"Léna et les trois femmes" est le deuxième numéro de la série "Léna". Cet album grand format, à la couverture cartonnée, est sorti chez Dargaud en octobre 2009 ; il comprend cinquante-quatre planches. Le rythme de parution du titre est lent : entre 2006 et 2020, seulement trois volumes ont été élaborés.
"Léna" est une création de Pierre Christin et André Juillard, figures importantes du neuvième art en France. Le scénario de "Léna et les trois femmes" est écrit par Christin ; connu pour "Valérian, agent spatio-temporel", il a travaillé avec Jacques Tardi, François Boucq, ou Enki Bilal. La partie graphique est réalisée par Juillard, dessinateur des "Sept Vies de l'Épervier", l'artiste principal des "Blake et Mortimer" de l'ère post-Jacobs.
Australie. Léna, au volant d'un quatre-quatre, s'offre une virée dans l'Outback, l'arrière-pays. Le premier jour, elle parcourt six cents kilomètres vers l'ouest, le deuxième, six cents vers le nord, et hier, seulement de la piste. Elle ne croise pas grand monde. Ce matin, elle a dû suivre une déviation pendant deux cents kilomètres, à cause d'un feu de brousse. Il s'en est fallu de peu que son véhicule tombe en panne sèche. Elle amorce la descente vers le Sud. Demain, elle sera rentrée ; elle pourra admirer la baie. Ses gardes-chiourmes seront-ils encore présents ? Continueront-ils à lui téléphoner, à la filer, à déposer des messages dans son chariot de supermarché ou dans son sac de sport ? Rob l'attend certainement. Il a des qualités, mais il ne remplacera pas son mari Antoine ; personne ne le pourra. Danny sera là aussi ; il ne remplacera jamais son fils Sylvain, mais il est adorable, il a besoin de Léna, et elle l'aime. Tandis qu'elle est perdue dans ses pensées, deux hommes, dont la voiture est camouflée, guettent le passage de son véhicule. Le premier donne un ordre au second, qui ouvre le coffre de sa Subaru, et en libère un marsupial qui s'éloigne en sautant vers la piste...
Il sera utile de (re)lire "Le Long Voyage de Léna" pour appréhender toutes les références, mais cela n'est pas indispensable à la compréhension de l'histoire ; cette série n'est pas bâtie sur une continuité aux connexions denses. Le scénario, comme le précédent, s'inscrit dans le registre de la bande dessinée d'espionnage ; ici sur fond de complot terroriste islamiste. Malgré la qualité du texte et de la partie graphique, il sera difficile de ne pas être déçu par ce numéro à la linéarité pesante, dans lequel certains mécanismes narratifs du premier album se répètent de façon trop évidente, et dont plusieurs éléments de l'intrigue sont trop peu vraisemblables. Le texte est construit sur les soliloques de Léna, retranscrits dans des cartouches ; les dialogues, peu nombreux, ne sont jamais longs, à l'exception de l'échange final entre Léna et le cheikh Najib. Le premier acte s'étend sur une quinzaine de pages ; Christin y pose le contexte. C'est rapide et facile ; Léna se laisse persuader sans réelle difficulté. Le ton de ces premières pages est assez léger, presque humoristique (la scène du kangourou). Le second (une vingtaine de planches) relate l'infiltration de Léna. Elle y rencontre trois femmes aussi différentes les unes des autres que d'elle-même. C'est le ventre mou du scénario. Rien ne convainc ici : ni la fausse identité de Léna ni ce cheikh, qui semble plus sorti d'un album de "Blake et Mortimer" que d'une organisation terroriste islamiste. Puis le troisième acte et le dénouement : Léna est envoyée une nouvelle fois sur le terrain, avec un ultime rebondissement qui en laissera plus d'un sceptique. Enfin, ceux qui souhaitaient comprendre un peu plus la situation de la femme dans le djihad ne seront ni émus ni plus avancés. Néanmoins, les carences de ce scénario et de son propos ne parviennent pas à effacer le magnétisme qui se dégage du personnage de Léna. Les lecteurs la retrouvent dans des scènes familières au fort goût de déjà-vu. Ils se connectent immédiatement à elle, à sa mélancolie. Ils sont soulagés en la voyant méditer en se focalisant sur l'instant présent pour échapper à la douleur psychologique et la suivent avec bienveillance lorsqu'elle marche dans les rues de Tbilissi ou qu'elle semble si seule dans le Sahara. Ils apprécient sa force intérieure, son courage, et son sang-froid. Juillard, de son trait fin au contour régulier, produit des planches détaillées dans un style réaliste. Tout est admirablement soigné : les personnages et leurs vêtements, les véhicules, et les paysages, que ce soit l'Outback, les rues de Tbilissi, de Paris, ou ce village en ruine dans le Sahara.
"Léna et les trois femmes" est un album inabouti, qui tente mollement d'évoquer le discours du djihad, la condition des femmes martyres, et dont l'intrigue se déroule d'une façon décidément bien simple. Reste le personnage de Léna, et son humanité.
Mon verdict : ★★☆☆☆
Barbüz
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Houla : 2 étoiles. Objectif visiblement ambitieux des auteurs : évoquer le discours du djihad, la condition des femmes martyres. Réalisation visiblement plate et peu plausible, surtout en ce qui concerne le scénario si j'ai bien compris ton article. Du coup, je suis allé lire la fiche wikipedia de Pierre Christin, me demandant en quoi il est une figure importante du neuvième art, au-delà de Laureline & Valérian. La liste des artistes avec qui il a collaborés impressionne. Visiblement, il a fait parti des auteurs qui ont établi en France que la BD peut s'adresser aux adultes.
RépondreSupprimerLe magnétisme qui se dégage du personnage de Léna : à te lire, il semble aussi bien généré par les dessins si clairs d'André Juillard, que par la manière dont Christin l'écrit.
J'ai longuement hésité entre deux et trois étoiles. La médiocrité de l'intrigue et le monceau d'invraisemblances sur lequel elle est bâtie a fait pencher la balance du côté des deux étoiles, hélas. Quelle déception ! Cela n'enlève rien à la qualité du texte de Christin, ni à son art de la narration, ni au personnage de Léna, dont l'élégance naturelle doit beaucoup au trait de Juillard, effectivement.
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