mardi 2 février 2021

Harry Dickson (tome 5) : "L'Étrange Lueur verte" (Dargaud ; janvier 1997)

"Harry Dickson"
 est une série de bande dessinée qui met en scène des aventures du personnage rendu célèbre par l'écrivain gantois Raymond De Kremer, alias Jean Ray (1887-1964) ; celle-ci - car il y en a deux autres, dont une produite par Richard Nolane et Olivier Roman - fut créée en 1985, par les Bruxellois Christian Vanderhaeghe et Pascal Zanon (1943-2017). "Harry Dickson" sera leur unique tentative réussie en bande dessinée. 
"L'Étrange Lueur verte" est le cinquième numéro (la série peut être considérée comme finie) ; c'est un ouvrage cartonné de quarante-six planches, paru chez Art & BD, une diffusion Dargaud, en janvier 1997. Le scénario est écrit par Vanderhaeghe. Les illustrations sont réalisées par Zanon. Il travaillera sur le titre jusqu'en 2014, avant de transmettre le témoin à Philippe Chapelle. La mise en couleur est signée par Françoise Gabriel

Atlantic City, par une belle journée ensoleillée de 1939. Sous l'œil attentif du photographe, deux bolides s'affrontent sur le circuit automobile privé du milliardaire David Siegram, à côté de la mer et derrière les dunes. La Golden Arrow, de couleur dorée, est pilotée par Ray Gun, et la Sunbeam 1000 hp, la "Mystery Car" rouge écarlate, par Song. Les voitures entament la ligne droite finale. Song écrase le champignon afin de rattraper son adversaire. Amusé, Gun entretient le suspense pendant quelques secondes avant de réussir à coiffer la Sunbeam de Song au poteau. Quelques instants plus tard, tandis que Gun et Song devisent sur les évolutions technologiques dans le domaine de la course automobile, David propose à Harry Dickson de défier Gun, mais avec d'autres véhicules. Le détective est ravi. Quelle idée géniale que ces joutes au volant des engins des records de Segrave et Campbell ! Dickson conduira la Campbell-Napier-Railton Blue Bird ; Gun, la Mercedes-Benz T80, celle de Rudolf Caracciola. Les fusées rejoignent la ligne de départ... 

"L'Étrange Lueur verte" est l'adaptation de la nouvelle éponyme publiée en 1932 dans le quatre-vingt-dix-huitième des cent soixante-dix-huit volumes de la série. Faut-il encore parler d'adaptation d'une nouvelle de Jean Ray ? Beaucoup de points communs demeurent ; le cœur de la trame - des technologies qui tombent aux mains de personnes mal intentionnées - est le même, mais Vanderhaeghe a pris des libertés avec le matériau d'origine, par exemple en transposant l'intrigue au Nouveau Monde, New York remplaçant Londres. Autre différence avec les victimes des criminels : ce ne sont pas celles du roman. Le scénariste, enfin, fait la part belle à la mécanique, avec ces automobiles conçues pour battre des records de vitesse et ces avions futuristes très en avance sur leur temps. Quoi qu'il en soit, les deux grandes menaces de "L'Étrange Lueur verte" sont réutilisées, l'arme proprement dite, ainsi que ces créatures contre-nature - moitié zombies moitié robots - surprenantes pour l'époque. Les événements s'enchaînent en une narration rapide et condensée, dans laquelle il n'y a guère d'interruption. Les affrontements avec l'ennemi se succèdent, au-dessus de l'Hudson, dans le quartier chinois, dans la propriété de Ray Gun, dans le ciel de Manhattan. Certains lecteurs pourront trouver ce chapelet de combats éprouvant, tant Vanderhaeghe passe de l'un à l'autre et privilégie l'action à outrance sans travailler les émotions ni approfondir les relations. Aucun duel psychologique ici, uniquement des fusillades, ou des joutes aériennes. L'ennui ressenti culmine lors des laborieuses explications du professeur Arcari, qui se livre à un véritable déballage de charabia scientifique hautement indigeste. À tout cela s'ajoute la partie graphique de Zanon, dont les faiblesses de style sont de plus en plus flagrantes au fil des numéros : des visages sans relief, qui souffrent d'un panel bien trop limité d'expressions, et un manque évident de souplesse dans les postures des personnages. En revanche, l'artiste compense par d'autres qualités. Entre autres : un découpage parfaitement limpide du début à la fin, un quadrillage simple, qui rend la lecture aisée, et surtout un soin maniaque apporté aux véhicules, les quatre bolides de course de l'introduction, mais aussi les automobiles, les avions de chasse, les blindés et les navires, sans oublier les bâtiments, ou la salle des machines de la villa de Ray Gun. Un mot supplémentaire, au sujet de la mise en couleur : les teintes appliquées sont souvent criardes, et créent une impression de saturation. Le choix des tons pourra susciter la perplexité. 

Globalement décevant, "L'Étrange Lueur verte" est dans la lignée des tomes précédents de la série, dont il est représentatif des défauts et des qualités. Enfin, c'est un volume dont certains passages rappelleront invariablement "Le Secret de l'Espadon"

Mon verdict : ★★☆☆☆ 

Barbüz 
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2 commentaires:

  1. Houlà ! Retour aux 2 étoiles.

    Faut-il encore parler d'adaptation d'une nouvelle de Jean Ray ? Au vu de ce que tu expliques ensuite, la question mérite d'être posée.

    Certains lecteurs pourront trouver ce chapelet de combats éprouvant. - Ta phrase m'a fait me souvenir de certains critiques qui regrettent les ventres mous d'un récit, comme s'il devait toujours se passer quelque chose, c'est-à-dire une action d'éclat à chaque page, au risque sinon de perdre l'attention du lecteur. J'ai parfois l'impression que ça a donné naissance à un sous-genre en soit : le récit d'action constant, où le défi est qu'elle ne faiblisse jamais.

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    1. "Le récit d'action constante, où le défi est qu'elle ne faiblisse jamais" : une belle formule. Je me souviens que nous avions déjà discuté d'une idée identique malgré des termes différents : celle de la notion de mouvement perpétuel, dans mon article au sujet de "Tintin au pays des Soviets". Après, il y a l'art et la manière de le faire, mais ce n'est pas le cas ici.

      C'est mon dernier "Harry Dickson" ; je crois que j'ai fait le tour de la question. Il n'est pas prévu que j'en lise d'autres.

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