"L'Homme au ventre de plomb" est le deuxième tome des "Enquêtes de Nicolas Le Floch", une série basée sur les adaptations des romans policiers historiques du Français Jean-François Parot (1946-2018) ; il en signa quatorze avec le personnage de Le Floch. Le concept a été lancé par Olivier Dobremel, dit Dobbs.
Cet album cartonné grand format de soixante-deux planches a été publié en novembre 2019 aux éditions RobinSon, un label de la maison Hachette, créé en 2018. Le scénario est coécrit par Dobbs, connu pour les adaptations "La Guerre des mondes" et "L'Homme invisible". Parot est crédité. Les illustrations sont réalisées par le Chinois Cai Feng, alias Chaiko, qui a travaillé sur "Hercule Poirot : Le Crime de l'Orient-Express" ou "Shayne".
À l'issue du tome précédent, Nicolas Le Floch parvient à apporter la lumière sur l'énigme des Blancs-Manteaux. Il est ensuite convié à Versailles pour conter l'enquête et ses exploits au roi.
Paris, le soir du 23 octobre 1761. L'Académie royale joue "Les Paladins", de Jean-Philippe Rameau ; c'est le prologue. Nicolas Le Floch se trouve dans les coulisses ; à ses côtés se tient le sieur Jean-Benjamin de la Borde, premier valet de chambre du roi. Nicolas s'étonne de le voir si loin de la loge à laquelle son rang lui donne droit ; de La Borde justifie sa présence par son amour de la scène et sa proximité. Lorsque Le Floch demande s'il ne s'agit pas plutôt de promiscuité, de La Borde, le regard empli d'émotion en observant une chanteuse, admet qu'il est venu "admirer de près un objet tendre et gracieux" à ses yeux. Il réplique en ajoutant que la cour estime que Le Floch est trop discret et que le roi lui-même s'est enquis de lui à plusieurs reprises. De La Borde espère que Nicolas n'a pas oublié l'invitation à participer à la prochaine chasse, car le roi, lui, n'oublie jamais rien. L'attention de Le Floch est détournée un moment...
"L'Homme au ventre de plomb" s'inscrit dans la lignée de "L'Énigme des Blancs-Manteaux", dont il a à la fois les défauts et les qualités. Mais maintenant passé l'effet de nouveauté avec l'album ouvrant la série, il est probable que les lecteurs se montrent plus sensibles aux premiers qu'aux secondes. Dobbs, d'emblée, rappelle que Parot accordait une importance majeure à l'exactitude historique. La première case précise d'ailleurs la date dans son entièreté, le 23 octobre 1761 (il semblerait néanmoins que ce fût un vendredi et non pas un mardi). La princesse Marie Adélaïde de France assiste à la représentation d'un opéra à l'Académie royale de musique ; il s'agit des "Paladins", de Jean-Philippe Rameau (1683-1764), qui fut bien donné ce soir-là. À côté de cette anecdote, il sera utile de se renseigner sur les circonstance de l'époque afin d'appréhender les finesses de l'intrigue ; la guerre de Sept Ans n'est pas encore terminée et la "chasse" aux jésuites a commencé. C'est surtout dans le contexte de cette dernière et dans celui de la vie privée de Louis XV que se déroule cette affaire qui entremêle la grande Histoire et la petite. Malgré cela, "L'Homme au ventre de plomb" pèche par une linéarité qui s'avère progressivement indigeste au fil des pages. Les quelques rebondissements ne suscitent guère d'enthousiasme, et l'ennui finit par s'installer, d'autant que la structure narrative est sensiblement identique à celle de "L'Énigme des Blancs-Manteaux" : l'enquête de Le Floch - il est décidément trop falot pour être crédible - le rapproche dangereusement des sphères du pouvoir, il est mis à mal par des ennemis masqués restant dans l'ombre, et il devra faire montre d'habileté et de lucidité pour démêler les écheveaux de cette intrigue. Certaines caractérisations sont trop marquées, l'humour occasionnel échoue, et ces allusions de Parot aux inégalités de la société de l'Ancien Régime sont convenues et franchement faciles. La partie visuelle ne convainc pas. Elle manque de personnalité (quelques personnages, jeunes hommes ou femmes, se ressemblent bien trop), et alterne la surexpressivité - le trait de Chaiko reflète fortement l'influence de la bande dessinée japonaise - et la platitude de certains visages. Les arrière-plans ne sont développés que lorsque le cadrage le justifie. Globalement superficiel, l'encrage est bien trop lisse. Enfin, la mise en couleur manque de contraste, de diversité dans les tons, est sans relief, et recouvre l'ensemble des planches d'une pellicule terne, triste, voire terreuse. Hélas ! Elle finira par représenter une réelle entrave au plaisir de lecture.
"L'Homme au ventre de plomb" souffre de la volonté du "scénariste adaptateur" d'être aussi fidèle que possible au matériau d'origine. À cela et à la linéarité prononcée du récit vient s'ajouter une partie graphique qui manque terriblement de caractère.
Mon verdict : ★★☆☆☆
Barbüz
Le verdict est tombé : la note passe de 3 étoiles pour le tome 1, à 2 étoiles pour le tome 2.
RépondreSupprimerJ'ai particulièrement apprécié ton analyse de la narration visuelle. Je dois dire que lorsque l'influence du manga se voit dans dans une BD franco-belge, ça entraîne souvent une réaction de rejet de ma part (à l'exception de Ces jours qui disparaissent). La paucité des arrière-plans dans une BD historique a également tendance à me refroidir.
J'ai hésité entre deux et trois étoiles. Mais j'ai retrouvé dans ce second tome les défauts du premier - qui avait au moins bénéficié du statut de nouveauté et donc d'une plus grande tolérance de ma part - et ils me sont apparus comme encore plus flagrants. C'est surtout la partie graphique que j'ai trouvée particulièrement rédhibitoire, avec une véritable lassitude dans la lecture qui s'installe au fil des planches et qui monte encore vers la fin. J'abandonne donc cette série sans le moindre regret, même si je me demande ce que ça aurait pu donner avec un autre artiste ; un Matthieu Bonhomme, par exemple.
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