lundi 31 août 2020

Batman (tome 5) : "L'An zéro", 2e partie (Urban Comics ; février 2015)

La seconde et dernière partie de "L'An zéro" est un album cartonné de deux cent vingt-cinq planches approximativement - bonus non inclus -, sorti dans la collection "DC Renaissance" d'Urban Comics en octobre 2014. C'est le cinquième volume du "Batman" de la "Renaissance DC" ("New 52"), une démarche de DC Comics pour rafraîchir son univers. Ce volume comprend les "Batman" #25 à 27 puis #29 à 33 (de janvier à mars et de mai à septembre 2014). 
Scott Snyder produit le scénario. Greg Capullo réalise les illustrations ; son travail est encré par Danny Miki et mis en couleur par le Mexicain Fco Plascencia. Snyder et James Tynion IV ont coécrit le "back-up" du 25 ; le Britannique Andy Clarke en signe dessin et encrage et le Canadien Blond (Kevin Senft) la mise en couleur. 

À l'issue du tome précédent, le Sphinx pose une devinette, provoque l'explosion d'un gratte-ciel, et menace de faire de Gotham une ville fantôme, à moins que ses devinettes soient déchiffrées. 
Nigéria, il y a quelques années : sous un soleil de plomb, un convoi d'une demi-douzaine de véhicules blindés légers de l'US Army traverse une étendue désertique. Blink, le conducteur de l'engin de tête, est sceptique : cela ressemble à tout - mais pas à une piste. Son navigateur acquiesce, et commence à bredouiller une explication sur les chances que l'endroit qu'ils cherchent existe, et que l'homme qu'ils cherchent s'y trouve, mais il est interrompu par le chauffeur, qui a repéré l'objet de leur mission sur le bas-côté droit de la route, à peine visible dans le sable. En fait, cet endroit avait déjà été localisé par leurs satellites ; les fantassins s'émerveillent devant la puissance de la technologie. Quatre d'entre eux approchent prudemment : une trappe, en plein désert ! Une fois revenus de leur surprise, ils en dégagent la surface et l'anneau permettant de l'ouvrir et la soulèvent, doucement, sur le qui-vive. Après tout, personne ne sait ce qui se cache là-dessous...

Voici donc la deuxième et dernière partie de la saga qu'a conçue Snyder pour réécrire les origines et les premières missions de Batman. Fidèle à son style et à sa vision de la chose, Snyder intègre du grand spectacle dans toutes les dimensions de sa relecture. Il y a le justicier, pris entre plusieurs feux : les monstres (son Dr La Mort est particulièrement horrifique), qui souhaitent sa chute ; ceux qui désirent être ses alliés, mais en qui il n'a pas confiance ; les autorités, qui soit le prennent pour un fou soit veulent l'abattre s'ils en ont l'occasion. Il y a Gotham City, retournée à la nature après une apocalypse, qui survit sous le joug du Sphinx en tyran qui rappellera les empereurs romains les plus dérangés, de Caligula à Néron, et qui utilise la cité comme terrain de jeu, voire comme arène, et dont la population, dans une atmosphère orwellienne, subit son lot de violences journalières : black-out, explosions, exécutions, chantage, menaces, etc. Il y a, enfin, ces conditions météorologiques terribles. Snyder évoque - sans que l'on sache s'il s'agit d'un hommage ou d'une réappropriation, mais sans doute plus le premier que la seconde - certaines des grandes aventures de Batman, dont "Cataclysme" et sa suite, "No Man's Land", sans pour autant pouvoir plonger dans le quotidien des habitants. Certes, l'action se déroule à Gotham City, mais l'écriture dynamique et pêchue de Snyder ne s'encombre guère du souci de vraisemblance, malgré toutes ses explications ; cela n'enlève rien aux bonnes idées de l'auteur, qui explore les années qui précèdent la naissance de Batman, un territoire encore vierge. D'aucuns diront que Snyder utilise des tics narratifs de Morrison, par exemple en jonglant avec les lignes chronologiques, sans indication. Ses dialogues sont soignés, mais son texte est pollué par des éléments techniques parfois verbeux. Capullo produit une partie graphique qui est parfaitement en phase avec ce que souhaite le scénariste ; son travail est expressif, dynamique, et explosif. Il est étrange de noter à quel point le trait plus réaliste du méticuleux Clarke convient nettement moins à la vision de l'auteur que le semi-réalisme de Capullo ; il y a donc une forte adéquation entre Snyder et Capullo. Plascencia compose des contrastes magistraux. 
La traduction du Belfortain Jérôme Wicky, l'un des meilleurs professionnels du circuit, est très satisfaisante. Cependant, bien que son usage ait une fâcheuse tendance à se multiplier, "faire sens" - en lieu et place "d'avoir du sens" - reste un barbarisme. 

En dépit - ou à cause - de toute cette débauche de spectacle, le "Batman" de Snyder continue à souffrir d'un déficit d'ancrage dans une réalité certes toute relative ; si la seconde partie de l'arc se lit sans peine, elle manque terriblement d'authenticité. 

Mon verdict : ★★★☆☆

Barbüz
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2 commentaires:

  1. Voici donc la suite de cette anti-Année-un.

    L'écriture dynamique et pêchue de Snyder sans du souci de vraisemblance : cette caractéristique là ne me dérange pas. Je viens de finir le tome 6 des Avengers de Jason Aaron qui s'amuse comme un petit fou, sans aucun souci de vraisemblance et c'est rigolo... mais pas suffisant pour ce tome. Je me retrouve également très bien dans la remarque sur Capullo qui convient mieux que Clarke à ce genre de récit : il faut un dessinateur en phase avec l'intention du scénariste.

    Les années qui précèdent la naissance de Batman, un territoire encore vierge : je suppose que Vierge s'applique à cette version New 52, car je me souviens de plusieurs incursions dans les années de formation de Batman, que ce soit pré Crisis on infinite Earths, ou post, en particulier dans la série Legends of the Dark Knight.

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    1. J'aurais dû écrire "globalement" vierge. Il y a eu quelques pages dans le "Batman et Robin" de Tomasi et Gleason, aussi. Mais après, tu cites un matériau qui n'a certainement pas été traduit en VF ou que je n'ai tout simplement pas lu ; et comme je refuse de lire en VO... Cela dit, je me demande parfois pourquoi cette période n'a jamais eu sa propre série.

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