"Durango" est une série de western spaghetti, créée en 1981 par le Belge Yves Swolfs, connu également pour : "Dampierre", "Légende", "Le Prince de la nuit", etc. "Durango" est d'abord publié par Les Archers, puis par Dargaud, Alpen Publishers, Les Humanoïdes associés, et enfin par Soleil (du groupe Delcourt) depuis 2003. La maison continue la publication et a réédité la somme. Si Swolfs a réalisé les treize premiers numéros en solo, ou parfois avec un coloriste, il s'est fait remplacer au dessin à partir du quatorzième album, "Un pas vers l'enfer" (de 2006).
"Amos" est le quatrième volet de "Durango". C'est un recueil cartonné grand format (30 × 22,5 centimètres) de quarante-six planches. Il est d'abord sorti aux Archers en janvier 1984, sans prépublication ; Swolfs en écrit le scénario, et en produit les dessins et l'encrage, ainsi que la mise en couleur - à confirmer.
À l'issue du tome précédent, Durango, accusé des meurtres de John Allen et de son secrétaire Harvey, abat Trenton en duel. Il lui est impossible de s'innocenter. Il n'y a qu'une option : fuir.
Une taverne perdue non loin de la frontière américano-mexicaine, par une journée torride. Attablé devant une bouteille et un verre, adossé au mur, l'unique client fait une sieste sous son sombrero. Manuel, le gérant, scrute l'horizon par la fenêtre, et aperçoit quatre cavaliers qui se dirigeant vers l'établissement : Garcia et ses chasseurs de primes. Ils tombent on ne peut plus mal ! Manuel ordonne à sa fille Maria de filer et de se réfugier chez le vieux Navajo. Il ira la chercher lorsque Garcia et ses acolytes seront partis. L'instant d'après, Garcia ouvre la porte d'un coup de botte et exige de parler à ce "vieux singe" et cet "empoisonneur" de Manuel, qui lui cache certainement des choses. Il empoigne l'aubergiste par le col, et il lui demande - aussi menaçant que méfiant - s'il attend quelqu'un en ce jour...
"Amos" est l'album qui confirme que Swolfs souhaite développer une continuité approfondie pour Durango, plutôt que d'aligner les tomes où ce dernier passe de patelin en patelin pour y rendre la justice ; Swolfs s'éloigne des intrigues râpeuses et rudimentaires de vengeance, piliers des deux premiers numéros. "Amos" marque le début d'un scénario de vaste ampleur : un triptyque qui conduira Durango au Mexique. Le Mexique : détour obligé pour les grands noms de la bande dessinée de western. Que ce soit le Bouncer, Lucky Luke, Blueberry, Jerry Spring, ou d'autres encore, ils y partent pour en ramener un fugitif, ou pour échapper à la loi. Durango, lui, appartient à la deuxième catégorie : rappelons qu'il est accusé - à tort - d'un double meurtre dont il ne peut se disculper, le shérif de Silver Bridge faisant partie des comploteurs. Notre solitaire reprend la route discrètement. C'est assez rare pour le souligner : Durango rencontre ici un homme d'honneur qui a non seulement le courage de l'aider, mais aussi celui de risquer sa vie pour lui, Amos, en qui il serait réducteur de ne voir qu'une autre facette de notre protagoniste. Charismatique, bravache, farouche et haut en couleur, le Mexicain tranche avec notre taciturne pistolero. Le contraste entre les deux est total, à l'exception d'une certaine idée de l'honneur et de la justice qui semble les rapprocher. Swolfs en dit peu sur Amos, conservant tout son mystère au personnage. Quoi qu'il en soit, la série est à un tournant qui s'éloigne du citoyen pusillanime dont la bourgade a été prise en otage, et qui vit dans l'espoir d'être sauvé par un deus ex machina ; en l'occurrence, Durango. L'auteur allège le poids de la linéarité de son scénario en partageant la narration entre plusieurs parties en présence - jusqu'à cinq - et en multipliant les coups de tonnerre. Par la force des choses, le justicier est donc moins en évidence. Une aventure complexe, dont les fils conducteurs, adroitement tissés, sont pleinement exploités, se met en place. Le trait de Swolfs n'évolue pas de façon sensible. Si certains regards ne brillent pas par leur expressivité, le découpage de l'action est consommé, le quadrillage est original de par la variété des formats des cases, la diversité des cadrages et l'utilisation des inserts. Le niveau de détail, l'un des signes distinctifs de cette patte Swolfs, est admirable (il faut observer les murs et le sol de la taverne, les vêtements des protagonistes, les décors naturels et les bâtiments, etc.). Enfin, la mise en couleur consiste en une gamme de tons chauds qui siéent à merveille à ce contexte et à cet environnement.
Au programme, intérêts des compagnies minières avides, rivalités implacables entre chasseurs de primes, fusillade spectaculaire dans une ville fantôme et règlements de comptes : tels sont les grands ingrédients de la réussite de ce quatrième volume.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbüz
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Intérêts des compagnies minières avides, rivalités implacables entre chasseurs de primes, fusillade spectaculaire dans une ville fantôme et règlements de comptes : avec cette liste, je prends mieux la mesure de tout ce que l'auteur développe en seulement 46 planches. Ton commentaire met bien en lumière que le récit comprend toutes les conventions attendues du western, avec également une intrigue bien tournée, un savoir-faire narratif entremêlant jusqu'à 5 parties en présence, et un bon niveau de narration visuelle.
RépondreSupprimerIl semblerait, d'après certains commentaires que j'ai lu ici et là, que ce triptyque représente le sommet de la série. J'ai bien failli lire les deux autres tomes dans la foulée, mais je me suis finalement obligé à respecter mon planning ☺. Affaire à suivre.
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