dimanche 8 décembre 2019

James Bond (tome 4) : "Kill Chain" (Delcourt ; juillet 2018)

"Kill Chain" est le quatrième tome de la série consacrée à James Bond en cours de publication chez Delcourt. C'est un album à la couverture cartonnée (au format 18,9 × 28,3 cm) de cent vingt planches (sans les bonus), sorti en France en juillet 2018 dans la collection Contrebande de cet éditeur. En VO, "Kill Chain" est un arc complet en six numéros, publiés entre juillet et décembre 2017 chez Dynamite Entertainement. Bien que Delcourt continue sa numérotation des volumes, cette histoire indépendante ne s'intègre pas dans ce cadre de la continuité de la série régulière.
Le scénario est écrit par Andy Diggle. L'auteur britannique est connu pour "The Losers", "Swamp Thing", "Hellblazer", ou encore "Daredevil". Illustrations et encrage sont réalisés par l'Italien Luca Casalanguida (il a contribué aux fumetti "Detective Dante" et "Unita' speciale") ; enfin, Chris Blythe produit la mise en couleur.

La péninsule de Taïmyr, en Sibérie. Le soleil perce timidement à travers les nuages. Un homme, Radkov, sort d'une datcha isolée et recouverte de neige pour aller en rejoindre un autre au bord d'un lac gelé. L'inconnu, un gaillard entre deux âges, au visage austère, est assis sur le tronc d'un arbre tombé au sol, qu'il fouille machinalement d'une brindille. Radkov, parvenu à quelques mètres, l'informe avec déférence que tout est en place ; le Faucon chaperonné est prêt à s'envoler. Prudemment, il ajoute que leurs ennemis sont puissants. Son chef rétorque que ceux-ci ne comprennent pas ce qu'est la puissance ; elle ne se trouve pas dans les mains, mais dans le cœur et l'esprit. Il se relève en demandant à Radkov de regarder autour d'eux. Leurs ancêtres ont chassé le mammouth dans la Taïga ; ils étaient vêtus de simples fourrures. Les pachydermes devaient leur paraître monstrueux. Vaincre un tel ennemi à mains nues était impossible, il fallait créer une arme. Tout en parlant, il frappe deux silex, l'un contre l'autre ; il obtient un éclat en forme de lame en trois coups secs... 


"Kill Chain" et "Hammerhead" ont été réalisés par la même équipe artistique : Diggle, Casalanguida, et Blythe. Il n'y a aucun lien chronologique entre les deux albums. "Kill Chain", c'est le récit d'une grande manipulation et d'un formidable jeu de dupes. Cela commence par une opération séduction lors de laquelle Bond démasque Rika Van De Havik, un agent corrompu du MI6, genre femme fatale pour laquelle il éprouve, d'emblée, un léger faible. La deuxième mission que lui confie M est d'enquêter sur l'assassinat de Hobnail, un collègue du MI6 qui était infiltré au sein d'un groupuscule néonazi en Allemagne, à Munich ; son cadavre a été retrouvé avec l'emblème de la Waffen-SS gravé au couteau sur la poitrine. Évidemment, le lecteur en vient à se demander pour quelle raison les services secrets britanniques s'intéressent à des organisations politiques marginalisées sur sol européen, et pourra être lassé de se voir offrir une énième histoire de criminels nazis ; Diggle justifie cela en inventant une intrigue de trafic d'armes, et continue à déplier un scénario plus complexe qu'il n'y paraît, et qui va passer par les Pays-Bas, l'Allemagne, la Suisse, la Moldavie, la Belgique, la Turquie, le Royaume-Uni, et la Russie, entre autres. Ce scénario est certainement l'un des plus ambitieux qui aient été proposés depuis le lancement de la série. Le lecteur sera ravi d'être ballotté de retournement de situation en rebondissement dans cette histoire aux ramifications géopolitiques insoupçonnables ; celle-ci renoue avec les grands épisodes de la franchise cinématographique. La partie graphique est satisfaisante malgré des défauts évidents. Casalanguida évolue dans un style réaliste auquel le public se sera peut-être habitué depuis "Hammerhead". L'Italien présente un trait fin, mais a tendance à négliger les finitions, recouvrant ses compositions d'un aspect brut, renforcé par l'utilisation d'aplats de noir. Cela ne l'empêche pas de développer l'expressivité des visages. L'articulation de l'action est particulièrement claire, bien que le découpage soit aussi dynamique que sophistiqué : l'artiste emploie souvent les bords perdus, les incrustations, les plans inclinés, et des vignettes aux contours irréguliers. La couleur manque vraiment de contraste.
Le travail de traduction a été confié à Philippe Touboul, comme pour les trois volumes précédents. C'est une authentique bérézina ! Le texte comporte une douzaine de fautes (au moins) en tout genre, d'accord, de nombre, de genre, de conjugaison. 

Malgré quelques invraisemblances et certains raccourcis, "Kill Chain" est sans doute l'album le plus intéressant de la série publiée chez Delcourt. Cet épilogue appelle une suite et par le même trio artistique de préférence. Rien n'a encore été planifié.

Mon verdict : ★★★★☆

Barbuz

2 commentaires:

  1. Visiblement Andy Diggle est en meilleure forme que pour le tome précédent. Par contre Philippe Touboul a l'air toujours aussi fatigué. Il a longtemps été le copropriétaire d'un magasin de comics à Paris, appelé Arkham.

    Je suis allé feuilleté les 12 premières pages de l'épisode 1 sur internet : les dessins ne sont pas assez remarquables (à mes yeux) pour que je change d'avis.par contre le travail du coloriste est impressionnant pour ce qu'il apporte aux dessins.

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    1. J'ai peut-être été généreux avec ma note, mais je l'assume pleinement, parce que cette histoire est sans doute la plus ambitieuse depuis le début de la série et que le vilain en est vraiment un, et un vrai.
      Ta remarque sur le coloriste est intéressante, car la fadeur de ses tons a tendance à me décevoir, même si cette sensation a été moins marquée avec cet album qu'avec le précédent.

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