"Durango" est une série de western "spaghetti", créée en 1981 par le Belge Yves Swolfs, connu également pour "Dampierre", "Légende", "Le Prince de la nuit", etc. "Durango" est d'abord publié par Les Archers, puis par Dargaud, Alpen Publishers, Les Humanoïdes associés, et enfin, par Soleil (groupe Delcourt), depuis 2003. La maison continue la publication et a réédité la somme. Si Swolfs a réalisé les treize premiers volumes en solo, ou parfois avec un coloriste, il s'est fait remplacer au dessin à partir du quatorzième album, "Un pas vers l'enfer" (en 2006).
"Les Forces de la colère", le deuxième volet de "Durango", est un recueil cartonné au grand format ; il compte quarante-six planches. Il est d'abord sorti aux Archers en janvier 1982, sans prépublication. Swolfs en écrit le scénario et en produit les dessins et l'encrage. Stephan Swolfs réalise la mise en couleur.
À l'issue du tome précédent, Durango abat Reno et ses hommes. Blessé en plusieurs endroits, il quitte White Valley dans le froid du crépuscule en affichant son mépris pour les habitants.
État du Wyoming, en mai 1896. Un trio de cowboys attend sur une piste, au milieu des collines. Callahan, le chef et doyen, pousse un juron : il est déjà cinq heures. L'un de ses sbires le raille ; après toutes ses années, il devrait pourtant connaître ses fils. Ils ne sont jamais à l'heure. Cinq cavaliers galopent vers eux à bride abattue ; ce sont les rejetons de Callahan, qui présentent des excuses pour leur retard. Le sourire aux lèvres, Ben explique à son père que Scott et lui se sont attardés à Laramie ; pas facile de décrocher lorsque les filles sont si sympathiques. Agacé, le vieux leur promet qu'ils en reparleront. Il passe aux choses sérieuses. Il a découvert un coin perdu à dix miles, Peaceful Church, habité par des "brebis qui passent le temps à prier". Ils pourront s'y retrouver en cas de coup dur...
Ce qui marquera, d'emblée, est la similitude appuyée entre le scénario de cet album et celui de "Les chiens meurent en hiver". Certes, le prétexte est différent, et le lieu et les figurants changent, mais Durango ne passe d'un endroit à l'autre que pour arriver dans une situation à l'identique, comme s'il entraînait la violence avec lui, ou qu'il était prédestiné à lui faire face. Dans "Les chiens meurent en hiver", White Valley et ses notables étaient sous la coupe du sénateur Howlett, un éleveur très ambitieux. Ici, Peaceful Church, un hameau occupé par une communauté pieuse, tombe sous celle de "Crazy Joe" Callahan, chef d'une bande de pilleurs de banques. Entre les deux, Durango. Se reposant de ses blessures à la main et à la jambe, il est amené, un peu contre son gré, à défendre ces villageois austères qui s'interdisent toute agression pour ne pas céder à la violence endémique qui les entoure. Malgré les ressemblances entre les deux volumes, le lecteur plonge tête baissée dans une intrigue qui le captive instantanément. Il faut reconnaître que Swolfs est un sacré conteur (équilibre de la structure narrative, montée progressive, mais immédiate de la tension), qui maîtrise parfaitement les codes du genre qu'il retranscrit ici : fusillades spectaculaires, exécutions sommaires, sauvagerie, avec une pointe de cynisme (par exemple, lorsque Durango craque une allumette sur la botte du pasteur pendu). L'auteur, bien qu'il dépeigne un univers dans lequel "rédemption" est un vain mot, satisfait pleinement cette soif de justice présente dans l'inconscient collectif en mettant en scène l'élimination méthodique et impitoyable des criminels, ainsi que la revanche des "brebis". Les lecteurs continuent à spéculer sur Durango, toujours aussi mystérieux et peu loquace. Qui est-il ? D'où vient-il ? Traverse-t-il un purgatoire où il est poussé à rétablir une forme d'ordre des choses ? N'est-il qu'un outil du destin ? La remarquable partie graphique surprendra par la qualité du niveau de détail ; visages (le dessinateur s'efforce de diversifier les physionomies autant que possible), vêtements, animaux, ou encore bâtiments sont soignés par l'artiste. Le découpage est de facture classique. L'articulation de l'action est limpide. Swolfs varie les plans à l'envi et démontre et très beau sens de la perspective, en témoigne la vue sur la rue dans la première case de la troisième planche. Enfin, la mise en couleur, confiée à Stephan Swolfs (son frère ?), présente une amélioration notable par rapport au premier numéro ; des teintes plus organiques et plus chaudes, un contraste plus vif.
"Les Forces de la colère" est un très bon album qui procure un authentique plaisir de lecture, malgré quelques coquilles dans le texte. Le propos de cet univers sans merci est noir et violent ; l'auteur, toutefois, conclut sur une légère touche d'espoir.
L'influence cinématographique se fait-elle toujours autant sentir que dans le premier tome ? Ce que tu décris de la partie graphique est très impressionnant.
RépondreSupprimerJ'en profite pour te souhaiter de belles fêtes de Noël.
Je t’avouerai que j’ai pensé aux « Sept Mercenaires » lors de la scène finale, mais j’ai préféré ne pas le mentionner tant ça me paraissait à la fois évident et subjectif. Et puis, je ne sais pas si Swolfs se retrouve dans ce type de western, lui qui est avant tout amateur de westerns spaghettis.
SupprimerMerci de tes souhaits. À mon tour de te souhaiter un joyeux Noël ! À très bientôt.