"Le Hors-la-loi" est la seizième histoire de "Blueberry". Cet album à couverture cartonnée de quarante-quatre planches (deux de moins que le nombre habituel), sorti chez Dargaud en octobre 1974, est le premier volet de ce que la maison d'édition appellera "Le Cycle du premier complot contre Grant", diptyque qui fut produit en 1974-1975. Ce récit fut d'abord prépublié dans "Pilote", sous le titre "L'Outlaw" (entre avril et août 1973).
"Blueberry" (anciennement "Lieutenant Blueberry") est une série franco-belge créée par le scénariste Jean-Michel Charlier (1924-1989) et par Gir, le dessinateur Jean Giraud (1938-2012).
"Blueberry" (anciennement "Lieutenant Blueberry") est une série franco-belge créée par le scénariste Jean-Michel Charlier (1924-1989) et par Gir, le dessinateur Jean Giraud (1938-2012).
À l'issue du tome précédent, à la suite du fiasco de l'or des Confédérés, Blueberry compte sur le "comandante" Vigo pour être innocenté, mais celui-ci trahit Blueberry, qui prend trente ans.
C'est au pénitencier de Francisville, l'un des plus durs du pays, situé dans l'état de l'Alabama, qu'il purge sa lourde peine. Il est convoqué par Kelly, le commandant de l'établissement. Celui-ci l'informe qu'il est mécontent, car l'ex-lieutenant a tenté de faire sortir une lettre par l'intermédiaire d'un autre détenu, "Big Nose" Hewell. Blueberry avoue sans ambages ; il espère au moins que "Big Nose" Hewell n'a pas été trop abîmé. Son geôlier lui apprend que "Big Nose" était une taupe, placée dans son cachot pour l'espionner. L'ex-militaire reconnaît avoir été dupé et bout intérieurement. Kelly ajoute que Hewell est libre depuis ce matin. Quant à Blueberry, il est ici pour vingt-neuf ans et six mois encore. La missive étant adressée au général Dodge, le commandant, railleur, le félicite pour la qualité de ses relations. Blueberry explique, menace... Kelly l'interrompt, lui rappelle qu'il est un criminel et qu'il a ses consignes. Le détenu se plaint : les directives précisent-elles qu'il doit mourir à petit feu ? Il n'a pas vu le ciel depuis deux mois et voilà quatre jours qu'il n'a rien eu à manger ni presque rien à boire. Kelly réplique alors que cela est fâcheux et lui ordonne de le suivre...
Ce "Hors-la-loi" représente un sensationnel début de diptyque, et la transition avec le cycle précédent est remarquablement articulée. Après les grandes plaines désertiques du Mexique et les rives du Rio Grande, c'est entre les murs d'un pénitencier que le lecteur retrouve Blueberry ; en une demi-douzaine de pages, le scénariste dresse un tableau explicite, entre privations, brimades, humiliations, et exercice physique assimilable à de la torture. Blueberry est poussé à bout jusqu'à ne plus retenir qu'il lui faut "boire" et "tuer Kelly". La seconde partie de l'album met en scène l'attaque du train, qui est rondement menée et suffisamment limpide malgré son apparente complexité (décrochage du wagon, tunnel, minutage, etc.). C'est à la moitié du tome que le lecteur comprend que ces événements en cachent un autre dont la nature reste diffuse. Charlier, une énième fois, fait appel à Guffie Palmer, qui subit les ravages du tabac et de l'alcool. Cette fois-ci, l'encombrante matrone (qui intervient partout, quel que soit le contexte) n'est pas utilisée comme deus ex machina, bien que le rôle qui lui a été attribué dans ce récit puisse être perçu comme une bien étrange coïncidence. La troisième partie, c'est la rencontre avec Angel Face ; la personnalité androgyne du jeune homme crée un véritable contraste avec celle de l'ex-officier de cavalerie. Le public n'est pas dupe et comprend vite la réelle nature de ce Stradivarius. Charlier nous sert une intrigue captivante, rythmée, équilibrée, avec une tension qui monte en puissance, en point d'orgue, au texte fourni, dans lequel Blueberry subit bien plus qu'il n'agit. L'album n'est pas dénué d'humour. La partie graphique contribue à cette réussite de ce volet. Le lecteur sera étonné par la transformation physique de Blueberry ; l'air plus âgé, le cheveu ras, le visage osseux, les traits tirés... Nul doute que notre homme porte les marques de son calvaire. Le style de l'artiste a progressé en peu de temps (postures plus naturelles, physionomies toujours plus travaillées, perspectives plus variées). Le soin apporté aux arrière-plans et aux paysages est satisfaisant. Le découpage évolue aussi : recours à l'incrustation pour la première fois, densité de vignettes fluctuante, plus élevée vers la fin. Du côté de la mise en couleurs, ce n'est pas encore tout à fait ça. Giraud continue à utiliser la bichromie trop fréquemment.
En s'éloignant des tribus indiennes ou des "federales" mexicains, "Le Hors-la-loi" offre de la variété à la saga. L'aventurier, malgré lui, est plongé dans une conspiration politique, l'opposant à un antagoniste qui est un peu une autre facette de lui-même.
Mon verdict : ★★★★★
Barbuz
Je trouve que toi aussi tu es inspiré pour ce commentaire.
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup aimé ton développement sur l'évolution des dessins de Jean Giraud. Si j'ai bien lu sa page wikipedia, en 1975, ça fait déjà 12 ans qu'il dessine à titre professionnel, et il s'apprête à fonder Métal Hurlant. Il est dans l'antichambre de sa révolution SF.
Je dois avouer que j'attendais la lecture de ce cycle avec impatience, surtout celle du second volet, "Angel Face", que j'avais lu il y a des années, voire des décennies (mon dieu, ce mot fait peur !).
RépondreSupprimerTa remarque sur la révolution SF de Giraud me fait subitement penser à son "Surfeur d'argent", que j'avais lu il y a longtemps, et que j'ai récemment vu en rayon chez un libraire (je me demande à quel prix il le vend).
Je ne garde pas un bon souvenir de Parabole de Moebius & Lee, et Bruce n'avait pas été enchanté à la relecture.
RépondreSupprimerhttp://www.brucetringale.com/deception-cosmique/
Je me souviens avoir trouvé, à l’époque, ce récit larmoyant et très bavard. La lecture m’avait agacé.
RépondreSupprimer