"Olympus Mons" est une série de bande dessinée de science-fiction en six numéros. Créée en 2017 par le Français Christophe Bec et l'Italien Stefano Raffaele, elle a été publiée dans la collection Fantastique Soleil de l'éditeur Soleil (qui a été cédé au groupe Delcourt en juin 2011) entre janvier 2017 et septembre 2019. "Opération Mainbrace" est le titre du second tome. Cet album cartonné grand format comprend quarante-six planches.
Bec, qui a écrit le scénario, est connu pour "Androïdes", "Bikini Atoll", "L'Aéropostale, des pilotes de légende", ou "Carthago", entre autres. Raffaele réalise les illustrations et l'encrage ; il a non seulement œuvré sur de la BD européenne, mais aussi sur des comics, notamment "Hellboy", "X-Factor", "Batman", "Birds of Prey", "Conan the Barbarian", "Eternal Warrior", ou encore "Hawkeye". La mise en couleur a été déléguée aux Indiens de Digikore Studios, qui travaillent souvent avec Soleil. Enfin, les couvertures de la série ont toutes été confiées à Pierre Loyvet.
À l'issue du tome précédent, le véhicule des cosmonautes soviétiques ne redémarre pas. Ils n'ont pas suffisamment d'oxygène pour repartir. Il n'y a des réserves que pour un seul d'entre eux.
Juillet 1013 après J.-C., en mer du Nord. Des drakkars voguent sous un ciel menaçant. La flottille est sous le commandement de Svein Ier, roi du Danemark. Un marin déplore la nouvelle nuit sombre qui s'annonce. Un second, Svölder, ne comprend pas comment Svein fait pour se repérer sans voir les étoiles. Son compagnon semble trouver inquiétante cette absence de signes à la surface d'une eau aussi noire que l'encre d'un calamar. Svölder est apostrophé par Svein lui-même, qui lui déconseille de trop se pencher par-dessus bord, car les abîmes pourraient l'attirer à eux et l'engloutir. Svölder lui demande alors comment il peut être si sûr qu'ils voguent vers les côtes de l'Est de l'Anglia...
Bec continue à déployer une histoire de grande ampleur ; son scénario couvre en effet plusieurs lignes temporelles et se produit sur trois, voire quatre continents. Le contenu de ce second album est révélateur de l'étendue des recherches du narrateur pour les besoins de son intrigue. Commençons par le titre, "Mainbrace", qui fut le nom donné aux premières manœuvres militaires des flottes de l'OTAN, qui se déroulèrent en 1952, et qui trouvent écho dans les événements contés ici. L'auteur, après Christophe Colomb dans "Anomalie un", utilise une nouvelle page d'Histoire : le débarquement en Angleterre de Svein Ier, qui, avec l'aide des Vikings danois, conquit le pays et s'installa sur le trône. Il "emprunte" ensuite un autre personnage, Gleb Ivanovitch Boki, un responsable politique soviétique qui, selon certaines sources, dirigea des enquêtes sur des phénomènes paranormaux en URSS dans les années 1920 et 1930, avant d'être arrêté, puis fusillé sur ordre d'une troïka du NKVD en 1937. Quant à Marta Kulgina, nul doute qu'elle est inspirée de Nina Kulagina (1926-1990), une prétendue médium russe qui fut instrumentalisée par la propagande soviétique dans les années soixante. Bec exploite brillamment les trous et les figurants de l'Histoire pour apporter de la matière à son récit et le nimber d'une aura réaliste, en renforçant ainsi la puissance. Pour le reste, Bec nous sert une intrigue toujours aussi captivante, entre tensions internationales, opérations clandestines, et sensation permanente de catastrophe imminente. Les pages de ce second tome sont davantage centrées sur le volet russe du scénario (la solitude d'Elena Chevtchenko, les expériences de la Chambre noire), tandis que Dan Henning et Aaron Goodwin sont perceptiblement moins présents, ou apparaissent dans des séquences plus courtes. Le récit, malgré sa complexité du fait des nombreux intervenants et des lignes temporelles différentes, est néanmoins équilibré ; aucun protagoniste n'est oublié. Notons la qualité des dialogues, sans maniérisme. Même l'humour s'est discrètement invité. Dans l'ensemble, la partie graphique est satisfaisante. Les visages ne sont pas toujours réguliers. Ils pâtissent d'un aspect lisse qui ne fait que souligner l'absence de détail, dont la cause est sans aucun doute un encrage bien trop léger, et une mise en couleur froide et terne, certainement réalisée au moyen d'un ordinateur. Bien que le découpage, classique, présente une articulation limpide de l'action, certaines scènes manquent de clarté, du fait de signes distinctifs insuffisants pour déchiffrer tel au tel passage.
"Opération Mainbrace" confirme la réussite du premier volume ; le lecteur retrouve cette ambiance tendue d'inéluctable catastrophe planétaire due à l'irresponsabilité des hommes. Mais certains regretteront le manque de soin apporté aux illustrations.
Alors que ça n'avait pas fait tilt pour le premier tome, j'ai prêté plus d'attention à la bibliographie de Stefano Raffaele : je n'ai lu aucun comics dessiné par lui (je suis allé voir la liste sur wikipedia).
RépondreSupprimerJ'ai suivi ton lien sur l'opération Mainbrace (titre effectivement intrigant) : 203 vaisseaux militaires auxquels il faut ajouter les avions et les hélicoptère ! Très impressionnant.
J'ai vu que tu as relevé la qualité des dialogues : ce n'est pas souvent que j'y prête attention. Il faut vraiment qu'ils sortent de l'ordinaire (humour, répartie cinglante, vocabulaire ou patois, ou expressions imagées inventives) pour que je les remarque.
Ce qui me surprend le plus, c'est la façon donc Bec pioche ses personnages dans l'Histoire pour les réutiliser. Il fallait penser à déterrer un type comme Gleb Ivanovitch Boki ; je pense que Bec doit être très documenté sur tout ce qui touche au paranormal et qu'il a fait beaucoup de recherches pour sa série.
SupprimerCe qui me plaît, dans les dialogues, c'est plus l'absence de tout maniérisme que le travail sur la langue et le texte.