Le cinquième tome de l'intégrale que Panini Comics consacre aux Quatre Fantastiques depuis 2003 est sorti en mai 2007. Il s'agit d'un épais recueil cartonné avec jaquette amovible, qui compte deux cent soixante planches approximativement ; il compile les versions françaises de douze numéros du titre régulier, les #46 à 57 (de janvier à décembre 1966), ainsi que du premier des trois récits du "Fantastic Four Annual" #4 (celui-ci date de novembre).
Stan Lee (1922-2018) et Jack Kirby (1917-1994) assurent respectivement le scénario et le dessin ; la tâche d'encreur est dévolue à Joe Sinnott. La mise en couleur n'est créditée à aucun endroit.
À l'issue du tome précédent, les Quatre Fantastiques rencontrent un escadron d'Inhumains menés par Gorgone. Ils ont reçu pour mission de ramener Medusa. Cela dégénérera en bataille rangée.
Flèche noire entre dans la danse. Les Quatre Fantastiques l'encerclent aussitôt. Sans attendre, il assène un crochet du gauche à la Chose ; il évite ensuite l'attaque de la Torche, qui achève sa course en heurtant un mur de plein fouet. Puis Ben Grimm happe le poignet de l'Inhumain. Le monarque le frappe d'un autre coup de poing avant de se débarrasser de son encombrant adversaire à l'issue d'une manœuvre technique et de réussir à s'esquiver. Les Quatre Fantastiques reprennent leurs esprits ; Johnny est sain et sauf. Furieux de voir la présence inhumaine éventée alors qu'ils avaient jusqu'ici échappé au Chercheur, Triton se rue sur Red (Reed en VO). Celui-ci trouve la parade : il perce les poches d'eau du costume qui permettait à l'amphibien d'évoluer en surface et repousse ainsi l'offensive. Pour respirer, Triton n'a d'autre choix que de se précipiter vers les docks - non sans promettre à ses ennemis la défaite face à Flèche noire - et de plonger dans la rivière, où il a une mauvaise surprise. En colère, inquiète, Crystal court vers le bord de l'eau afin d'être rassurée au sujet de Triton...
Ces épisodes-là représentent-ils un certain âge d'or du duo Lee-Kirby en matière de créativité ? Plus de cinquante ans plus tard, leur richesse étonnera encore. C'est en effet dans ces pages que sont créés plusieurs personnages qui deviendront des figures majeures de l'univers Marvel, à commencer par Galactus et son héraut le Surfeur d'argent. En opposant les Quatre Fantastiques à des entités de cette ampleur, Lee et Kirby souhaitent insister sur la dimension cosmique des aventures de cette équipe très particulière. Ces aventures représentent une indéniable évolution dans l'atmosphère de la série. Nos super-héros sont confrontés à des concepts qui les dépassent, et, dans le cas de Galactus, à des créatures baroques cyclopéennes qui traînent dans leur sillage la menace permanente de funestes tragédies intersidérales. Si un être tel que le titan dévoreur de planètes est présenté comme difficilement compréhensible selon les critères humains (Lee sort du noir et blanc), l'inverse se vérifie aussi : le Surfeur est désarmé face à la versatilité de l'âme humaine. Lee engendre là des quiproquos qu'il exploite sans attendre (conf. la Chose et le Surfeur). Après Galactus et son héraut, c'est au tour de la Panthère noire de naître sans ces pages ; le futur Vengeur est un autre personnage majeur (on le voit fumer !) dont la caractérisation évoluera, Dieu merci. Puis Lee divise l'équipe, et fait durer l'intrigue autour des Inhumains, dans une année marquée par une action effrénée et de nombreux voyages. Les caractérisations, en phase avec les mentalités occidentales de l'époque, sont stables ; les interactions au sein de cette famille hors norme répondent aux attentes des lecteurs, bien que l'intrusion de Wyatt Wingfoot soit déroutante. Le scénariste ne renonce pas à son comique, qui ne fonctionne que si l'écueil de l'autodérision est évité. La partie graphique est délectable : quel contraste avec les épisodes précédents ! Ici, le travail de Sinnott fait opérer la magie de Kirby à plein : créativité dans les compositions, expressivité accentuée, mouvement, imagination à la fois réaliste et débridée dans la conception d'appareil divers. Le découpage est classique, mais les cadrages variés et des fonds de case plus détaillés préviennent toute monotonie.
La traduction de Geneviève Coulomb limite la casse. Il y a deux bulles inversées (confer premier épisode, dix-septième planche, première case). L'éditeur intercale les couvertures originales en fin du volume plutôt que de les insérer entre les épisodes.
Ces épisodes ont acquis un statut culte parmi les amateurs. Aujourd'hui encore, leur niveau de créativité étonnera, tout comme le bond en avis qualitatif qu'a effectué "Fantastic Four" depuis les numéros précédents. Un matériau classique, intemporel.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbüz
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Aaaah : ça fait plaisir de voir que ton attente sur l'encrage a été récompensée et te contente. Imagination à la fois réaliste et débridée de Jack Kirby : c'est très impressionnant de songer à tout ce qu'il a créé, sachant qu'il ajoutait de nombreux éléments dans les scripts de Stan Lee, qui étaient plutôt des synopsis, parfois très minces.
RépondreSupprimerLee sort du noir et blanc. - Il est vrai aussi qu'il est impossible de savoir qu'elle a été la part de création imputable à Jack Kirby et celle imputable à Stan Lee. Je n'avais pas encore pensé à cette première apparition de Galactus en ces termes : les auteurs s'aventurant en dehors du manichéisme, belle remarque.
Cette remarque m'a été largement soufflée par la préface (de Christian Grasse ?) : "Pour ne pas retomber dans le cliché de la puissance alien qui veut conquérir la Terre, Lee donne à Galactus des motivations bien différentes. Le géant de l'espace est un dévoreur de planètes ! Le scénariste nous le présente comme un personnage ni bon ni mauvais, mais qui dépasse le cadre de la morale habituelle."
SupprimerLee insiste bien sur cet aspect. Les dialogues entre Galactus et le Gardien ou les Fantastiques sont sans équivoque, de toute façon.