Publié dans la collection "DC Renaissance" d'Urban Comics en août 2015, "Batman impossible" est le troisième des sept albums du "Batman & Robin" de la "Renaissance DC" ("The New 52"), démarche de DC Comics lancée en 2011 pour rafraîchir son univers. Cet ouvrage format 17,5 × 26,5 cm à couverture cartonnée compte environ cent pages. Il contient les versions françaises du "Batman and Robin Annual" (volume 2) #1 (de mars 2013) - déjà au programme de "Batman : Anthologie" (Urban Comics ; décembre 2013) - des "Batman and Robin" (volume 2) #15 à 17 (février à avril 2013).
Peter Tomasi écrit les scénarios de tous les numéros. L'Indonésien Ardian Syaf illustre le numéro annuel ; sa carrière d'illustrateur de comics prend fin en avril 2017, lorsque les œufs de Pâques antichrétiens et antisémites qu'il dissimulait dans ses planches sont dénoncés. Patrick Gleason signe les dessins des 15-17. L'encrage est réparti entre Vicente Cifuentes (l'annuel), Mick Gray, et Keith Champagne. John Kalisz réalise l'intégralité de la mise en couleur.
À l'issue du tome précédent, après avoir vaincu le Saturn Club, Batman et Robin ont un échange houleux. Batman s'émeut lorsque son fils lui donne une perle retrouvée du collier de Martha Wayne.
Gotham City, une nuit. Batman affronte une armure robotique, un appareil construit avec du matériel militaire volé. Il en extrait le pilote par le col : un adolescent qui implore sa pitié et le supplie de ne rien dire à son père sous peine d'être "tué" par celui-ci. Batman l'informe que la police est en route ; il ordonne au garçon de tout leur avouer, sinon il le retrouvera et fera en sorte qu'il soit obligé de "manger avec une paille" pour le restant de ses jours. Le lendemain, Bruce Wayne est réveillé par son majordome : Alfred ouvre les rideaux, dévoilant une journée ensoleillée et une vue imprenable sur la ville. Bruce souhaite continuer à dormir, mais Alfred lui annonce qu'il est midi ; le petit-déjeuner est servi...
À l'instar du second recueil, le contenu de "Batman impossible" a été réalisé pour coller aux développements du "Batman" de Scott Snyder. Tomasi doit donc écrire une intrigue destinée à être rattachée au "Deuil de la famille" : ce sont les nº15 et 16. Dès lors, le reste pourrait être considéré comme du remplissage afin de permettre à l'éditeur de commercialiser un album cartonné, mais ce contenu-là s'avère finalement bien plus captivant que les deux épisodes connectés au "Deuil de la famille". Par exemple, l'annuel dévoile quelques anecdotes romantiques sur le couple formé par Thomas et Martha Wayne ; c'est une histoire intelligence et amusante (avec Damian qui singe les attitudes et les répliques de son père), dont l'objectif est d'étoffer cette relation père-fils hors norme, et qui éloigne les lecteurs des rues de Gotham City en les faisant voyager en Europe sur les traces des Wayne. S'ensuivent les deux chapitres dans lesquels Robin se retrouve face au Joker ; à lire avant le dénouement du récit principal (confer "Le Deuil de la famille"), même s'ils sont aussi verbeux que redondants. Leur unique originalité est l'approche qu'en ont Tomasi et Gleason, en en tirant le registre du côté de l'horreur et de l'épouvante, avec quelques scènes-chocs et un affrontement - prévisible - telle une allégorie du paroxysme de cette rivalité à peine latente entre Damian et Bruce. Le dernier épisode (le #17) consiste en un parallèle plein d'imagination et de tendresse entres les rêves de Bruce, de Damian et d'Alfred, avec les trouvailles visuelles de Gleason. L'artiste produit une partie graphique de haute volée, créative, et inspirée ; l'expressionnisme de son trait, alimenté par l'abondance d'aplats de noir, se marie avec bonheur à une talentueuse transcription de la variété des émotions. La mise en couleur, qui engendre l'émergence d'une ambiance nocturne idéale pour les planches de Gleason - plus que pour celles de Syaf - et qui prouve à quel point Kalisz maîtrise les contrastes, est essentielle à cette réussite. Syaf opère dans un style plus réaliste, qui allie classicisme dans la forme et modernité dans le découpage et le quadrillage : des cases aux dimensions souvent biscornues lors des séquences d'action, et une utilisation fréquente de l'incrustation.
La traduction d'Alex Nikolavitch est tout à fait satisfaisante ; globalement, le texte a été soigné. Il y a une petite faute d'accord, néanmoins : "[...] les hyènes s'étaient servi le maître d'hôtel", sans "s" à "servi", "se" étant un complément d'objet indirect.
Le talent de Tomasi est à nouveau muselé par des impératifs éditoriaux. Et après la promesse de "Tueur né", les lecteurs piaffent d'impatience pour la seconde fois. Ils tromperont leur ennui en admirant les planches de Gleason et en attendant la suite.
Mon verdict : ★★★☆☆
Le reste pourrait être considéré comme du remplissage afin de permettre à l'éditeur de commercialiser un album cartonné, mais ce contenu-là s'avère finalement bien plus captivant que les deux épisodes connectés au "Deuil de la famille". - Exactement le même jugement de valeur que toi en ce qui me concerne.
RépondreSupprimerJ'ai trouvé que Peter Tomasi est vraiment très en forme pour cette série, avec plusieurs idées de développement au sein de cette série satellite de la série Batman. Il s'attache à intégrer avec douceur ses récits dans la continuité. Par exemple dans ce tome, il fait honneur à l'épisode 666 de la série Batman au cours du numéro annuel. Lors de la confrontation entre le Joker et Robin, il n'oublie pas non plus leur première rencontre. Deuxième axe de développement : la relation entre Bruce Wayne et Damian Wayne. Évidemment c'est dans le titre de la série. Troisième bonne idée : celle que tu mets aussi en avant, de laisser la place à Patrick Gleason pour s'exprimer et c'est un plaisir visuel.
Après deux tomes d'autant plus ennuyeux qu'ils succédaient à la promesse de "Tueur né", j'ai maintenant hâte de relire les épisodes des tomes 4 et suivants, qui m'avaient emballé lorsque je les avais lus dans le magazine Batman Saga.
RépondreSupprimerJe dois avouer que ces impératifs éditoriaux de liens entre un arc et ses épisodes connexes m'agace prodigieusement. Il faut vraiment tout le talent de Tomasi et Gleason pour tirer le meilleur parti de ces épisodes inutiles, en fin de compte.