Publié dans la collection "DC Deluxe" d'Urban Comics en avril 2016, "L'Énigme de Red Hood" est un ouvrage format 17,5 × 26,5 cm à couverture cartonnée, qui comprend environ quatre cent quatre-vingts planches en couleurs ; il compile les versions françaises de deux arcs intégraux. Le premier, "Batman: Under the Hood" en VO, contient les "Batman" #635-641 (février à août 2005), 645-650 (de novembre 2005 à avril 2006) ainsi que le "Batman Annual" #25 (de mai 2006), et le second - "Red Hood: The Lost Days" en VO - est une minisérie en six numéros (août 2010 à janvier 2011).
Judd Winick a écrit les scénarios de la totalité des numéros. Doug Mahnke est dessinateur principal du premier arc dont Paul Lee, Shane Davis et Eric Battle illustrent chacun un numéro. Davis produit l'annuel. L'encrage est ici réparti entre Tom Nguyen, Rodney Ramos, Wayne Faucher, Lary Stucker, et Mark Morales ; Alex Sinclair et Jason Wright composent la mise en couleur. Les dessins de "Red Hood: The Lost Days" sont divisés entre Pablo Raimondi (deux numéros) et Jeremy Haun (quatre). Raimondi puis Brian Reber en assurent l'encrage, et Reber se voit confier la mise en couleur.
Une nuit de pluie à Gotham City. Cela fait maintenant quatorze mois que David "Tipper" Coates, un jeune sans-abri aux allures de punk, vit dans la rue. Il est prostré sur le trottoir, assis contre un mur à côté d'un tas de sacs-poubelle, à la lueur de lampadaires. Des véhicules passent, l'éclaboussant ; aucun ne s'arrête. Tipper s'est enfui d'un foyer où il était maltraité. Cette ville n'a fait que l'endurcir : il a connu la violence, la drogue et même le sexe "sous toutes ses formes". Il a aussi côtoyé la mort. Quelques gouttes de sang tombent sur son front. Il lève la tête, sans voir les deux hommes masqués qui s'affrontent cinq étages au-dessus, dans un corps-à-corps sans merci : Batman - qui a un gant arraché - et un combattant inconnu vêtu comme un motard, coiffé d'un casque intégral rouge, et armé d'une dague allongée, à la lame sinueuse...
"L'Énigme de Red Hood" narre le retour du vilain petit canard ou du fils prodigue, selon la perception que l'on aura de ce personnage. Ce retour se fait en deux temps ; "Red Hood: The Lost Days" se déroule avant "Under the Hood" chronologiquement, mais lire les arcs dans leur ordre de publication est bien plus judicieux. Ces histoires sont très compréhensibles malgré les quelques références à la continuité ; en revanche, connaître les événements contés dans "Un deuil dans la famille" est fortement conseillé. Ces pages ont pour intérêts principaux d'apporter une nouvelle dynamique au sein de la Bat-Famille et d'opposer le Chevalier noir à un reflet déformé de lui-même, un apôtre dévoyé, dont la souffrance et le sentiment de spoliation l'inciteront à corrompre le message originel. "L'Énigme de Red Hood" revient sur une rivalité latente, contenue et inaboutie qui finit par éclater au grand jour. Si d'aucuns souligneront les similitudes entre le personnage de Red Hood et celui du Soldat de l'hiver, la caractérisation de l'intéressé manque de constance : sûr de lui, plein d'humour, railleur, voire cynique dans le premier arc, il est moins fascinant et plus transparent dans le second arc, même si Winick va jusqu'à le pousser à assouvir son complexe d'Œdipe, et à franchir ainsi la première étape vers l'élimination de son père spirituel, de son mentor. Cette suite de numéros s'avère passionnante de bout en bout, malgré une ou deux longueurs çà et là. L'action occupe une place prépondérante. Winick jalonne son intrigue de séquences spectaculaires et de surprises. Le quatuor Batman - Red Hood - Black Mask - Joker fonctionne à merveille ! Bien que la minisérie soit intéressante, elle est globalement moins captivante du fait de rôles secondaires peu creusés et pèche par excès d'invraisemblance à quelques reprises.
La qualité de la partie graphique dans son ensemble est très satisfaisante. Le premier arc bénéficie du talent de Mahnke, qui produit des dessins dans un style réaliste, avec un trait net, acéré, et un encrage appuyé sans excès. Mahnke opte pour un quadrillage classique ; quelques incrustations soulignent le dynamisme des scènes. Les cadrages et les perspectives sont très variés. L'encrage des dessins de Raimondi aurait pu être allégé. Le travail de Haun serait parfait pour des polars.
Thomas Davier, l'un des meilleurs professionnels du circuit comics, effectue la traduction : une indiscutable réussite. Le texte est irréprochable et ne contient ni faute ni coquille, sauf erreur de ma part. Une onomatopée - "koff" - est restée en anglais.
Malgré de légères faiblesses, "L'Énigme de Red Hood" procure un authentique plaisir de lecture autour d'un face-à-face de type père-fils. Ces arcs riches en action sont généreux en séquences jubilatoires ; les personnages secondaires sont bien campés.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbüz
Ton article constitue une totale découverte pour moi : je ne sais plus ce que j'ai pu lire de Judd Winick, mais j'avais été fortement déçu au point de ne pas chercher à lire autre chose de lui. Pour aggraver mon cas, le personnage de Red Hood ne m'a jamais attiré, et pas seulement parce qu'il ramenait Jason Todd, lui-même peu développé avant son massacre par Joker.
RépondreSupprimerD'un autre côté, Doug Mahnke est un artiste que j'aime beaucoup, à la fois dans sa représentation de la violence, à la fois dans les expressions de visage qui sont parfois très comiques, l'inénarrable Major Bummer (avec John Arcudi) ou encore les deux premières saisons de the Mask (également avec Arcudi). J'avais également bien aimé la série The Beauty (VO) dessinée par Jeremy Haun.
Merci pour cette découverte.
J'adore Mahnke, moi aussi. Son style a évolué après ; il s'est éloigné du réalisme.
SupprimerWinick a - entre beaucoup d'autres - travaillé sur :
Catwoman : https://les-bd-de-barbuz.blogspot.com/2017/11/catwoman-tome-15-la-regle-du-jeu-urban.html
Superman et Shazam : https://les-bd-de-barbuz.blogspot.com/2016/03/superman-et-shazam-coup-de-tonnerre.html
C'est également lui qui est l'auteur de ces numéros de "Detective Comics" que nous avions discutés, centrés sur le personnage de Josie MacDonald, et qui ont été intégrés dans la série consacrée par Urban Comics à "Gotham Central".