Le premier tome de l'intégrale consacrée à Facteur X par Panini Comics a été publié en mars 2019 ; il réunit le "Fantastic Four" #286 (janvier 1986), les numéros du titre régulier "X-Factor", les #1 à 11 (février à décembre 1986), et le "X-Factor Annual" #1 (d'octobre). Ce très épais recueil cartonné avec couverture amovible (tirée du #1, elle est signée par Walter Simonson et Josef Rubinstein) comprend trois cent quarante planches grosso modo.
Le "Fantastic Four" est coécrit par John Byrne et Chris Claremont, les "X-Factor" #1-5 et l'annuel, scénarisé par Bob Layton (le #2 avec Jackson Guice), et les #6-11, par Louise Simonson. Le "Fantastic Four" est illustré par Byrne ; il est encré par Terry Austin. Guice dessine les "X-Factor" #1-3 et 5 à 7, Keith Pollard, le #4, Marc Silvestri, le #8, Layton, l'annuel, Terry Shoemaker, le #9, et Walter Simonson, les #10 et 11. L'encrage est distribué entre Josef Rubinstein, Bob McLeod, Brett Breeding, ensuite Bob Wiacek, et la mise en couleur entre Glynis Oliver et Petra Scotese, enfin.
Les Quatre Fantastiques (Reed et Sue Richards, Johnny Storm, et Miss Hulk) sont de retour sur Terre, après une mission qui les a opposés aux Skrulls. Ravis de retrouver leur planète, les membres de ce super-groupe se détendent et se permettent quelques boutades, avant que Reed ne réclame le silence pour appeler l'aéroport de JFK afin de leur demander l'autorisation d'atterrir. Il contacte la tour de contrôle, mais leur requête leur est refusée ; l'aiguilleur les redirige vers LaGuardia, un autre aéroport new-yorkais. Intrigué, Richards pose quelques questions et souhaite savoir si tout va bien ; l'interlocuteur répond par l'affirmative, ajoutant que les Vengeurs "terminent le nettoyage". Richards remet les gaz, direction LaGuardia, où ils prennent un taxi pour le manoir des Vengeurs, à Manhattan. Sur place, ils sont accueillis avec enthousiasme par Captain America et Hercule. Cap raconte qu'ils ont dû intervenir pour un crash d'avion privé à côté de JFK...
Layton crée une série au ton adulte, nimbée d'un certain désespoir, composée d'épisodes chargés en émotions. Les caractérisations des X-Men d'origine ont bien mûri depuis Lee et Kirby. L'équipe de faux chasseurs de mutants est minée par les incompréhensions et les non-dits. Scott abandonne femme et enfant pour rejoindre Jean, mais il s'avère incapable de lui avouer qu'il a refait sa vie après la mort supposée de celle-ci. Cet introverti, rongé par le doute, manque de confiance en lui et tend à céder à la colère. Jean, désorientée, accumule les frustrations, et ne sait à quel saint se vouer. Warren, l'enfant prodigue, constitue le dernier sommet d'un triangle amoureux crédible, mais au dénouement poussif. Bobby (le personnage le moins intéressant) et Hank servent encore (un peu) de caution comique ; l'humanité du second (avec Michael) est touchante. Les morceaux sont recollés, mais les rapports sont tendus en permanence. En plus de ces liens compliqués, Facteur X, qui doute de la méthode et éprouve des difficultés à surmonter l'absence de Xavier, doit recueillir des mutants isolés, au comportement erratique, et les convaincre d'accepter une main inconnue qui n'aspire qu'à les aider. Derrière des ennemis féroces, mutants également, se profile Apocalypse, qui deviendra incontournable dans la franchise. Enfin, les pages de "Mutant Massacre" sont débarrassées de la lourdeur inhérente à ce type d'événement. En fait, la "question mutante" n'avait plus été si bien traitée depuis les grands moments de Claremont, avec une population humaine qui affiche sa méfiance dans le meilleur des cas, et son hostilité dans le pire. Layton, dans ses arcs, évoque aussi les ravages de la drogue et évite l'écueil de la naïveté dans l'escapade soviétique de Facteur X. La partie graphique est honorable. L'introduction de Byrne, splendide, va creuser l'écart. Guice produit des vignettes classiques, satisfaisantes, aux arrière-plans minimalistes. Les autres, Pollard, Silvestri, Shoemaker ou Simonson (ce dernier travaille les physionomies) présentent des cadrages intéressants, mais des irrégularités, et des postures et des proportions perfectibles, en plus d'un niveau de détail léger ; les planches de Layton sont sensiblement plus soignées.
La traduction, répartie entre Laurence Belingard, Geneviève Coulomb, et KG Ben, est médiocre : coquilles, fautes diverses, langue appauvrie... L'éditeur intercale les couvertures originales en fin du volume plutôt que de les insérer entre les épisodes.
Les intrigues de Layton ont parfois mauvaise presse, aujourd'hui ; certains ne veulent retenir de cette série dérivée que les premiers numéros scénarisés par Simonson. Un jugement sévère et injustifié. Layton écrit là des pages d'une indéniable qualité.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbuz
Point de vue intéressant et enrichissant car il se trouve que je fais partie de ceux qui avaient trouvé les intrigues de Bob Layton pas terribles (et celles de Louise Simonson pas mieux), mais sa dramaturgie encore pire. J'étais vraisemblablement incapable de me détacher de l'écriture de Chris Claremont pour accepter que quelqu'un d'autre puisse toucher aux X-Men.
RépondreSupprimerDu fait de mon mauvais souvenir, je me suis soigneusement tenu à l'écart des ces épisodes, et je ne les ai pas relus depuis. En particulier l'idée de mutants se faisant passer pour des traqueurs de mutant semblait de nature à exacerber le ressenti anti-mutant, plutôt que de calmer les choses.
L'idée de ramener Jean Grey apparaissait, à l'époque, comme un opportunisme éhonté : juste pour réunir les X-Men originaux afin de créer artificiellement une nouvelle série pour remplir les présentoirs. Je veux bien reconnaître que j'avais bien aimé l'épisode des Fantastic Four, même si Byrne a déclaré depuis qu'il ne l'avait jamais lu, tellement il avait été réécrit par Jim Shooter après que Byrne l'ait livré.
Quant aux incompréhensions et aux non-dits... je n'y avais vu que des artifices narratifs d'un scénariste peu inspiré, qui ne savait pas trop quoi faire de son équipe pendant les 6 épisodes qu'il s'était engagé à produire. Je n'ai jamais pu croire au comportement très mesquin de Scott Summers faisant tout pour ne rien avouer à Jean Grey, et ne rappelant pas sa femme, ne s'inquiétant pas de son fils. D'ailleurs quand Louise Simonson est arrivée sur le titre, c'est le premier fil narratif qu'elle a dénoué. Peut-être que ça passe mieux quand on lit les épisodes d'une traite, que mensuellement comme je le faisais.
Une sacrée salve d'arguments.
SupprimerJe pense que le plaisir que j'ai ressenti à cette lecture tient surtout en deux choses, en fait.
La première est que je lis, comme tu le sais, "Uncanny X-Men" en parallèle ; je viens d'aligner quatre années et autant de déceptions. Le dernier recueil qui m'a emballé est celui consacré à l'année 1983, alors que je viens de finir 1986.
La seconde est que j'ai forcément du recul, puisque je lis ces épisodes près de trente-cinq ans plus tard (à l'époque, j'avais lu quelques numéros en vrac) ; les "opportunismes éhontés" que tu évoques sont monnaie courante aujourd'hui, et dans le domaine, on a vu bien pire.
Enfin, à la décharge de Layton, je ne pense pas que la décision de ressusciter Jean Grey lui soit due (je pense que c'est du Shooter, mais je l'ignore, en fait).
Quant à Summers, pour moi, il sonne juste. Ceci dit, je l'ai toujours perçu comme un dépressif introverti, sans charisme, indécis, et à l'attitude imprévisible.