samedi 1 août 2020

The Punisher (tome 12) : "La Longue Nuit froide" (Panini Comics ; janvier 2009)

"La Longue Nuit froide" est le douzième tome de "The Punisher", série qui regroupe soixante-quinze numéros VO (de mars 2004 à octobre 2009) en dix-huit volumes, publiés chez MAX - nom du label adulte de Marvel - entre avril 2004 et janvier 2011 ; sorti en janvier 2009, cet ouvrage contient un arc complet en cinq parties (en VO, "Long Cold Dark" #50-54, octobre 2007 à février 2008). Depuis 2013, Panini Comics France réédite le titre dans la collection Marvel Deluxe. Cet article a pour sujet la première édition, un album avec couverture flexible d'environ cent vingt planches. 
Le Britannique Garth Ennis ("Preacher", "The Boys", "Hellblazer") écrit le scénario. Le New Yorkais Howard Chaykin illustre le #50 et le Croate Goran Parlov les quatre suivants ; Parlov avait travaillé sur les huitième et dixième tomes de la série, "Barracuda" et "Punisher présente Barracuda". Chaque artiste procède à l'encrage de ses planches. Le Mexicain Edgar Delgado réalise la mise en couleur du premier numéro, et Lee Loughridge, celle des autres. 

Un soir, dans une maison isolée, perdue dans la campagne anglaise ; assis à terre, appuyé contre le canapé, Yorkie Mitchell a été touché au ventre d'une balle de pistolet. Sa propre arme se trouve au sol non loin de lui. À côté de lui gît son épouse Angie ; elle a été grièvement blessée au dos, et est mourante. Barracuda fouille le vaisselier. Mitchell le prévient : le Punisher va le tuer. Le colosse afro-américain ne peut s'empêcher de sourire. Yorkie prétend que le Punisher ne le liquidera pas pour le venger lui, mais parce que Barracuda est un "mariolle" qui le provoque et parce que Castle est "l'homme le plus dangereux qui ait jamais existé". Barracuda n'écoute qu'à moitié ; il plonge la main dans le coffre-fort dissimulé derrière le meuble, et il en sort une lettre encore dans son enveloppe. Il la lit et réalise que ce qu'on lui a révélé est vrai. Il glisse la pièce dans la poche intérieure de sa chemise. Il abat Mitchell à bout portant après un ultime échange cynique... 

Le Punisher et Barracuda s'étaient déjà croisés : cela avait fait des étincelles. Ennis avait même offert sa mini-série à Barracuda, "Punisher présente Barracuda". Voici venu, enfin, le moment de l'affrontement final ! Il aura lieu dans un véritable bain de sang, qui confirmera le déferlement de brutalité auquel les lecteurs familiers de la série sont en droit de s'attendre. Assez rapidement, dans ce style qui lui est propre, Barracuda informe le Punisher qu'il n'y a pas de règles et que tous les coups sont autorisés. Pour être assuré d'avoir sa chance contre celui dont son défunt compagnon d'armes a dit qu'il était le meilleur, le colosse est parti à la recherche du moindre point faible dans l'existence du justicier. Et il trouve, tout comme Ennis démontre au lecteur qu'il rebondit avec aisance sur la continuité de sa série : Barracuda trouve une faille insoupçonnée et l'exploite, convaincu qu'elle lui offre un double avantage - psychologique, et sur le terrain - et qu'elle lui permettra de mettre son ennemi à genoux. Ennis représente ici une escalade de violence nihiliste et joue patiemment avec les nerfs des lecteurs, qui, habitués à des castrations, des tortures, ou encore des mutilations - entre autres - s'attendent au pire à chaque page. La construction du scénario est très adroite : l'auteur prend soin de casser la linéarité du crescendo d'hémoglobine en déroulant trois fils narratifs : deux majeurs - autour du Punisher et de Barracuda - et un dernier - mineur - autour d'une protagoniste-clé. Il renforce la dichotomie psychologique entre le Punisher, dont les pensées sont noires, fatalistes, détachées, mais lucides, et Barracuda, à qui il faut un choc pour revenir sur ses propres origines, les revivre, sans pour autant pleinement parvenir à les accepter. La partie graphique est réussie, malgré des styles différents, et ce bien que les deux artistes évoluent dans un registre semi-réaliste. Chaykin utilise des contours épais. L'expressivité de ses visages est parfois forcée. Son Castle est fatigué, traits tirés et yeux cernés. Ses arrière-plans sont détaillés. Les inserts rendent le découpage dynamique. Mais Barracuda, c'est surtout Parlov ; plus caricatural, le coup de crayon est plus rond, le quadrillage, cinématographique. Ses fonds de cases sont moins fournis. 
La traduction est de Nicole Duclos. Elle utilise une langue familière qui sied à l'atmosphère de la série et à laquelle les lecteurs se sont habitués. L'éditeur regroupe les couvertures originales à la fin ; il aurait pu les insérer au début de chaque chapitre. 

"La Longue Nuit froide", c'est un impitoyable choc des titans, un affrontement sans merci saturé de haine viscérale, d'instinct de survie et de testostérone, ainsi qu'une apothéose de sauvagerie ; c'est assurément l'un des sommets absolus de cette série. 

Mon verdict : ★★★★

Barbüz
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2 commentaires:

  1. Un des sommets absolus de la série: 100% d'accord, et en plus Howard Chaykin est un de mes conteurs préférés en tant que dessinateur, et encore plus en tant que scénariste. Lui et Ennis ont collaboré pour une minisérie complète : War is Hell, la guerre c'est l'enfer (publié par Panini en 2009), mettant en scène Karl Kaufmann, un personnage Marvel évoluant pendant la première guerre mondiale. Un jeune pilote idéaliste découvre que la guerre n'a rien de chevaleresque, que les hauts faits de guerre doivent plus à la chance (voire aux maladies vénériennes, passage très sarcastique) qu'à des prouesses guerrières et que la mort est définitive.

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    Pour autant, les dessins de Parlov m'avaient quand même plu :

    Après cette leçon de bande dessinée de l'épisode 50, les illustrations de Goran Parlov semblent très fades dans les premières pages. Il revient avec son style dépouillé, plus esquissé et plus lâche que celui de Chaykin. Passé le moment délicat de la transition, l'efficacité du style brut de Parlov fait des merveilles. L'animalité vicieuse de Barracuda affleure dans chacune de ses expressions. Parlov lui rend ses dents gravées, sa carrure d'armoire à glace et sa musculature gonflée à l'hélium. Sa mise en page repose souvent sur des cases de la largeur de la page. Le scénario d'Ennis regorge d'ultraviolence que Parlov n'a aucun mal à mettre en scène avec une gestion parfaite de l'exagération visuelle de certains éléments pour des touches d'humour très noir, ou au contraire des images factuelles pour laisser la priorité au scénario. Le combat final entre Castle et Barracuda a bien lieu et c'est un massacre, une tuerie, une boucherie ignoble que le style de Parlov accentue jusqu'à la nausée du lecteur. Il est tout aussi à l'aise lors de moments tout aussi difficiles à mettre en images : les souvenirs d'enfance de Barracuda (mise en page sèche et spartiate pour un impact maximal), les dialogues entre Barbara et Castle, etc. Parlov semble avoir fait une petite fixette sur Gillian Anderson (Dana Scully des X-Files) car Barbara semble avoir son visage.

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    1. Pour moi, Barracuda, c'est Parlov. Celui de Chaykin est bien, mais le personnage n'appartient qu'à Parlov. Il n'y a que lui pour retranscrire les émotions sur le faciès de cette brute, et pour générer cette espèce de sympathie coupable et contre nature que le lecteur a fini par ressentir pour ce colosse au fil des histoires.

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