lundi 28 décembre 2020

Monster (tome 2) : "Surprise Party" (Kana ; décembre 2001)

Publié chez Kana en décembre 2001 dans sa collection Big Kana, "Surprise Party" est le deuxième tome de la version française du manga "seinen" "Monster". C'est un ouvrage au format 12,8 × 18,0 cm, à couverture flexible, de deux cent huit planches en noir et blanc, qui se lit de droite à gauche. Au Japon, "Monster" fut prépublié en magazine, de 1994 à 2001, avant d'être édité en volumes reliés de 1995 à 2002. En France, "Monster" est sorti en dix-huit volets entre 2001 et 2005, réédités, entre 2010 et 2012, en une intégrale en neuf recueils, de deux tomes chacun. 
"Surprise Party" a été entièrement réalisé (le scénario, les illustrations, l'encrage) par le Tokyoïte Naoki Urasawa. Urasawa est également connu pour "Yawara !" ainsi que "20th Century Boys"

À l'issue du tome précédent, Johann abat Yunkers sous les yeux de Tenma. Le médecin raconte son histoire à Runge, lors de sa déposition ; à sa sortie du commissariat, il a une crise de nerfs. 
République fédérale d'Allemagne, Land du Bade-Wurtemberg, la faculté de droit à Heidelberg. Monsieur Crohnekker interroge les étudiants de son cours magistral sur la justification du verdict du juge dans l'affaire de Stuttgart, en 1986. Mais en face, le silence de l'auditoire est assourdissant : la plupart des élèves baissent les yeux tandis que les autres font semblant de plonger les leurs dans leur livre ou de consulter leurs notes. Impassible, pince-sans-rire, le professeur les raille, jusqu'à ce qu'il décide de jeter son dévolu sur un dénommé Eimer. Gêné, le garçon bafouille. Les pas d'une course effrénée retentissent alors dans le couloir. Une jeune fille exténuée entre dans la salle et présente ses excuses. Crohnekker salue leur "habituelle retardataire" ; cette fois-ci, son travail de livraison de pizzas lui aura pris plus de temps que prévu ! L'enseignant ne la laisse ni souffler ni se remettre et il l'interroge sur cette affaire de Stuttgart en 1986... 

Second volet de la série, et la réussite est là encore absolument éclatante. L'album est découpé en huit chapitres de vingt-six pages chacun. Le scénario est largement centré sur le personnage de Nina, la sœur jumelle de Johann, pétulante, dynamique, pleine de vie ; après un flamboyant premier tome, cela permet à l'auteur d'éviter les redites et de s'attarder de manière trop sensible sur son docteur Tenma. Ce dernier commence à montrer quelques légères altérations physiques : une silhouette un peu plus voûtée, et une barbe de trois jours. Il mène son enquête avec ténacité, voire avec abnégation : la réparation de sa propre erreur l'obsède. Le chirurgien ne se contente pas de sauver les vies ; dans certains cas, il les métamorphose, il les change, il les embellit. Urasawa rapproche ainsi Tenma de l'archétype du héros itinérant sans attaches, du solitaire au grand cœur, qui se lance dans une quête vitale à la suite d'un drame personnel. Cette mission, car c'en est une, l'amène à rencontrer des individus de tout genre, et c'est là qu'Urasawa est extrêmement doué, tant ses créations semblent évidentes ; il y a cette mamie bavarde, gourmande, télévore, avide d'énigmes policières ; cet ancien sous-marinier de la Kriegsmarine, aussi austère que lucide ; les Fortner, les parents adoptifs de Nina, qui s'accrochent désespérément à un rêve, mais qui vivent dans la hantise de le voir basculer de façon irrémédiable ; Jacob Maurer, ce journaliste qui se laisse aller, et qui ne vit que pour son métier ; Hugo Bernhardt, ce taciturne maître d'armes qui a recueilli une petite fille birmane. Autre facette du génie d'Urasawa : l'atmosphère. L'auteur a le don de passer de la légèreté (Nina et ses amies) à la tension, voire à l'angoisse en un minimum de cases. Son travail sur la partie graphique joue un rôle majeur dans ce processus, surtout grâce à l'expressivité très développée des protagonistes et par la manière dont l'artiste les met en exergue, par exemple par des (très) gros plans ou par une utilisation habile des contrastes expressionnistes entre ombre et lumière. Comme le précédent, ce tome bénéficie d'un boulot très abouti sur les décors (extérieurs et intérieurs) et sur les véhicules. Le découpage - presque cinématographique - est irréprochable. 
La traduction a été confiée à Thibaud Desbief. À moins d'être japonisants accomplis, les lecteurs ne pourront comparer avec le matériau d'origine. Le texte de Desbief est soigné, sauf l'une ou l'autre tournure qui ne sonne pas tout à fait naturellement. 

Urasawa transforme son essai dès le second tome. Il faut garder les nombreux meurtres à l'esprit afin de ne pas se perdre dans les dialogues ou le scénario. Cet album absolument passionnant est servi par une partie graphique à l'efficacité redoutable. 

Mon verdict : ★★★★★

Barbüz
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2 commentaires:

  1. Un article à 5 étoiles : cela faisait un petit moment que ce n'était pas arrivé... depuis le tome 1 de la série en fait.

    Je retrouve dans ton commentaire tout ce qui m'a enthousiasmé à la lecture de cette série que je n'avais pas fini. Urasawa a également un sens de la construction narrative qui instaure un suspense imparable, avec un rythme soutenu sans être frénétique. Je me souviens que j'éprouvais de réelles difficultés à ne pas enchaîner chapitre sur chapitre.

    Il faut garder les nombreux meurtres à l'esprit afin de ne pas se perdre dans les dialogues ou le scénario. - C'est ce qui m'a conduit à faire une pause avec dans l'idée de reprendre ma lecture quand j'aurai plusieurs tomes d'avance car je les achetais au fur et à mesure de leur parution. Finalement, je n'en ai pas repris la lecture.

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    1. Effectivement, cinq étoiles. Jusqu'à présent, je me régale. Je ne sais pas combien de temps cet état de grâce va durer, mais peu importe, à vrai dire. Je ne pense pas lire énormément de mangas à l'avenir, peut-être quatre ou cinq titres ; il faut dire que j'ai commencé tard, alors autant faire à fond ceux que j'ai choisis. Après, je m'aperçois que je ne fais que quatre ou cinq tomes par an d'une série donnée, ce qui veut dire que j'en ai pour quelques années.

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