forme éblouissante pour développer son histoire selon 3 axes, en intégrnt des références pointues (le professeur Nichols apparu pour la 1ère fois dans l'épisode 24 de la série "Batman" en août 1944 (j'ai dû aller chercher cette référence sur internet). Si ma mémoire est bonne, je n'avais pas réussi à comprendre d'où provenaient les 3 colifichets à l'image des blasons du Superman, Batman et Wonder Woman. J'ai également été subjugué par la créativité intarissable.
Je crois que les pendentifs dont tu parles ont été déposés dans la fusée par Lois Lane et Jimmy Olsen vers la fin de "Final Crisis" (que je n'ai pas lu).
SupprimerAs-tu lu le "Green Lantern" de Morrison ?
Pas encore. Le numéro 3 sort ce mois-ci, et je ne lis plus qu'en recueil. Celui-ci est prévu pour juillet 2019. Des échos que j'ai pu en avoir, il semble que Morrison soit en dans une bonne forme créative, tout en étant intelligible. Il est donc sur ma liste d'achat.
RépondreSupprimerVoilà ce doit faire la 4ème good qie je relis ce run de Morrison Batman et je commence à peu près à tout comprendre. Une chose est sure c’est un travail scenaristique de titan de la part de l'écossais auquel nous assistons. Mais que c’est ardu !!! Surtout le dernier chapitre. Je te rejoins sur ta review (ca devient une habitude) je trouve que c’est quelquefois compliqué inutilement. Je pense que dans 10 ans j’aurai peut être tout compris !
RépondreSupprimerJ'ai dû le lire trois ou quatre fois, et il me reste aussi des zones d'ombres.
SupprimerJe te recommande quelques articles (un par chapitre) pour accompagner ta réflexion (je les avais trouvés bien faits) :
- https://comicsalliance.com/annotations-batman-the-return-of-bruce-wayne-1-spoilers/
- https://comicsalliance.com/annotations-batman-the-return-of-bruce-wayne-2-spoilers/
- https://comicsalliance.com/annotations-batman-the-return-of-bruce-wayne-3-spoilers/
- https://comicsalliance.com/return-bruce-wayne-annotations/
- https://comicsalliance.com/annotations-return-bruce-wayne-5/
- https://comicsalliance.com/return-of-bruce-wayne-6-annotations/
Merci bien ! Je vais y jeter un coup d’œil !
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