vendredi 15 janvier 2021

Blueberry (tome 25) : "Ombres sur Tombstone" (Dargaud ; novembre 1997)

Sorti aux éditions Dargaud en novembre 1997, "Ombres sur Tombstone" est le vingt-cinquième tome de "Blueberry". C'est un album de quarante-six planches, au format 22,5 × 30,0 centimètres et à couverture cartonnée. À l'origine, "Blueberry" avait changé de titre encore une fois : pour "Mister Blueberry". Finalement, Dargaud intégrera tous les épisodes de ce cycle dans la série "classique", qui compte désormais vingt-huit numéros. 
"Blueberry" est une série lancée par le scénariste belge Jean-Michel Charlier (1924-1989) et l'illustrateur français Jean "Gir" Giraud (1938-2012). Giraud, depuis le décès de Charlier, préside dorénavant seul aux destinées du titre. C'est là son second volume réalisé en solo en tant que scénariste, même s'il en produit également la partie graphique (les dessins et l'encrage). Enfin, c'est Florence Breton qui a composé la mise en couleur. 

À l'issue du tome précédent, Butch est abattu en duel par Wyatt Earp ; Tom Boone surprend Blueberry en train de quitter la salle de jeu, et lui tire, dans le dos, quatre balles de revolver. 
Tombstone, été 1881. Jonas Clum, le fondateur et propriétaire du Tombstone Epitaph, lit le bon à tirer du jour : "Un joueur professionnel abattu dans le dos". Il exprime sa désapprobation à Tom Dorsey, le directeur : cela ne justifie pas une édition spéciale ! Dorsey s'explique : il paraît que Blueberry était une "vraie célébrité". Mais Clum estime que l'ex-lieutenant n'était qu'un "minable plumeur de pigeons". Bien que Dorsey souligne encore que Blueberry était l'ami de Doc Holliday et de Wyatt Earp, Clum ne veut entendre parler que de Geronimo. Prescott, le patron du Dunhill Saloon, fait irruption dans le bureau. Il informe Dorsey qu'il y a du nouveau, et qu'il doit venir tout de suite au saloon. Clum et Dorsey le suivent, demandant ce qui urge à ce point. Prescott répond que Blueberry n'est pas mort... 

Voilà un album de transition qui suscitera la perplexité de certains fidèles. Pour faire court, il ne se passe presque rien au niveau de l'intrigue, mais la partie graphique est d'une qualité époustouflante, voire exceptionnelle. Il sera fortement recommandé de se remémorer ce qui est narré dans "Mister Blueberry". Assez rapidement, les lecteurs saisissent que ce n'est pas non plus dans ce volet que Blueberry jouera un rôle prépondérant. Alité, contant son histoire à l'écrivain John Meredith Campbell, il n'est même pas témoin des événements. Giraud parvient cependant à exploiter cette situation statique. Il fait d'abord germer les débuts de romance qu'il avait plantés dans le tome précédent, il n'y a plus de doute à ce sujet. Dorée Malone, chanteuse de cabaret, se métamorphose en infirmière particulière pour l'ex-lieutenant devenu joueur professionnel, pour une légende de l'Ouest qui vient de frôler la mort : c'est sans surprise, mais amené avec délicatesse et pudeur. Ensuite, l'auteur, utilisant un dispositif narratif de mise en abyme, évoque une page inconnue de la jeunesse de Blueberry, qui se déroule vraisemblablement en novembre ou décembre 1865 - selon les notes que Campbell a prises lors de leur entretien, Blueberry mentionne que la guerre de Sécession était terminée depuis huit mois, à ce moment-là - : la première rencontre avec Geronimo. L'intrigue correspond avec les faits historiques puisque le chef apache avait lancé une campagne de raids au Mexique, à l'époque. Ces pages, indubitablement, sauvent les lecteurs de l'ennui, car il n'y a décidément pas grand-chose qui se passe à Tombstone - bien que les derniers doutes quant à la nature des activités des Clanton et des McLaury soient dissipés ; mais là aussi, c'était attendu. Le chemin vers la fusillade de l'OK Corral est long et prend le temps de se déployer. Les fidèles de la série découvriront un scénario multidirectionnel dans lequel les intrigues sont multipliées pour faire durer le plaisir. En revanche, Giraud produits des planches exceptionnelles, à la fois réalistes, expressives, détaillées et variées. Retenons, entre autres, le local du journal, qui fourmille de petits objets qui apportent de la substance à l'endroit ; les chevauchées dans le désert impressionnant et spectaculaire ; la poursuite de la diligence, une pleine page en cinq plans avec un niveau de finesse qui rappellera les illustrations de Léon Benett (1839-1916) pour les romans de Jules Verne ; ou encore la scène du canyon où Blueberry plonge sur Geronimo. Enfin, il est possible que la mise en couleur de Breton ait été retouchée par Giraud. 

"Ombres sur Tombstone" est un prélude à la fusillade de l'OK Corral, qui revient sur la figure légendaire de Geronimo. Les lecteurs pardonneront aisément la lenteur du rythme d'un volet qui ne manque pas d'humour et à la partie graphique somptueuse. 

Mon verdict : ★★★☆☆ 

Barbüz
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3 commentaires:

  1. La partie graphique est d'une qualité époustouflante, voire exceptionnelle... mais que 3 étoiles : cela confirme que tu es pus scénario que dessins.

    De ce que je comprends de ton article, il faut voir si ce tome est plus à considérer comme un chapitre d'un tout, ce qui pourrait lui donner une autre valeur. Mais d'un autre côté, le considérer comme une unité fait sens pour moi, car au vu du rythme de parution des bandes dessinées franco-belge, c'est un pari significatif de se dire qu'on ne peut apprécier un tome qu'avec celui qui paraîtra d'ici un an ou deux, ou plus.

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  2. Possible que je sois plus scénario que dessins, oui. Mais disons que "Blueberry" c'est quand même un monument, et que Giraud sans Charlier ce n'est pas pareil. En fin de compte, je suis sûrement plus difficile, plus exigeant avec certaines franchises. Au risque de me contredire dans certains cas...

    Pour répondre à ton deuxième point, Blueberry est construit en cycles. Cela n'empêche pas d'avoir une approche par album, comme je le fais, tandis que d'autres verront le cycle dans son ensemble. Je préfère la première approche, car les albums constituant un même cycle peuvent être inégaux. En fait, je ne savais pas qu'il s'agissait d'un nouveau cycle à la lecture du premier volet. Cela justifie certains choix scénaristiques un certain rythme, mais n'influe pas sur ma perception.

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  3. Au risque de se contredire dans certains cas : j'ai conscience que c'est mon cas régulièrement. :)

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