mardi 20 avril 2021

Les Contes du septième souffle (tome 2) : "Shiro Yuki" (Vents d'Ouest ; mai 2003)

"Les Contes du septième souffle" est une série en quatre tomes parue chez Vents d'Ouest (Glénat) entre 2002 et 2006 dans la collection "Équinoxe" de l'éditeur. Elle propose les adaptations et transpositions de quatre contes européens emblématiques - dans l'ordre, "La Barbe bleue""Blanche-Neige""Pinocchio" et "Le Vaillant Petit Tailleur" - à l'époque d'Edo, au crépuscule du Japon féodal. "Shiro Yuki" est le deuxième volume. C'est un album format 24,0 × 32,0 centimètres à la couverture cartonnée, qui comprend cinquante-quatre planches en couleurs, au total. 
"Shiro Yuki" est entièrement écrit par Éric Adam, un Louviérois connu pour avoir scénarisé quelques recueils de "Lucky Luke", "Rantanplan" et "Marsupilami" et pour avoir coécrit "Le Triangle secret : Hertz". Le dessin et l'encrage sont signés par Hugues Micol. Le Parisien a travaillé sur "D'Artagnan !" - déjà avec Adam. Il a été révélé par "Scalp", un "one-shot" pour lequel il s'est vu attribuer le prix Töpffer international 2017. La mise en couleur est composée par Ruby (Véronique Dorey), qui a collaboré avec : Frank Margerin, Nicolas de Crécy, Dupuy-Berberian, etc. 

À l'issue du tome précédent, Aohige se suicide par seppuku à la suite de sa défaite. Myoegi s'empale sur la lame du katana de son frère. Daisuke finit par accepter que Yukiko parte avec lui. 
Une route dans les collines. Juste au bord du chemin trône un impassible bouddha en tailleur, une fleur de lotus dans la main gauche. Plus loin, sur la droite, à moitié dissimulé sous des arbres, est assis un brigand vêtu d'une armure, coiffé d'un casque et armé d'une lance et d'un sabre. Il fait le guet patiemment. Il se lève et se retourne. En contrebas, ses acolytes attendent. Ils l'interrogent ; il répond qu'il a repéré trois voyageurs. À l'un des complices, qui demande s'ils sont riches, il rétorque qu'ils le sont plus qu'eux ! Ils passent à l'action, et se ruent à l'assaut... 

Après "La Barbe bleue" dans "Aohige", le premier volume de la série, Adam adapte librement "Blanche-Neige" (1812), ce conte collecté par les frères Jacob (1785-1863) et Wilhelm Grimm (1786-1859). Adam y applique le même principe que précédemment, il allège la trame et la transpose à l'époque d'Edo, crépuscule du Japon féodal. L'auteur ne garde du conte original que son essence la plus concentrée, un conflit entre deux femmes de générations différentes, l'une aimable, naïve et foncièrement bonne, donc amenée à être une victime ; et l'autre, véritable incarnation de la mante religieuse, viscéralement mauvaise. Mais ici, pas question de miroir magique, de chasseur bienveillant, des sept nains (seul un joue un rôle), ni de pomme empoisonnée. Si Saori est une reine mère qui suinte le mal et la méchanceté, sa rivalité avec Shiro Yuki ("Blanche-Neige" en japonais) manque de substance et de profondeur psychologique et certains regretteront qu'Adam n'ait pas été plus loin dans l'adaptation de tout ce que ce conte représente dans la mémoire collective. Adam oriente "Shiro Yuki" vers l'action ; c'est avec enthousiasme que les lecteurs retrouvent Daisuke le samouraï. Le début du récit malmène sa fierté : il doit "dépouiller des morts" pour glaner quelque argent, et "mendier ses repas". Ses doutes à propos de l'honorabilité de la mort de son père Hideaki subsistent, mais sont moins vivaces que dans "Aohige" ; ajoutons que le guerrier doit subir les cauchemars nés des remords qu'il éprouve à la suite de la mort tragique de sa sœur Myoegi. Privé de toute famille, il est désormais plus seul que jamais malgré la douce présence de Yukiko, dont il ne sait ou ne veut reconnaître le sens profond. La linéarité de la narration est légère. Le texte est soigné, bien qu'Adam cède à un instant de vulgarité, comme dans "Aohige"
La partie graphique est là aussi inspirée par l'atmosphère et le rendu des estampes japonaises ainsi que par une certaine forme de naturalisme. Les dessins de Micol ne figurent pas le mouvement, ce qui donne à ses compositions un aspect statique déroutant notamment lors des scènes de combat. Il faut s'y habituer, cela n'est possible qu'après quelques planches qui permettront de s'immerger dans l'histoire, l'ambiance et le contexte. La densité de vignettes par planche oscille entre six et neuf ; elle est digeste. Le quadrillage, avec ses séparations en gouttières, est classique. L'artiste varie les dimensions des cases, et utilise parfois toute la largeur des bandes pour un rendu 16/9e. La quantité de détail est satisfaisante, que ce soit pour les scènes d'intérieur ou d'extérieur. La mise en couleur crée les contrastes nécessaires. 

"Shiro Yuki" pourra décevoir par sa lecture superficielle du conte "Blanche-Neige". L'exercice demeure néanmoins d'une qualité générale suffisamment convaincante, et les carences sont partiellement compensées par les nombreuses séquences d'action. 

Mon verdict : ★★☆☆

Barbüz

2 commentaires:

  1. Hé bien ça : une adaptation de Blanche Neige !?! Voilà qui doit être aussi surprenant qu'inattendu, encore plus par son approche épurée. (J'avais oublié que tu l'avais annoncé dans ton article sur le 1er tome.)

    Il faut s'y habituer, cela n'est possible qu'après quelques planches : ça m'arrive régulièrement ce temps d'adaptation quand l'artiste a une forte personnalité graphique s'éloignant du spectre habituel en bande dessinée. Cela permet de tester mon ouverture d'esprit. :)

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    1. Je pense qu'un lecteur qui ne se renseigne pas forcément sur l'œuvre - la BD - pourrait passer à côté. Autant "Aohige" est "Le Château de Barbe-Bleue", c'est clair, autant la connexion de celui-ci avec le conte original me semble moins évidente. Restent "Pinocchio" et "Le Vaillant Petit Tailleur".

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