Cette première partie de "L'An zéro" - il y en a deux - est un album cartonné d'approximativement cent soixante-quinze planches (bonus exclus), sorti dans la collection "DC Renaissance" d'Urban Comics en octobre 2014. C'est le quatrième volume du "Batman" de la "Renaissance DC" ("New 52"), une démarche de DC Comics pour rafraîchir son univers. Ce volume comprend les "Batman" #0 (novembre 2012), et 21-24 (août à octobre puis décembre 2013).
Scott Snyder produit le scénario. Greg Capullo réalise les illustrations ; son travail est encré par Jonathan Glapion, ou par Danny Miki, et mis en couleur par le Mexicain Fco Plascencia. Snyder et James Tynion IV ont coécrit ces brefs récits qui suivent chaque épisode principal, cinq à six pages. Le Britannique Andy Clarke et le Brésilien Rafael Albuquerque en signent dessins et encrage. Et enfin, le Canadien Dave McCaig en élabore la mise en couleur.
Gotham City, il y a six ans. La Gotham National Bank organise une réception pour ses employés. En découpant un gâteau fait à la forme du siège de leur établissement, le dirigeant, Sam Deke, justifie la nouvelle approche de l'institution financière, sur un ton humoristique et bienveillant. Il évoque un instant les valeurs de l'entreprise et distribue les parts. L'un de ses collègues s'extasie devant la qualité de la pâtisserie, lorsque six hommes font irruption dans le hall. Ils sont vêtus d'un complet noir avec cravate et chemise blanche, portent des gants blancs, et une cagoule intégrale rouge (pour le chef, un casque) ; ils sont armés de pistolets automatiques, et tiennent les employés en joue. Sarcastique et plein de verve, le leader ordonne à ces derniers de s'allonger au sol sans histoire, sinon ils seront abattus, puis il commande à son "Gang Red Hood" de vider les coffres. Deke demande comment ils ont réussi à s'introduire dans ce bâtiment ; Red Hood 1 répond qu'il a dérobé un gadget au service de sécurité de l'entreprise. Cet appareil a permis de désactiver l'alarme et d'ouvrir le coffre...
Lorsqu'il conçoit cet arc, Snyder a l'intention de réinventer Batman, à son tour, comme l'a fait Miller dans "Année un", pour le faire correspondre aux canons du lectorat des nouvelles générations. Dans le briefing qu'il envoie à son équipe, le scénariste explique qu'il veut que les épisodes soient "audacieux, rapides, enthousiasmants", et qu'ils donnent "la patate". Il ajoute qu'il aspire à "se différencier fondamentalement des autres versions" des origines de Batman ; il désire une lecture "moins lugubre, plus portée sur l'action, les effets pyrotechniques, l'aventure et même la S-F". Il précise qu'il souhaite que l'œuvre soit un "anti-Année-un", laissant sous-entendre qu'il faut s'éloigner "des flics corrompus, des mafieux, du sang, des faits divers sordides", et s'inspirer "des films d'action à grand spectacle" ; leur récit doit être "moderne, électrisant, et épatant". La vision a le mérite d'être claire. L'action commence alors que Bruce Wayne est revenu à Gotham City ; Batman n'existe pas encore, mais cet arc conte sa création et son premier super-vilain : Red Hood, qui fait écho à "Killing Joke". Snyder respecte le canon, avec des ajustements de surface. Wayne, dont la caractérisation est moins sombre, a abandonné le manoir ; il n'entrevoit pas réellement ce que son nom et son statut d'enfant chéri de la ville pourront apportent à sa croisade. Sa relation avec Alfred est plus libérée, parfois houleuse. Snyder a deux trouvailles principales : la culpabilité collective, l'ubiquiste Gang Red Hood recrutant ses soldats anonymes dans toutes les classes de Gotham City, de l'enseignant au capitaine d'industrie ; et l'exploitation d'une période méconnue, la formation de Wayne avant son retour, mais qui demeure en filigrane. Mais le reste, impersonnel et trop spectaculaire pour être authentique, aurait pu être écrit pour n'importe quel héros, et ne convainc pas. Capullo élabore une partie visuelle qui répond à ce "cahier des charges" : un très bon niveau d'expressivité, beaucoup de mouvement, des cadrages variés, un détail qui compense des arrière-plans "optimisés", des compositions inhabituelles... Son style semi-réaliste exprime à la perfection l'énergie et l'explosibilité requises, dans un découpage original et clair. Enfin, la mise en couleur fait le reste.
La traduction de Jérôme Wicky, certainement l'un des meilleurs professionnels du circuit, est très satisfaisante ; son texte est impeccable, et ne comprend ni coquille ni faute, malgré un très léger doute au sujet d'un choix entre futur et conditionnel.
Le "Batman" de Snyder peine à trouver un nouveau souffle depuis la saga des Hiboux. Cette relecture des origines manque d'une vraie personnalité, reste superficielle, et pâtit d'une certaine extravagance, mais elle se lit facilement, sans réel déplaisir.
La traduction de Jérôme Wicky, certainement l'un des meilleurs professionnels du circuit, est très satisfaisante ; son texte est impeccable, et ne comprend ni coquille ni faute, malgré un très léger doute au sujet d'un choix entre futur et conditionnel.
Le "Batman" de Snyder peine à trouver un nouveau souffle depuis la saga des Hiboux. Cette relecture des origines manque d'une vraie personnalité, reste superficielle, et pâtit d'une certaine extravagance, mais elle se lit facilement, sans réel déplaisir.
Mon verdict : ★★★☆☆
Très bonne review ! Exactement ce que je pense de cet arc. C’est sympa mais pas inoubliable.
RépondreSupprimerMerci d'être passé et d'avoir laissé un mot ! Je verrai bien ce que donne la seconde partie de cet "An zéro", mais ça sera certainement dans la même veine.
SupprimerRéinventer Batman, comme l'a fait Miller dans Année un - Il me semble me souvenir que c'est cette déclaration empreinte de modestie :) qui a emporté ma décision de ne pas retenter de lire la série Batman tant qu'elle serait écrite par Scott Snyder.
RépondreSupprimerQue l'œuvre soit un anti-Année-un. [...] La vision a le mérite d'être claire. - Oui, c'est vrai, elle est claire, et elle contient tout ce qui ne m'avait pas plu dans la démarche DC Renaissance, à savoir l'effacement complet de la continuité précédente, mais sans vision éditoriale construite avec rigueur. Du coup, certaines séries un peu indépendantes étaient très sympathiques (sans déclaration tonitruante dépourvue de modestie, sans problème d'incohérence interne), par exemple I, vampire, ou OMAC, Dial H for hero, Frankenstein, Larfleeze... Mais pour les superhéros majeurs de DC, la continuité de Batman était bancale. Brian Azzarello a fait l'effort de proposer une version différente de Wonder Woman, mais elle n'était pas à mes goûts. Grant Morrison n'est pas resté longtemps sur Superman. Avec le recul c'est le tandem Lemire & Sorrentino qui s'en est le mieux tiré avec Green Arrow, en plus en ne le reprenant qu'à partir de l'épisode 17.
Je te remercie pour ce commentaire qui met des mots sur ma déception (très personnelle) quant à l'écriture de Snyder sur Batman.
Malgré les semi-déceptions qui s'enchaînent, j'ai malgré tout l'intention d'aller au bout du "run" de Snyder, à moins d'être dégoûté en cours de route.
SupprimerJe ne sais pas exactement ce que fait Snyder en ce moment, mais ce qui me désole un peu, c'est de savoir qu'il a écrit plusieurs autres arcs après ce "Batman" des "New 52".
Je n'ai lu aucune série de celles que tu mentionnes ("I, Vampire", "OMAC", "Dial H for Hero", Frankenstein, etc.").
J'ai laissé passer Scott Snyder sur Batman, et je n'y suis revenu qu'avec l'arrivée de Tom King : je me régale avec sa version de Batman, à partir du tome 2 (en plus il bénéficie de dessinateurs triés sur le volet). En parallèle, je lisais Detective Comics de James Tynion IV, lui aussi excellent à sa manière.
RépondreSupprimerNéanmoins, j'ai quand même voulu retenter du Scott Snyder. J'a lu la minisérie Dark Knights: Metal, (toujours avec Capullo), et ce n'était pas du tout à mon goût, au point que leur minisérie Batman: Last Knight on Earth soit la seule du Black Label de DC qui ne me tente pas.