"Black Box" est le cinquième tome de la série consacrée à James Bond en cours de publication chez Delcourt. C'est un album à la couverture cartonnée (format 18,9 × 28,3 cm) de cent quarante planches (sans les bonus), sorti en France en mai 2019 dans la collection Contrebande de l'éditeur. En VO, "Black Box" est un arc en six numéros qui sont parus entre mars et août 2017 chez Dynamite Entertainement ; il s'insère dans la continuité du titre.
Le scénario a été écrit par Benjamin Percy, un Américain qui a commis quelques romans, surtout connu pour son travail sur les séries "Detective Comics", "Green Arrow", "Teen Titans" et "Nightwing". Le Brésilien Rapha Lobosco signe les dessins et l'encrage. Enfin, le Britannique Simon Bowland effectue la mise en couleur.
Les Alpes françaises. Les chutes de flocons ne masquent pas le bleu clair du ciel. James Bond est le seul passager du funiculaire qui l'emmène vers les hauteurs. Le conducteur le prévient ; il fait -20° près du sommet, et il y aura des tempêtes de neige. Il devra être très prudent. L'agent secret répond que le froid lui convient, chausse ses skis, ajuste ses lunettes spéciales, et saute. Guidé par son masque, dont la visière comprend un écran intégré qui affiche des données en temps réel telles que l'orientation, l'altitude, ou encore l'heure, il dévale les pentes. Perdu dans ses pensées, Bond constate qu'il apprécie le picotement de l'hiver autant que la brûlure du bourbon, car les deux insensibilisent. Et dans ce métier, l'insensibilisation est essentielle si l'on ne veut pas devenir fou. Il s'arrête au sommet d'une crête surélevée, avec une vue imprenable sur un chalet en contrebas, puis démonte ses bâtons de ski et assemble les éléments séparés d'une façon différente, obtenant ainsi un fusil de précision. Bond est ici pour abattre André Moreau, un assassin corse responsable de la mort de trois dignitaires britanniques. Grâce à sa lunette de visée, il épie la cible, qui déguste une boisson chaude près de la fenêtre...
"Black Box" entraîne le célèbre agent du MI6 dans une traque qui démarre dans les Alpes françaises, le fait passer par le Royaume-Uni, et l'envoie au Japon se mesurer à des Yakuzas. Ce choix de l'éditeur américain de confier la série à un scénariste qui n'est pas britannique peut sembler étrange. Toujours est-il que Percy nous sert un arc à la linéarité particulièrement pesante ; ici, Bond et sa complice se contentent de suivre les petits cailloux et d'enchaîner les affrontements, avant de rencontrer l'adversaire final. L'auteur n'hésite pas à abuser des stéréotypes concernant le Japon ; les tripots clandestins, les "Love Hotels", la technologie débridée, le contraste entre tradition et modernité, le crime organisé, les combats de sumos, sans oublier l'accident nucléaire de Fukushima. Passons, comme le lecteur tournera les pages de scènes vues et revues maintes fois, et comme il ne s'attardera pas non plus sur les invraisemblances (le double meurtre à la flûte de champagne). La James-Bond-Girl, Selah Sax, est au moins aussi efficace que 007 ; c'est un reflet féminin de ce dernier, mais plus libre et moins désabusé, car la jeune femme défend une cause en accord avec ses propres valeurs. Curieusement, Percy va jusqu'à piocher dans le registre des films de type "slasher", avec une touche de surnaturel qui est totalement incongrue et inappropriée. L'incontournable Felix Leiter est à nouveau de la fête ; il joue ici le rôle de grain de sable plutôt que celui de deus ex machina. Enfin, les amateurs noteront la référence à "Permis de tuer" ("Licence to Kill", 1989). Lobosco produit une partie graphique qui doit beaucoup à l'Argentin Eduardo Risso, avec un emploi similaire des aplats de noir. Son style peut être qualifié de réaliste. Ses visages manquent parfois d'harmonie, de régularité, et d'expressivité (ou alors, celle-ci est exagérée). L'artiste présente un découpage cinématographique articulé avec soin, offrant à l'action la lisibilité exigée. Ses vignettes sont de dimensions variables ; il recourt fréquemment aux inserts. Les postures sont comme figées ; la sensation de mouvement est peu présente. Enfin, le dernier chapitre s'ouvre sur une double page étonnante, qui rappelle instantanément le principe des jeux de plates-formes.
Le travail de traduction a été confié à Philippe Touboul, comme pour les quatre recueils précédents. Malgré une faute de conjugaison, c'est honorable. Le texte est de qualité. Le naufrage du quatrième numéro n'est donc pas renouvelé, heureusement.
Malgré un prologue efficace, "Black Box" est un album monotone, construit sur un scénario linéaire, sans originalité, et qui présente une partie graphique plate. C'est assurément l'un des volumes les moins réussis d'une série médiocre dans l'ensemble.
Ton article fait ressortir à que point il n'est pas facile de proposer des histoires originales et nouvelles pour un espion comme James Bond. Il ne suffit pas d'enchaîner les péripéties et de les saupoudrer d'éléments couleur locale.
RépondreSupprimerLes intrigues de Bond sont très codifiées, avec un prologue, un conflit d'ampleur, un super-vilain mégalomane, une ou plusieurs "James-Bond Girls", une course autour du monde rythmée par des escarmouches, etc. L'auteur peut approcher l'équation avec plus ou moins de finesse, ce qui n'est pas le cas ici. Trop de stéréotypes et trop de linéarité pour moi.
SupprimerA priori, je ne devrais pas aller au-delà de ce tome et le "James Bond" de Delcourt devrait être fini pour moi. Je pense néanmoins que je m'intéresserai aux échos de l'arc de Greg Pak, même si je ne trouve pas de cohérence dans la politique de Dynamite concernant ce titre.