samedi 4 janvier 2020

Décennies, Marvel dans les années 40 : "La Torche humaine contre le prince des Mers" (Panini Comics ; avril 2019)

"Décennies" est une collection créée à l'occasion des quatre-vingts ans de Marvel, et qui a pour but de montrer l'évolution de cet univers au fil du temps en quelques épisodes choisis. Son premier tome est consacré aux années quarante ; il met en scène Jim Hammond la Torche humaine, son acolyte Toro, et Namor, prince des Mers. Ce volume cartonné (17,5 × 26,5 cm) de deux cent vingt planches comprend des extraits des "Marvel Mystery Comics" #7-10 (mai à août 1940), ainsi que les "Human Torch Comics" #5 (septembre 1941), 8 (de juillet 1942), et 10 (de janvier 1943).
Parmi les noms des auteurs et artistes, ceux des auteurs-illustrateurs Bill Everett (1917-1973), cocréateur de Daredevil, et Carl Burgos (1916-1984), et des scénaristes John Compton et Ray Gill. 

Atlantis. Le prince Namor est furieux après les Américains, qui ont tenté de l'exécuter par chaise électrique. Lorsque Thakorr, le dirigeant, lui demande comment il compte se venger, il lui répond qu'il a l'intention de détruire tout le continent, et de faire de New York sa base d'opérations. Son roi lui offre de mettre à sa disposition toute la flotte, et l'assure qu'il fera son possible pour l'aider. Namor affirme n'avoir besoin d'aucun soutien ; il agit par rancœur, et il vaut mieux éviter que cela devienne une affaire internationale. Le fougueux aristocrate sait que son peuple régnera sur Terre un jour et il espère bien lui ouvrir la voie. Namor monte à bord de son sous-main privé et le pilote en direction du nord-est. Arrivé à destination, il dissimule son appareil sous la surface, près du port, afin que personne ne puisse le trouver. Il émerge des flots face à la statue de la Liberté, puis escalade le parapet entourant Liberty Island. Un gardien armé d'une matraque l'interpelle ; Namor, après une réplique cinglante, l'assomme d'un crochet du gauche en pleine mâchoire. Il vole alors jusqu'à la torche enflammée, et, appréciant l'endroit, choisit d'en faire un quartier général. Il observe Manhattan, qui sera son royaume...

Ce volume est plus qu'une succession de bagarres entre la Torche humaine et Namor ; c'est aussi un exemple de bande dessinée pour la jeunesse en temps de conflit. Même si les États-Unis n'entrèrent en guerre qu'en décembre 1941, ils fournissaient des armes et de l'équipement à la Chine, au Royaume-Uni, et à l'Union soviétique depuis mars 1941. L'opinion publique américaine, en revanche, était opposée à l'envoi de troupes au front ; en 1940, pendant sa campagne de réélection, Franklin D. Roosevelt avait d'ailleurs promis qu'il n'enverrait pas de forces en Europe. Cet éditeur qui s'appelle encore Timely Comics n'a pas un positionnement clair, certainement soucieux de ménager l'opinion publique, et donc, son lectorat. Les premiers épisodes du recueil ne consistent ainsi qu'en un chapelet d'affrontements entre la Torche humaine et Namor. Et cela dure un temps, dans des histoires linéaires, sommaires, sans ambition artistique. Namor est tour à tour héros, anti-héros, super-vilain, et victime ; cette caractérisation d'aristocrate intrépide, sanguin, orgueilleux, impulsif est toujours celle qui prévaut à ce jour. La rivalité en noir et blanc entre la Torche humaine et le prince des Mers, entre l'eau et le feu, entre l'Américain blanc et l'étranger se métamorphose en une amitié croissante, pour cause : un ennemi commun émerge, le Troisième Reich. Hitler et les nazis sont de véritables caricatures : puérils, arrogants, et patauds. Puis nos deux protagonistes joueront chacun le rôle du super-vilain : la Torche humaine est reprogrammé par un super-criminel à la solde du Reich, et Namor est manipulé par une Atlante dont il pense être aimé. Et enfin, lorsque des différends surgissent, c'est Toro, l'acolyte, qui tient le discours adulte et promeut le bon sens. La partie graphique est un témoignage de la bande dessinée de l'époque. On y trouve déjà une astuce de l'industrie : une première planche en pleine page très soignée, tandis que le reste est beaucoup plus rudimentaire, avec une propension à la standardisation. Le quadrillage est classique, souvent en gaufrier, et en général sur trois bandes. En revanche, la forme des vignettes est parfois irrégulière, laissant deviner une possibilité d'expérimenter au niveau du découpage. 
La traduction a été réalisée par Benjamin Viette, des studios MAKMA. Malgré un faux-sens, elle est solide, et tout à fait honorable. Cela a déjà été dit ailleurs, mais le travail éditorial de Panini Comics n'est pas suffisant : rien qu'une maigre demi-page. 

Voici une compilation sans grande valeur artistique. En revanche, il s'agit d'un matériau historique qui mérite l'attention ; l'intérêt majeur de ce recueil est d'offrir un bel exemple de bande dessinée propagandiste pour la jeunesse en temps de guerre.

Mon verdict : ★★☆☆☆

Barbüz

2 commentaires:

  1. Je suis plus resté sur l'intérêt historique de ce recueil que sur sa valeur divertissante. J'ai trouvé que c'est un moyen facile de découvrir des comics Marvel (Timely) de cette époque à un prix raisonnable.

    En vrac extrait de mon commentaire - Les intrigues d'une rare naïveté : les ventilateurs géants qui n'ont pas besoin de source d'énergie, le nombre de soldats allemands tués par Human Torch et Namor aurait du permettre de mettre fin à la guerre beaucoup plus vite, l'absence totale de remord ou de questionnement de Namor à tuer des soldats, l'absence de conséquence du fait que Namor ait voulu conquérir la planète, le détour gratuit pour aller saluer Ka-Zar.

    J'ai également été très surpris par les fluctuations de positionnement de Namor, et par la forme étrange de son crâne.

    Après coup, ce n'est pas tant la narration visuelle qui m'a gêné, que les cellules de texte interminables, décrivant souvent ce que montre l'image.

    La version longue

    https://www.babelio.com/livres/Marvel-Decennies--Marvel-dans-les-annees-40-La-Torche-/1138018/critiques/1879240

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    1. Effectivement, comme tu le précises, les auteurs ne s'embarrassent guère de la notion de vraisemblance, c'est le moins que l'on puisse dire.
      J'aurais malgré tout apprécié que l'éditeur glisse un ou deux épisodes avec les forces du Japon impérial.

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