samedi 7 novembre 2020

Durango (tome 5) : "Sierra sauvage" (Soleil ; janvier 1985)

"Durango" est une série de western spaghetti lancée en 1981 par le Belge Yves Swolfs, célèbre également pour "Dampierre", "Légende", "Le Prince de la nuit", etc. "Durango" sera d'abord publié par Les Archers puis par Dargaud, Alpen Publishers, Les Humanoïdes associés, et enfin par Soleil (du groupe Delcourt) depuis 2003. La maison continue la publication et a réédité la somme. Si Swolfs a réalisé les treize premiers numéros en solo, ou parfois avec un coloriste, il s'est fait remplacer au dessin à partir du quatorzième album, "Un pas vers l'enfer" (de 2006).
"Sierra sauvage" est le cinquième volet de "Durango" ; c'est un recueil cartonné grand format (30,0 × 23,0 cm) de quarante-six planches. Il est d'abord sorti aux Archers en janvier 1985, sans prépublication ; Swolfs en écrit le scénario, et produit les dessins et l'encrage, ainsi que la mise en couleur - à confirmer. 

À l'issue du tome précédent, Durango échappe à son exécution, un simulacre de duel mis en scène par Logan : Siringo et ses hommes interviennent à temps et arrêtent Durango et Jenkins. 
Une prison fédérale sous le soleil du Nouveau-Mexique. Voilà trois mois que Durango y est incarcéré et attend sa pendaison. Aujourd'hui, trois gardiens sont venus le chercher ; il traverse la cour, encadré par ses gardes-chiourme. Sur la gauche, cinq ouvriers installent un gibet. Le prisonnier marche jusqu'au bâtiment central ; l'un de ses gardiens lui ordonne alors d'entrer. Trois notables en costume patientent dans le bureau du directeur du pénitencier ; ce dernier le présente à ses invités et lui offre un cigarillo. Puis il parle sans ambages : ces messieurs veulent lui proposer un moyen d'échapper cette potence érigée dehors. L'un d'eux, Webster, s'explique : ils représentent le gouverneur du Texas, qui cherche quelqu'un capable d'accomplir "une mission délicate". Ils ont pensé que Durango conviendrait... 

"Sierra sauvage" s'intègre dans un triptyque qui est, jusqu'ici, l'arc le plus ambitieux de Swolfs pour "Durango". Cela ne l'exempte pas de défauts pour autant, car il y en a plusieurs. Tout d'abord, dans la narration. Le poids de la linéarité est flagrant à plusieurs endroits. Cela est sans doute dû au fait qu'il n'y a que deux fils narratifs. En outre, certaines scènes sont prévisibles, alors que d'autres ont un goût prononcé de déjà-vu. Deuxio, les caractérisations. Le principal intéressé se fait voler la vedette par d'autres protagonistes, qu'ils soient du "bon" ou du "mauvais" côté de l'histoire : par exemple Maximilian von Ruhenberg, un aristocrate intransigeant qui bout d'une colère inextinguible envers ceux qui oppressent les péons ; Luis Ortega, un colosse haut en couleur dont la force n'a d'égale que le courage ; et même le machiavélique Logan, qui garde son flegme et s'avère fin stratège et clairvoyant. Les répliques laconiques de Durango pourront lasser ; le mercenaire itinérant en est réduit à un rôle de pistolero adroit au revolver, à la mitrailleuse et avec des bâtons de dynamite, qui ne sert que de moyen et de rien de plus à la cause des rebelles mexicains. Swolfs ne prend guère la peine de développer cette forme d'amitié naissance entre Amos et lui, dont les lecteurs avaient été témoins dans le tome précédent ; le manque de charisme et de leadership d'Amos lui-même déçoit terriblement dans cet album. Swolfs a ensuite cédé à l'exagération, presque à la caricature - sans franchir la limite, toutefois - pour certains des personnages : le capitaine Ortiz et son sadisme ; ou ce Larenza, qui refuse d'interdire le viol à ses hommes, etc. Les dialogues ne sont pas particulièrement inspirés et sont moins creusés que dans les autres volumes, à part une discussion très intéressante - mais courte - entre Maximilian et le colonel de la Cruz. Enfin, la partie graphique pâtit d'outrance dans l'expressivité des visages - Swolfs multiplie les yeux et les bouches grands ouverts pour traduire l'angoisse - ainsi que dans la représentation visuelle de la violence - la machette plantée dans le crâne ; les impacts des projectiles et le sang qui gicle abondamment des blessures, au détriment du réalisme. Le découpage narratif est maîtrisé et les enchaînements sont d'une grande lisibilité que ne vient pas gêner le dynamisme du quadrillage : belle diversité des dimensions des cases, utilisation d'inserts, etc. Et c'est tant mieux, car ces planches sont explosives et bourrées d'action. La mise en couleur propose une palette de tons qui convient à l'environnement désertique et rocailleux de ce cadre. 

"Sierra sauvage" est un album dans lequel parlent le feu et la poudre. Ses plus grosses faiblesses résident dans les caractérisations - notamment dans celle de Durango, qui est ici complètement effacé - ainsi que dans les dialogues, souvent peu inspirés. 

Mon verdict : ★★★☆☆

Barbüz
Les BD de Barbüz : sur Facebook

2 commentaires:

  1. Durango en est réduit à un rôle de pistolero adroit au revolver, à la mitrailleuse et avec des bâtons de dynamite. - Cela m'évoque la parti pris de certains scénaristes pour Punisher où il n'est plus qu'un dispositif narratif pour résoudre le conflit. Je peux comprendre qu'un scénariste estime que son personnage est unidimensionnel et qu'il le mette en scène en cohérence avec cette caractéristique, mais tu fais bien observer que Durango n'est ni surexploité, ni aussi unidimensionnel.

    Peut-être y aura-t-il des conséquences sur sa personnalité à plus long terme ? Peut-être que l'auteur voulait réaliser un album plus Action ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Cette déception a été amplifiée par quelques commentaires très enthousiastes que j'ai lus çà et là et qui présentaient souvent cet arc comme le sommet de la série. J'ai hâte de lire le dernier volet de l'histoire pour passer à une autre, dans laquelle Durango récupèrera un premier rôle.

      Supprimer