Bien que numéroté "un", "Hydrologie" est le second des cinq volumes de la série qu'Urban Comics a consacrée à Batwoman (il y a en effet un tome "zéro"). Il est sorti en août 2012 dans la collection DC Renaissance de l'éditeur. Cet ouvrage (format 17,5 × 26,5 cm) à la couverture cartonnée comprend quatre-vingt-cinq planches, approximativement. Sommaire : les versions françaises des "Batwoman" #0-5, publiés entre janvier 2011 et mars 2012 en VO.
Cet album contient un premier chapitre suivi d'un arc en cinq parties, "Hydrologie" ("Hydrology" en VO). Greg Rucka ayant quitté le navire, les scénarios sont écrits par J. H. Williams III et W. Haden Blackman, connu pour son travail sur "Star Wars". Le nº0 est illustré par Williams et par Amy Reeder, dont Richard Friend encre les cases ; Williams dessine et encre l'arc. Dave Stewart (neuf Eisner, dont un pour "Batwoman") en compose la mise en couleur.
À l'issue du tome précédent, une fois le tueur Cutter sous les verrous, Bette Kane vient rendre visite à sa cousine ; elle l'informe de son intention d'endosser à nouveau son costume de Flamebird.
C'est la septième nuit que Batman prend Batwoman en filature. Il n'est pas encore parvenu à confirmer son hypothèse, celle que Batwoman et Kate Kane ne sont qu'une seule et même personne. Il a noté qu'elle avait passé sept jours à identifier ses cibles ; il va donc avoir l'opportunité d'évaluer ses aptitudes au combat. La justicière s'attaque précisément à une brigade de membres du Culte du Crime, encadrée par Sœur Section. Quand Batman ne suit pas Batwoman la nuit, il suit Kate Kane le jour sous plusieurs déguisements : celui de l'ouvrier municipal lorsqu'elle vient fleurir les pierres tombales de sa mère et de sa sœur ; celui du sans-abri qui s'installe à l'entrée du bâtiment Kane ; celui d'un client de la boîte de nuit où sort danser et draguer ; ou celui du rat de bibliothèque lorsqu'elle et sa cousine empruntent certains livres...
Voilà un arc abouti et captivant dans lequel les auteurs mêlent habilement plusieurs sous-intrigues afin de maintenir en éveil l'attention des lecteurs ; cela fonctionne. Les scénaristes explorent le registre de l'épouvante, avec une histoire d'enlèvements d'enfants, puis tiraillent Batwoman entre deux feux, deux parties qui s'intéressent à ses talents et se les disputent, achevant d'asseoir la crédibilité d'une justicière encore récente. La vie familiale et sentimentale de Kate demeure tumultueuse, entre son père, sa cousine et son idylle naissante avec le lieutenant Sawyer. La lutte contre le Culte du Crime a été reléguée en toile de fond, ce qui permet à ceux qui n'ont pas connaissance des événements de "52" de ne pas être submergés. Cet entrelacs de tribulations empêche toute linéarité narrative, d'autant que toutes les séquences ne sont pas focalisées sur Kate Kane / Batwoman : certaines le sont sur Maggie Sawyer, d'autres sur les membres du DEUS, et le #0 est entièrement conté à la première personne par Batman. Le ton est mature, sérieux et sombre, mais les auteurs laissent une porte ouverte à de légères pointes d'humour noir, en témoignent le directeur Bones et ses improbables cravates. Il est ici évident que les scénaristes ont voulu mettre l'héroïne à l'épreuve de la tentation ; la scène où un parallèle est établi entre la torride nuit d'amour (plutôt osée, pour un éditeur conservateur comme DC Comics) et le passage à tabac de l'acolyte (N.B. : faites le lien entre le veston du monstre et celui du voyou que poursuit Batwoman dans la première planche du tome précédent, "Élégie") pousse à son paroxysme le thème des difficultés relationnelles et des incompréhensions radicales qui peuvent surgir entre un super-héros et son partenaire ; cette incommunication ("je-t'entends-mais-je-ne-t'écoute-pas") et ce rejet sont lourds de conséquences. Les planches de Reeder sont tout à fait honorables, mais c'est Williams qui assure le spectacle et qui déploie son talent hors norme : planches et doubles pages d'un haut niveau se succèdent dans un quadrillage créatif et sophistiqué, ce qui n'empêche pas la clarté du découpage. La couleur de Stewart sublime le travail du dessinateur et achève d'affirmer la forte identité graphique de ce titre.
La traduction est confiée à Thomas Davier, l'un des meilleurs professionnels du circuit, à mon avis. Son texte est particulièrement soigné : ni faute ni coquille. Un petit détail : dans le second chapitre, une incohérence entre vouvoiement et tutoiement.
Malgré une pirouette scénaristique, voilà un arc aux sous-intrigues habilement menées, avec des personnages secondaires réussis, des enjeux d'ampleur, des actes dont les conséquences comptent, et qu'une partie graphique de haut vol vient couronner.
Williams qui assure le spectacle et qui déploie son talent hors norme : je n'aurais pas dit mieux. C'est même parfois un peu déconcertant ce décalage qui saute aux yeux entre le niveau de sophistication de la narration visuelle et l'histoire proprement dite.
RépondreSupprimerLes couleurs de Stewart : 100% d'accord également, un travail pourtant intimidant pour être au niveau de Williams III.
PS : pareil des liens ont sauté dans le 2ème §, mais pas tous, bizarre...
Oui, c'est ce dont nous parlions la fois dernière ; Williams est capable de sublimer un scénario excellent et d'embellir un scénario moyen. Cela peut être autant un avantage qu'un inconvénient, selon qu'on se place du point de vue de l'éditeur, du scénariste, ou du lecteur.
SupprimerMerci de m'avoir à nouveau signalé les mauvais liens.