dimanche 28 juin 2020

Bois-Maury (tome 14) : "Vassya" (Glénat ; septembre 2009)

"Les Tours de Bois-Maury" est une série en quinze volumes, créée par le Belge Hermann Huppen ; son titre a évolué en "Bois-Maury" à partir du onzième tome. Sorti dans la collection "Vécu" de Glénat en septembre 2009, "Vassya", le quatorzième, est un album à la couverture cartonnée, de quarante-six planches. 
C'est Yves H., qui avait rejoint son père sur "Bois-Maury" avec "Rodrigo", qui écrit le scénario de "Vassya", tandis qu'Hermann produit la partie graphique (dessin, encrage, mise en couleur). 

Un coléoptère aux reflets verts survole un village russe, ou du moins ce qu'il en reste. Partout, des cadavres, d'hommes, mais aussi d'animaux (porcs, ânes, chiens), autour desquels bourdonnent des mouches. L'insecte continue son trajet, pour se poser sur la cape rouge du chef de l'armée polono-lituanienne, Waldemar Lewandowski. D'un geste de la main, ce dernier chasse la bestiole. Ses cavaliers en alerte derrière lui, Lewandowski crie le nom de Korkine. Aucune réponse ; n'y aurait-il plus âme qui vive dans ce village ? L'aristocrate ordonne à ses soldats de retourner l'endroit jusqu'en ses moindres recoins. Il veut savoir où se trouve Khorkine. Depuis la fenêtre d'une cabane, Douniachka, une jeune femme, observe la scène et relate ce qu'elle voit à son grand-père, Ignat Ignatiévitch, un vieux cosaque. Douniachka pense qu'ils seront découverts rapidement. Peu importe à son aïeul ; malgré les remontrances de sa petite-fille, Ignat a bien l'intention de leur faire goûter son sabre. Ainsi ces suppôts du pape veulent imposer leur tsar et fouler du pied la foi orthodoxe ? Douniachka le prie de se calmer ; les Polonais arrivent. Ignat la rassure : il préfère la mort au déshonneur, comme tout cosaque. Alors que les Polonais s'approchent, Ignat, depuis le seul de la cabane, leur ordonne de rester où ils se trouvent et menace de trancher la tête au premier qui s'avancera. Ils n'ont rien à faire sur la terre des cosaques. Qu'ils rentrent chez eux !... 

Les Huppen proposent un nouveau bond dans le temps. Après la Flandre du XVIe siècle, voici la Russie du début du XVIIe. Les auteurs invitent les lecteurs à redécouvrir une page d'Histoire, dans laquelle le descendant de Bois-Maury - comme toujours - est témoin d'événements historiques sans y jouer de rôle important. Cette Russie de 1604 est celle de Boris Godounov, qui fut tsar de 1598 à 1605. En face, une coalition de Polonais et de cosaques, menée par Waldemar Lewandowski, l'oncle d'Aymar de Bois-Maury. Les Polonais veulent renverser Godounov et placer sur le trône Grégori Otrepiev, qu'ils ont cru - à tort - lorsqu'il leur a affirmé être le tsarévitch Dimitri qui aurait survécu à une tentative d'assassinat. Aymar, lui, est là pour que la guerre fasse de lui "un homme". Bien qu'ils les suivent à travers l'Europe, les lecteurs réalisent qu'ils ignorent encore tout des Bois-Maury. Le scénario de "Vassya" , linéaire, se déroule en un laps de temps restreint : pas plus de quelques jours. Ces pages évoquent le prélude à la guerre polono-russe et l'entrée en Russie des troupes du Faux Dimitri en juin 1604. La bataille contée ici est peut-être fictive ; le premier affrontement majeur n'eut lieu que le 21 décembre 1604, à Novgorod-Severski. Ce choc est donc anecdotique, car il s'agit avant tout d'une histoire de passions exacerbées : l'amour, et la foi. La première pour la jolie Douniachka, la seconde par la rivalité entre religions catholique (du côté polonais) et orthodoxe (du côté russe). Ces deux éléments placent le ver dans le fruit de l'alliance entre Polonais et cosaques. Bien que leur impact soit discutable, les dissensions sont présentes avant même la bataille. Yves H. étonne avec une nouvelle caractérisation. Ce jeune Aymar est envoyé à un oncle par sa mère pour que l'expérience de la guerre le fasse mûrir. Évidemment, cela ne se passe pas comme prévu : cette incarnation immature n'a pas le sens des réalités et met ses désirs avant ce conflit par lequel elle ne semble point concernée. La partie graphique est admirable : belles couleurs vives, contrastes magnifiques, champs de fleurs qui invitent au rêve. Comme souvent, Hermann compose des scènes à divers moments, journée, soir, et nuit. Ce coucher de soleil sur le Don est sublime. Malgré les cadavres, le champ de bataille fleuri garde toute sa superbe, comme si les faits des hommes n'étaient qu'anecdotiques et ne pouvaient entacher la beauté de la nature. Les costumes sont bigarrés, chatoyants, colorés, et les armures, rutilantes. Ce sont assurément les planches les plus belles et abouties d'Hermann pour cette série. 

Voilà une jolie surprise ; le propos continue à se renouveler, avec une partie graphique qui est ici à son sommet. Chaque tome vient apporter sa pierre à l'édifice de la mystérieuse saga des Bois-Maury. C'est là un très bel album, mais... bien trop court. 

Mon verdict : ★★★★☆

Barbüz
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2 commentaires:

  1. Les Huppen passent donc de 1560 à 1604 : je comprends mieux comment ils ont développé la saga autour de la lignée des Bois Maury.

    Je comprends bien aussi ta conclusion sur le trop court : ton commentaire fait bien apparaître la richesse du contexte, et 46 pages semble bien court pour autant d'éléments.

    La partie graphique est admirable. - J'avoue que c'est la qualité qui me tenterait bien dans cette série, mais trop de tentations et pas assez de temps. J'ai beaucoup aimé tes deux phrases : Ce coucher de soleil [...] rutilantes. Ayant déjà pu apprécier des planches d'Hermann, j'ai eu l'impression de ressentir l'effet de ces pages.

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    1. Une série que j'ai découverte avec le quinzième tome - un cadeau. Remarquable d'un bout à l'autre, bien que peut-être plus faible au niveau du scénario dans la seconde "saison". Je devrais normalement en finir la lecture cette année. J'ai prévu de lire d'autres séries avec Hermann, dont "Bernard Prince" et "Comanche".

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