Le dernier des deux ouvrages de la série qu'Urban Comics a consacrée au "Kamandi" de Jack Kirby est sorti en février 2014, dans la collection "DC Archives" de l'éditeur ; cet épais recueil au format 19,0 × 28,5 centimètres et à couverture cartonnée contient quatre cent dix planches, approximativement. On retrouve à son sommaire les versions françaises des vingt ultimes numéros du "Kamandi" (volume 1) de Jack "The King" Kirby, les #21-40 (de septembre 1974 à avril 1976). Au total, le premier (et unique à ce jour - volume de "Kamandi" compte cinquante-neuf numéros. Kirby ayant quitté DC Comics à l'issue du #40, pour retourner chez Marvel, les #41-59 ne sont donc pas inclus dans cette collection.
Jack Kirby (1917-1994) écrit les scénarios de tous les numéros et produit la partie graphique. À l'encrage, D. Bruce Berry (1924-1998), qui a succédé à Mike Royer, l'acolyte de Kirby, au #16 (d'avril 1974). Royer, écœuré par la cadence qui leur était imposée par DC Comics, s'est retiré, mais il revient pour le dernier numéro de Kirby, le 40. Les deux encreurs réalisent aussi le lettrage ; aucun crédit d'indiqué, en revanche, pour les mises en couleurs.
À l'issue du tome précédent, un Kamandi éberlué découvre que Chicago est peuplé de robots, qui sont animés par un ordinateur central. Se sentant plus seul que jamais, il déserte la mégapole.
Ancien centre des États-Unis, au lac du Monstre, près des côtes rocheuses. Un homme en armure affronte l'équipage - humain - d'un dirigeable qui a amerri sur le lac ; il protège un caisson étanche, posé contre les rochers derrière lui. Le combat fait rage ! Kamandi observe la scène, dissimulé par quelques rochers. Il estime que l'inconnu, qui tient la dragée haute aux assaillants, ne semble pas avoir besoin d'aide. Soudain, un projectile vient frapper la roche à l'endroit où il se tenait ; il fait un bond en avant, esquive, mais glisse sur les pierres humides et tombe dans l'eau...
Les lecteurs penseront peut-être que l'effet d'étonnement suscité par le premier tome est passé, mais Kirby produit à nouveau une salve d'épisodes surprenants, pleins de créativité. À chaque arc, c'est un émerveillement devant l'imagination que déploie le maître. À chaque histoire, c'est une découverte de ce monde incroyable qu'est celui de Kamandi. L'auteur fait aussi parcourir des terres nouvelles à son héros et nous en révèle un peu plus sur ce grand cataclysme, en prenant garde - bien entendu - de préserver son aura de mystère. Pour jalonner la route de Kamandi de rencontres et éviter les risques de répétition, Kirby explore là les pistes offertes par la faune aquatique et invite des créatures marines dans sa saga ; cela donne lieu à un arc très imaginatif de trois numéros, centré sur les dauphins et l'organisation de leur cité, dans ce qui est l'un des sommets du recueil. Volatiles et insectes géants sont aussi de la partie même si les lecteurs avaient déjà fait la connaissance de Cliclac dans le premier tome. Kirby creuse l'aspect science-fiction du titre avec des visiteurs venus d'ailleurs ou des séquences dans l'espace. Afin d'assurer la variété des situations et des personnages, il remplace les mutants atomiques par le Dr Canus (créé dans le #1, de novembre 1972) et Pyra ; ainsi, un quatuor presque humain cède la place à un trio composé de Kamandi, d'un chien évolué et d'une extraterrestre. Ni les mécanismes narratifs ni le processus de transition d'un numéro à l'autre n'ont changé depuis les premières pages de la série. Kirby recourant souvent à l'ellipse, il ne faut pas espérer des enchaînements huilés entre la conclusion d'un arc et le début du suivant ; Kamandi est la plupart du temps dans une situation nouvelle, à défaut d'être inédite dans la forme et malgré les redites des contextes (combat, capture, fuite).
Kirby nous sert un ensemble de compositions d'un intemporel classicisme "pop". Le "King" produit moins de doubles planches que dans la première moitié des épisodes ; sans doute la contrainte des échéances éditoriales. Berry ne parvient pas à faire oublier l'encrage organique de Royer, mais son travail, d'un excellent niveau, permet à "Kamandi" de bénéficier d'une dimension visuelle d'exception, qui rassemble presque toutes les vertus pour faire le bonheur des lecteurs de toutes générations.
La traduction a été réalisée par Laurent Queyssi (du studio bordelais Makma), comme celle du volet précédent. Elle est d'une qualité satisfaisante. Le texte est soigné, mais une faute d'accord s'est insérée (page 424, premier cartouche, première case).
Ainsi s'achève la période de Kirby sur "Kamandi". Elle se termine avec les derniers épisodes de cette bande dessinée d'aventures enthousiasmante et pour tous les âges. Et s'ils ne sont pas aussi surprenants que les premiers, ils sont tout aussi distrayants.
Mon verdict : ★★★★☆
Barbüz
Tu es resté sur 4 étoiles, mais ça n'est pas déshonorant.
RépondreSupprimerJe te taquine bien sûr, car je viens surtout chercher un point de vue différent du mien dans ton avis.
Les lecteurs penseront peut-être que […] découverte de ce monde incroyable qu'est celui de Kamandi. - Ces deux phrases m'ont rappelé ma propre admiration devant l'imagination visiblement sans limite de Kirby dans cette série.
Kamandi est la plupart du temps dans une situation nouvelle dans chaque épisode : oui, on sent que le mode de parution influe fortement sur le format pour une histoire en un épisode, pleine de bruit et de fureur, et de visions spectaculaires.
Comme toi, j'avais été agréablement surpris par l'encrage de D. Bruce Berry, pas aussi abouti que celui de Mike Royer, mais respectueux des crayonnés.
Au départ, je n'étais pas forcément partant pour lire "Kamandi", et je suis donc très content de l'avoir fait. Cela m'a donné envie de lire deux autres albums que je n'avais pas l'intention de lire non plus : "OMAC" et "Les Losers". J'ai également hâte de lire "Le Démon" en français (celui-là était prévu, de toute façon), rien que pour découvrir le travail du traducteur.
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