"La Guerre des Robin" est le second volume du "Batman & Robin" de la "Renaissance DC" ("New 52"), une démarche de DC Comics pour rafraîchir son univers et relancer ses séries au #1. Cet album à couverture cartonnée d'environ cent quarante-cinq planches (hors bonus) a été publié dans la collection "DC Renaissance" d'Urban Comics en novembre 2014 ; il inclut les "Batman and Robin" #0 et 9 à 14 (novembre 2012 puis de juillet 2012 à janvier 2013).
Peter Tomasi écrit les scénarios. Patrick Gleason réalise les dessins du #0 et des #10 à 12, et cosigne les #13 et 14 avec l'Argentin Tomás Giorello, tandis que le #9 est confié à Lee Garbett et Andy Clarke. Outre Giorello, l'encrage est réparti entre Mick Gray (il obtint un Eisner en 2001 pour "Promethea"), Ray McCarthy, Keith Champagne, ou encore Tom Nguyen. John Kalisz produit la mise en couleur dans son entièreté ; il se fait aider par Allen Passalaqua au #11. Tomasi et Gleason ont déjà travaillé ensemble, entre autres sur "Green Lantern Corps: "Blackest Night" et "Superman".
À l'issue du tome précédent, Alfred interdit toute sortie à Bruce et Damian après le combat contre Personne. Tandis qu'ils jouent au base-ball dans les jardins, le Bat-Signal s'illumine dans le ciel.
Un an et demi plus tôt, sur une île de l'océan Atlantique. Il fait nuit et la lune est pleine. Damian, armé d'un katana dans chaque main, y affronte trois ninjas de la Ligue des Assassins. Il en élimine un premier puis se débarrasse des deux autres, à chaque fois en un coup. Une ombre passe sur son visage : une créature du commando Man-Bat fond sur lui. Damian commence à courir, mais la bête le saisit par le dos d'une patte et prend de l'altitude. Damian l'étourdit d'un coup de talon au menton et lui sectionne ses bras ailés, lui arrachant ainsi un cri de douleur ; sans se soucier de sa chute libre, il déclare en s'adressant calmement à sa mère que l'heure est venue, et qu'il n'y aura plus de secrets entre eux...
Le contenu de cette "Guerre des Robin" semble avoir été réalisé afin de coller à l'actualité du "Batman" de Scott Snyder ; c'est l'une des grandes plaies de l'industrie du comics, au côté des continuités encombrantes, des interminables événements croisés ou de l'instabilité des équipes artistiques. Ici, Tomasi doit produire un épisode se rattachant à "La Cour des Hiboux", et deux autres au "Deuil de la famille". N'ayant ni le temps ni l'espace suffisant pour commencer un arc d'ampleur au milieu de tout cela, il écrit "Terminus", un récit en trois parties. Autant le dire tout de suite : ce tome est bancal, et, surtout, "La Guerre des Robin" n'aura pas lieu. Quel dommage ! Damian, après avoir mis Batman en position inconfortable, s'attaque au reste de la famille en défiant les Robin, comme un ver dans le fruit éprouvant la cohésion déjà fragile de la Bat-Famille. Il n'en sort que des confrontations bien écrites, mais trop fugaces. Prometteuse, l'idée s'achève en pétard mouillé, en montagne qui accouche d'une souris. Et pourtant, ce volume commençait plutôt bien, avec un retour sur les "origines" de Damian, et la route vers cette première rencontre avec son père telle qu'elle est contée par Grant Morrison dans "L'Héritage maudit". Si l'épisode connecté à "La Cour des Hiboux" (#9) est honorable (Damian est là au sommet de sa forme), "Terminus" est un arc très ordinaire : des super-vilains veulent détruire Gotham. Ce qui est novateur, c'est de présenter ces nouveaux adversaires comme un groupe de "gueules cassées" de la grande guerre de Batman contre le crime. L'enjeu, en revanche, est trop important pour être crédible. L'histoire suivante, avec le Club Saturne comme antagoniste, abaisse le niveau moyen d'une série de numéros qui explorent le registre horrifique, entre zombies et monstres de foire. Avec quatre dessinateurs et des styles différents, la partie graphique est trop hétérogène, d'autant que Gleason s'est approprié ce titre, pour lequel il a créé une identité visuelle dès le premier volume. Garbett produit un trait classique et efficace, et celui de Giorello est très expressif ; néanmoins, ils font pâle figure à côté des compositions sophistiquées de Gleason. Quant à Clarke, il n'intervient que pour une analepse en double page (nº9).
La traduction d'Alex Nikolavitch est honorable ; le texte comprend deux fautes. Il y a un anglicisme : "vigilant", dans la présentation des personnages, est un adjectif ; "justicier" aurait dû lui être préféré. Dans les bonus : des esquisses signées Gleason.
Après "Tueur né", "La Guerre des Robin" ne peut que décevoir. Le scénario ne tient pas les promesses de l'idée de départ. Hormis les origines de Damian, le contenu est plutôt moyen ; et puis, Gleason apporte trop au titre pour le partager avec d'autres.
Mon verdict : ★★★☆☆
Barbüz
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En découvrant ton article, je me suis aperçu que nus avions une appréciation similaire, mais pas identique. Il m'a fallu un peu de recul pour voir en quoi. Je pense que c'est lié au fait que je n'ai pas lu la série mère de Scott Snyder. Par exemple, je n'avais aucun investissement dans les Talons et l'épisode 9 ne m'est apparu que comme une obligation sans intérêt.
RépondreSupprimerJe pense aussi que c'est lié au fait que j'ai considéré cette série comme secondaire dès le début. D'un côté, Scott Snyder insuffle un renouveau dans Batman, avec sa vision personnelle. De l'autre côté, Peter Tomasi fait passer le temps en faisant vivre Detective Comics, en se concentrant sur la relation unissant le père et le fils, leur long apprentissage pour apprendre à se connaître. Mon horizon d'attente ainsi fixé, ce sont les épisodes 10 à 12 que j'ai préférés parce que Tomasi y a les coudées franches.
Le scénariste commence par introduire ce concept un peu bizarre de criminels portant les stigmates de leurs combats contre Batman, idée un peu ras-les-pâquerettes, mais habilement représentée par Gleason. En particulier la première page montre le visage d'un individu sur lequel les formes de la semelle de la botte de Batman sont incrustées. Gleason a la présence d'esprit de le dessiner de manière très prosaïque en insistant un peu sur l'encrage pour lui donner un air sinistre. Le lecteur peut donc accepter cet individu comme un homme marqué par le destin, mais également sourire intérieurement à l'idée loufoque de ce stigmate. Dans cet épisode, Patrick Gleason est en pleine forme, et le lecteur est à la fête. Tomasi met à nouveau en avant Damian Wayne qui a décidé de prouver par les faits qu'il est le meilleur de tous les Robin, en s'en prenant un à un à ses prédécesseurs. Gleason réussit à faire croire à ce gamin surdoué et buté, avec une des plus belles cases qui lui sont dédiées, assis en tailleur sur le fauteuil de Batman dans sa grotte, ou en train de siffloter en pilotant sa moto, après avoir cloué son bec à Jason Todd. Si le scénario perd vite en intensité dans la deuxième moitié de l'histoire, Gleason reste en pleine forme avec des images montrant un Batman imposant et massif, et un Damian Wayne futé, buté et pugnace.
Je pense que même les éditeurs chez DC Comics eux-mêmes considéraient cette série comme secondaire ; il était clair dès le départ que les feux de la rampe étaient tournés vers le run de Snyder, ses Hiboux, et son Joker. Je crois que ça continue dans le troisième tome, connecté au "Deuil de la famille", puis la suite, connectée à "Batman, Inc." En fait, cette série, à l'exception du premier arc, est très dépendante des autres, et Tomasi doit faire avec.
SupprimerJe trouve déjà que ces épisodes n'ont pas la même densité que l'arc précédent. La relation père-fils est moins exploitée. Il reste les planches de Gleason, évidemment.