mardi 30 juin 2020

"Spider-Man" : L'Intégrale 1962-1963 (Panini Comics ; janvier 2002)

Le premier volume de l'intégrale consacrée à Spider-Man par Panini Comics France est sorti en janvier 2002. Il renferme environ cent quatre-vingts planches. Ce recueil à couverture cartonnée avec jaquette amovible regroupe les versions françaises du récit "Spider-Man!", issu du mensuel "Amazing Fantasy" #15 (août 1962), des "Amazing Spider-Man" #1-7 (de mars à décembre 1963) et d'une histoire tirée du "Strange Tales Annual" #2, d'octobre 1963. 
Stan Lee (1922-2018) et Steve Ditko (1927-2018) cosignent les scénarios, mais Lee écrit seul l'annuel. Ditko réalise les dessins et l'encrage de tous les épisodes, à l'exception de l'annuel, dans lequel il encre le travail de Jack Kirby (1917-1994). Le seul artiste aux crédits de la mise en couleur est Stan Goldberg (1932-2014). 

La Midtown High School. Quelques lycéens, parmi lesquels Flash Thompson et Liz Allan, discutent de leur prochaine soirée. L'un d'eux propose d'inviter Peter Parker. Flash rit de cette idée ; Parker ne sait même pas danser ! Et Liz d'ajouter que si Parker sort quelque part, c'est pour faire office de "tapisserie". Le lendemain matin, Peter est gentiment réveillé par son oncle Ben ; Tante May lui a préparé des crêpes, son petit-déjeuner préféré. Plus tard, au lycée, le professeur de chimie le félicite : Peter est bien parti pour obtenir une bourse d'études supérieures. Mais après son cours, quand il demande à Sally Avril si elle est libre le même soir, elle lui répond "pour la énième fois" qu'il n'est pas son type, surtout lorsqu'on le voit à côté de Flash Thompson ; ce dernier approuve le "bon goût" de la jeune femme et repousse Parker, qui insiste. Il y a une exposition au palais des sciences ; peut-être que quelqu'un veut venir avec lui ? Cette question lui attire une autre salve de moqueries, et la bande de lycéens s'éloigne dans la décapotable de Thompson, laissant Peter en plan. En se dirigeant vers l'exposition scientifique sur les expériences en matière de radioactivité, il se jure de leur faire regretter cette attitude... 

Y a-t-il seulement un personnage plus emblématique de la maison Marvel que Spider-Man ? Assez étrangement - ou pas, au fond - la magie prendra instantanément à la création. L'adéquation entre Peter Parker, "geek" avant l'heure, et le super-héros costumé fait mouche de façon immédiate. Passons sur la mort de son oncle, qui ne lui cause pas encore d'insurmontables remords. Néanmoins, le décès de celui-ci propulse Peter au poste "d'homme de la famille". S'il devient photographe free-lance, c'est surtout pour parvenir à ses besoins et à ceux de sa tante May. Voilà une première contrainte de taille dans la vie de ce jeune homme, qui doit "assumer" la survie de ce foyer modeste, à des années-lumière des Quatre Fantastiques et du Baxter Building. Évidemment, cela n'est pas si simple, car son unique client, J. Jonah Jameson, est un grippe-sou acariâtre, de mauvaise foi, et dur en affaires. Rien ne lui est facile ! Contrariété supplémentaire, plus parlante : Parker, mis en boîte par les meneurs de sa classe, en est le souffre-douleur. À cela s'ajoute le souci de l'identité secrète ; il ne peut pas réagir en rossant ses harceleurs, parce que cela révélerait ses pouvoirs. Autre source d'anxiété, qui découle de la précédente : les filles. Cependant, s'il ploie sous les moqueries de Liz Allan, il parvient à émouvoir Betty Brant. Il y a un fossé abyssal entre l'adolescent en civil et le super-héros, à qui pouvoirs et habit donnent l'assurance dont il a besoin. Ensuite, tout y est dès le départ, le costume iconique, le sens d'araignée, les gadgets (lance-toile, ceinture, signal), et la caractérisation de Parker et des membres de son entourage ; pendant une vingtaine d'années, cette version du personnage ne connaîtra guère d'évolutions sérieuses et durables. Enfin, Spider-Man se définit aussi par ses ennemis. Qui dit araignée, dit registre animalier. Il ne faut donc pas s'étonner si la plupart de ses adversaires en sont issus : le Vautour, le Lézard, le Caméléon, et le docteur Octopus - rien que ça - sont créés dans ces pages tout en verve. Prétendre que l'art de Ditko est abouti serait absurde. Mais son Spider-Man est intemporel, et bien que ses compositions soient rudimentaires, les chorégraphies de son héros virevoltant sont pleines de mouvement et d'imagination. 
La traduction a été réalisée par l'inénarrable Geneviève Coulomb, qui répand son vocabulaire imagé, mais inadapté. Elle aura, à elle seule, massacré des brouettes de numéros, voire de séries. Ces aventures auront-elles une chance d'être retraduites ? 

Sans doute plus que les Quatre Fantastiques, la création de Spider-Man, de Peter Parker, et de cet incroyable bestiaire sont, d'emblée, des coups de maître pour Lee et Ditko ; près de soixante ans après, ces pages restent essentielles pour les amateurs. 

Mon verdict : ★★★★☆

Barbüz
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2 commentaires:

  1. Un article qui réalise une belle synthèse de tout ce qui fait le charme de cet héros La dichotomie quasi schizophrénique entre le timide Peter Parker, et l'exubérant Spider-Man, rien ne lui est facile, tout y est dès le départ. Il m'avait fallu quelques années avant de m'apercevoir que Stan Lee (et les scénaristes suivants) avait décliné tout le registre animalier (ou presque) pour nourrir la galerie d'ennemis de Spider-Man : le caméléon, le rhinocéros, le kangourou, le gibbon, la tarentule...

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    1. Merci. Moi aussi, il m'a fallu quelques années avant de voir où Lee et Ditko puisaient leur inspiration. Cela dit, je n'ai encore croisé ni le Kangourou ni le Gibbon ; en tout cas, pas que je me souvienne. Je me rappelle avoir lu des épisodes avec Tarantula, en revanche.
      J'avais déjà lu ces volumes ; je me souviens que le départ de Ditko avait provoqué une évolution de la caractérisation, devenue bien plus bavarde, qui m'avait agacé. Nous verrons si je ressens le même effet quelques années plus tard.

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