vendredi 19 mars 2021

Batman et Robin (tome 4) : "Requiem" (Urban Comics ; février 2016)

Sorti dans la collection "DC Renaissance" d'Urban Comics en février 2016, "Requiem" est le quatrième des sept volets du "Batman & Robin" de la "Renaissance DC" ("The New 52"), démarche de DC Comics lancée en 2011 pour rafraîchir son univers. Cet ouvrage cartonné format 17,5 × 26,5 cm compte cent trente planches. Il contient les versions françaises des "Batman and Robin" (volume 2) #18 à 23 (de mai à octobre 2013). En fin de recueil figure un bonus vraiment intéressant : le script du #18 (de mai 2013), avec ses planches en noir et blanc, trente-sept pages de plus au total. 
Peter Tomasi écrit les scénarios. Patrick Gleason illustre tous les numéros à l'exception du #20 (juillet 2013), qu'il coproduit avec Cliff Richards, et du #21 (d'août 2013), entièrement confié à Richards. L'encrage est réparti entre Mick Gray, Mark Irwin et Marlo Alquiza. John Kalisz compose l'intégralité de la mise en couleurs. 

Un soir, au manoir Wayne, dans la chambre de Damian. Bruce est assis au coin du feu ; les flammes se reflètent dans son regard. À ses pieds gît Titus, le chien de son fils. Perdu dans ses pensées, Bruce observe le lit de Damian : un simple matelas, à même le sol. Dehors, le vent fait voler les feuilles ; un rouge-gorge ("robin") s'est posé sur la branche d'un arbre. Bruce ouvre un cahier de Damian. À l'intérieur, des croquis, réalistes et détaillés, d'animaux, d'oiseaux, d'insectes, de plantes, de fleurs, puis des portraits de lui-même et d'Alfred ; quelques pages plus loin, un dessin des pierres tombales de ses grands-parents Wayne. Il remarque une feuille volante : une liste de treize films américains ou britanniques, des années cinquante à nos jours, dont - entre autres - "Sur les quais", "La Fureur de vivre", "My Left Foot", "Luke la main froide", "Du silence et des ombres", "Lawrence d'Arabie" ou encore "La Canonnière du Yang-Tsé"... Une note collée en milieu de page : "Tu vas adorer. C.K." Alfred, lui, pleure devant un portrait de famille inachevé ; le corps de Damian n'a pu être terminé, hélas... 

Dans le "Batman, Inc." (volume 2) #8 (d'avril 2018), Batman perd son fils, Damian, alias Robin (V) ; Bruce Wayne va évidemment faire tout ce qui est en son pouvoir - et en celui des autres - pour le ramener à la vie. Si l'étape du choc est passée, celle de la résignation n'est ni acceptable ni envisageable pour le justicier, qui oscille donc constamment entre déni, colère, et tristesse. Le déni, ce sont ces risques fous que court Batman pour trouver la clé de la résurrection de son fils, quitte à s'attaquer à des alliés, même occasionnels. La colère, il l'exprime en se lâchant sur les malfrats de Gotham City : en rage, le Chevalier noir leur tombe dessus sans la moindre pitié et inonde le commissariat de ses prises. Les membres de la Bat-famille (Red Robin, Red Hood, Batgirl et Nightwing) tentent de le modérer, voire de le raisonner, ce qui donne lieu à une série de tandems avec un partenaire différent à chaque numéro. Idée intéressante, mais mal traitée : précisons que "Le Deuil de la famille" est passé par là, et que la méfiance perturbe fortement les relations entre Batman et ses alliés. Cela dérape trop souvent pour être crédible et éveille le scepticisme du lecteur. Enfin, la tristesse. Ce sont les plus belles scènes de cet arc, les plus intimes, les plus touchantes ; celles où le texte de Tomasi et les planches de Gleason se rejoignent le plus. Les objets, la douceur des souvenirs, la douleur de la réalité, les hurlements silencieux... Si la mort de Damian crée un véritable vide abyssal chez Bruce, ceux qui se sont attachés à lui, sans doute du fait de l'équilibre fragile entre ses défauts et ses qualités, constateront qu'il leur manque déjà cruellement. Le personnage de Carrie Kelley, pour conclure, n'apporte strictement rien d'intéressant à cette somme, si ce n'est un certain ennui, voire une forme d'agacement. 
Les planches de Gleason sont fabuleuses : un style semi-réaliste très expressif, mais sans outrance, qui se caractérise par un travail important sur les ombres (avec des aplats de noir marqués), un quadrillage original et moderne, une grande variété de plans, un découpage narratif irréprochable, une belle figuration du mouvement, et un niveau de détail très satisfaisant, sans surcharge inutile. Le trait de Richards est moins personnel et beaucoup plus classique et grand public. 
La traduction d'Alex Nikolavitch est d'une qualité remarquable : son texte a été soigné et ne comprend ni faute ni coquille. Néanmoins, il y a un anglicisme regrettable dans les bonus, "Faire sens" n'est pas français, "Avoir du sens" devra lui être préféré. 

Malgré ses bonnes idées, cet arc souffre d'une caractérisation forcée de Batman, due aux impératifs éditoriaux qui sont la conséquence des épisodes de Morrison. Il y a des passages brillants, mais la série de duos est convenue et répétitive, finalement. 

Mon verdict : ★★★☆☆ 

Barbüz 
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4 commentaires:

  1. Quoi !!! Seulement 3 étoiles !!! Il y a intérêt à ce que cette évaluation soit motivée, sinon... (oui, j'avais attribué 5 étoiles)

    Le personnage de Carrie Kelley, pour conclure, n'apporte strictement rien d'intéressant à cette somme : tout pareil que toi, car ça ressemblait à un coup marketing facile, en évoquant l'éventualité de la possibilité, que peut-être la Robin de Dark Knight Returns débarque dans la série… pour ne mener nulle part.

    J'ai bien compris tes arguments, et je peux les comprendre, même si… mon ressenti a été totalement différent. Je me suis focalisé sur le processus que tu évoques : les 5 étapes du deuil.

    Tomasi et Gleason doivent trouver un fil conducteur qui ne vient pas perturber la série principale Batman de Snyder et Capullo. Débarrassés de l'obligation de participer à différents crossovers, ils trouvent un fil conducteur solide sur lequel ils développent la souffrance de Batman générée par la perte d'un être cher. Tomasi se montre nuancé et sensible dans sa description de cette souffrance. Patrick Gleason a amélioré la qualité de sa narration et le dosage des informations visuelles dans ses cases, avec un Batman sombre à souhait, et une Carrie Kelley lumineuse et crédible.

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    1. Cette relecture aura été une semi-déception ; ces pages m'avaient plus marqué lorsque je les avais découvertes dans "Batman Saga". C'est déroutant, parce qu'il y a des moments de grâce pure qui alternent avec des scènes que je trouve franchement lourdingues et sans finesse : Batman se battre comme un chiffonnier avec Red Hood, bon... ça a un peu tout flanqué par terre, en ce qui me concerne.

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    2. Cette bagarre, je l'ai mise sur le compte de la souffrance psychique du père endeuillé. De toute façon, je suis prêt à trouver toutes les excuses car j'ai beaucoup aimé.

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