vendredi 29 mai 2020

Superman : "Identité secrète" (Urban Comics ; novembre 2014)

"Identité secrète" est une histoire de Superman, publiée dans la collection DC Deluxe d'Urban Comics en novembre 2014. C'est un album format 19,0 × 28,5 à couverture cartonnée ; il contient la version française de l'intégralité de "Superman: Secret Identity", une mini-série en quatre parties sorties entre janvier et avril 2004 en VO. Le recueil comprend deux cents planches environ, sans bonus. Il y a une préface de quatre pages de Kurt Busiek. "Identité secrète" n'est pas un inédit ; Semic avait sorti un tome avec la première moitié (2005, collection Semic Books) et Panini Comics un autre avec la seconde (2006, DC Heroes) après avoir récupéré la licence DC Comics, la société Semic ayant été dissoute (2005).
Le scénario de "Superman : Identité secrète" a été écrit par Kurt Busiek. Busiek est un vétéran de l'industrie du "comic book" qui a reçu de nombreuses récompenses. Il est surtout célèbre pour "Marvels" ou "Astro City". L'album est illustré par le Canadien Stuart Immonen dans son entièreté. Il a réalisé le dessin, l'encrage, la mise en couleur et a produit les couvertures. Immonen a travaillé principalement sur "Extinction", "Fear Itself" ou "All-New X-Men". 

Picketsville, Kansas, le 8 septembre 1990. David et Laura Kent fêtent l'anniversaire de leur fils Clark. L'oncle Jim et la tante Sally sont de la partie. L'adolescent est recouvert de présents à l'effigie du célébrissime personnage de fiction : des "comic books", des figurines, des vêtements et d'autres produits dérivés et même un gâteau décoré du légendaire logo. Clark ne trouve pas ça drôle, mais ses parents ne le comprennent pas. Réfugié dans sa chambre, il case tous ces objets dans des cartons, et les range dans son armoire, où ils rejoignent les cadeaux des années précédentes pour être oubliés. Ah ! S'il pouvait en faire de même avec le reste. Sa vie n'est pas mal, malgré toutes ces blagues lourdingues ; il aime le Kansas et sa nature. Mais s'il y a quelque chose qu'il envie à Superman, ce sont Pete Ross et Lana Lang, et pas des pouvoirs...

"Identité secrète" est une histoire alternative de Superman, mais n'est généralement pas considérée comme un "Elseworlds" (relecture d'un personnage DC Comics dans une version hors Continuité). "Identité secrète" conte le destin de Clark Kent, un adolescent qui vit dans notre monde, et qui constate qu'il est doté de super-pouvoirs. Il voit d'abord ces derniers comme moyen de réaliser ses rêves - aussi ordinaires soient-ils - plutôt que comme la cause de nouvelles responsabilités. Mais ce récit ne se limite pas à l'adolescence et couvre une existence presque entière. Il est structuré en quatre chapitres, chacun correspondant à un âge : l'adolescence, l'âge adulte, la force de l'âge, et la vieillesse. Busiek attaque brillamment quelques tabous du genre : le mariage, la paternité, la famille, la vieillesse, et le déclin physique. "Identité secrète" se lit principalement à la première personne. La narration de ce texte adulte et humain prend la forme d'un journal intime ; peu fréquents, les dialogues sont brefs. Busiek dépeint un surhomme qui est loin du boy-scout et son Superman est en proie à des doutes et des angoisses qu'engendre un questionnement incessant. Car ce Clark Kent-là, qui a réussi sa carrière et sa vie privée, redoute de se montrer par crainte d'exposer les siens ; Busiek évoque le poids de l'identité secrète mieux que quiconque, et retranscrit les peurs du héros et sa solitude avec conviction. Aucun super-vilain increvable ici ; cela aurait été hors sujet. En revanche, des catastrophes naturelles, des dictateurs, des terroristes, et un gouvernement qui veut tout connaître de notre héros, et qui emploie des méthodes pour le moins contestables pour y parvenir. Petites invraisemblances : l'identité de l'auteur de l'attentat à la conduite de gaz n'est pas crédible, et Clark maîtrise ses pouvoirs très vite. Les compositions graphiques d'Immonen suscitent l'admiration. L'artiste évolue dans un registre qui rappelle la technique de dessin sur photo, voire le photoréalisme, ce qui accentue le côté adulte. Le découpage est classique. Il y a beaucoup de mono/bi/trichromie. Immonen n'utilise pas d'idéogrammes, mais respecte la tradition du comic book, avec des doubles pages spectaculaires ; et puis... sa Manhattan vaut bien une Metropolis.
La traduction de Nicole Duclos est honorable, mais son texte souffre d'une demi-douzaine de boulettes : deux bulles avec des mots oubliés, une faute de ponctuation, une d'orthographe. "Au final" n'est pas correct ; il y a une onomatopée non traduite. 

Une histoire faite de tranches de vie humaines, adultes, touchantes, montrant le héros sous un angle résolument différent. Sans le moindre doute l'une des meilleures histoires de Superman de ces vingt-cinq dernières années, malgré les imperfections. 

Mon verdict : ★★★★

Barbüz
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6 commentaires:

  1. 100% d'accord avec ton commentaire et sur le constat qu'il s'agit d'une des meilleures histoires de Superman de ces dernières années.

    Pour Stuart Immonen, j'aurais également mentionné Nextwave de Warren Ellis. Il m'avait tellement impressionné que j'avais commencé à chercher ses autres comics, y compris une histoire parue initialement sous forme de webcomics Moving Pictures, réalisé eavec sa femme Kathryn Immonen.

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    1. C'était ma deuxième ou troisième lecture, et je suis toujours sous le charme. À mon avis, il manque un petit quelque chose pour que ce récit puisse prétendre au rang de chef-d'œuvre.

      J'ai entendu parler de Nextwave, mais je ne l'ai pas lu.

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    2. Urban Comics a annoncé Batman Créature de la nuit pour septembre 2020. Ecrit par Kurt Busiek, dessiné par John Paul Leon, une histoire sur un mécanisme similaire à Identité Secrète : la vie d'un individu fortement influencée par un personnage de fiction.

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    3. Je te remercie de me communiquer cette actu. À dire vrai, les commentaires que je lis à propos des "Batman Metal", "Batman qui rit", "Batman Detective", ou autres "Batman Damned" ne m'incitent guère à continuer à acheter tout ce qui sort chez Urban Comics, et j'ai tendance à m'en désintéresser de plus en plus. As-tu lu et commenté ces quatres titres ?

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  2. Oups ! Je n'avais pas vu passer ce message.

    J'en ai lu un (Batman Damned) et le crossover Metal (mais pas les épisodes de la série Batman).

    Batman metal version courte : un événement à l'échelle de toute la gamme de publication DC, avec la promesse de destructions de grande ampleur et d'un enjeu à l'échelle de la planète. Scott Snyder & Greg Capullo tiennent les promesses de ce genre de récit, avec des séquences spectaculaires et un concept directeur répondant à l'objectif. Toutefois, l'artiste éprouve des difficultés à se renouveler de séquence d'affrontement, en séquence d'exposition. Le scénariste a construit une trame reposant sur des événements passés de l'univers partagé DC bien intégrés et des caractéristiques intrinsèques, mais en ne se reposant que la familiarité du lecteur avec les personnages pour générer de l'empathie, sans réussir à les faire exister, sans non plus réussir à insuffler une autre thématique que de faire du bruit.

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    Batman Damned : excellente surprise. La version courte : L'éditeur DC Comics est spécialisé dans le genre superhéros. Quand il publie ce récit, le lecteur part avec le présupposé que l'objectif est de proposer un récit de Batman le plus réaliste possible, surtout avec un scénariste maître du polar urbain, et un dessinateur maitre de la représentation hyperréaliste, un peu inquiet d'une perte de saveur de personnages plus grands que nature. Le début donne l'impression que cette volonté de réalisme est incompatible avec le concept d'un individu qui s'habille en chauve-souris. Petit à petit, l'évidence se fait : Azzarello & Bermejo ne renient rien des conventions de superhéros, et au contraire les utilisent avec leur touche personnelle, pour un récit qui est avant tout un récit de superhéros, mais aussi un polar urbain agissant comme le révélateur de la psyché du héros. Remarque : pour cette édition complète, les responsables éditoriaux ont pris le parti de faire disparaître dans les ombres, le sexe de Bruce Wayne, nu après être sorti de la Batmobile dans la Batcave.

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