jeudi 17 juin 2021

"Les Archives de la Suicide Squad" : Tome 1 (Urban Comics ; août 2016)

Le premier volume de la série qu'Urban Comics a consacrée à la Suicide Squad "2.0" est sorti en août 2016 dans la collection "DC Archives" de l'éditeur. Cet ouvrage relié au format 19,0 × 28,5 cm comprend environ cinq cents planches, couvertures originales incluses. Sommaire : les versions françaises du "Secret Origins" (volume 2) #14 de mai 1987, et d'un récit complet extrait du #28 de juillet 1988, des "Suicide Squad" #1-16 (volume 1) (de mai 1987 à août 1988), du "Doom Patrol and Suicide Squad Special" (de mars 1988), du "Justice League International" #13 (de mai 1988). 
John Ostrander écrit les "Suicide Squad", le "Secret Origins" #14 et le "spécial" avec Paul Kupperberg. Luke McDonnell dessine les "Suicide Squad" et le "Secret Origins" #14, Erik Larsen le "Doom Patrol and Suicide Squad Special", Rob Liefeld le "Secret Origins" #28. L'encrage est réparti entre Karl Kesel, Malcolm Jones et surtout Bob Lewis. Carl Gafford est le coloriste principal ; Julianna Ferriter intervient sur le #10. Le "Justice League International" est écrit par Keith Giffen et J. M. DeMatteis, dessiné par Giffen, encré par Al Gordon, et enfin mis en couleurs par Gene D'Angelo. 

Washington DC, 1987. Dans le bureau ovale de la Maison-Blanche, le président, Ronald Reagan, écoute les arguments de deux de ses collaborateurs : Amanda Waller, une Afro-Américaine râblée et énergique, et Sargent Steel, un homme de type caucasien de grande taille. Waller vante les exploits de son groupe contre Brimstone. Steel rappelle que l'opération avait révélé un problème de confidentialité des couvertures des agents et s'interroge sur les répercussions si le public apprenait que le gouvernement des États-Unis finançait une équipe d'intervention composée de criminels. Reagan hésite... Faut-il impliquer son administration dans une telle entreprise ? Waller, lui tendant un dossier, l'informe que cela s'est pourtant déjà produit, en 1941-1945. Son enveloppe renferme un historique des origines secrètes de la Suicide Squad... 

Ce tome revient sur la Suicide Squad d'origine et le lancement de la mouture "2.0", née à l'issue de "Crisis on Infinite Earths" et de la réorganisation de l'univers DC qui en a résulté. Ostrander réunit une équipe d'antihéros avec quelques super-vilains de seconde, voire de troisième catégorie. Au programme ? Explorer les zones de gris, s'écarter du manichéisme, ou jouer sur des rivalités internes avec des caractérisations bien trempées. Ce n'est pas ici que le gouvernement américain trouvera de bons petits soldats disciplinés, mais il n'empêche : chacun participe aux missions, souvent avec un objectif ou pour une raison qui lui est propre, d'ailleurs. Il est intéressant de noter que les aventures de la Suicide Squad - ou Task Force X - reflètent l'interventionnisme des États-Unis, leurs inimitiés, et le contexte géopolitique de l'époque : le Proche-Orient et ses terroristes, l'URSS - même déclinante -, le cartel de Medellín, ou les Contras au Nicaragua. La série évoque également les tensions raciales dans la société américaine. Ballotée d'un endroit à un autre, l'unité essaie tant bien que mal de remplir ses missions malgré la casse, les incompatibilités de caractère et de valeurs, et les coups bas politiques. Cela n'exclut pas des trames plus proches du genre super-héroïque, hélas. S'il y a là quelques réussites, cela se gâche brusquement avec les Traqueurs, dans un récit linéaire sans intérêt, et puis les "spéciaux" ne sont pas fameux. Le "Doom Patrol" est primaire au possible. L'arc centré sur Nightshade cumule les poncifs infantiles et farfelus de ce genre. Le dernier chapitre prolonge l'ennui, hélas. Autant d'intrigues qui tendent à gommer l'originalité du groupe. 
La partie graphique alterne le plutôt bon et le mauvais. Dans la première catégorie, McDonnell, même si son style évoluera encore plus tard ; son registre est réaliste, sans exagération ni outrance, et le trait est fin. Néanmoins, la qualité de celui-ci est variable et se dégrade au fil des numéros. L'encrage s'alourdit et les arrière-plans et les décors sont réduits à leur plus simple expression. Cela reste préférable aux planches de Larsen, avec ses mâchoires et mentons improbables, ou pires, Liefeld et ses sourires figés et crispants. Criardes, saturées, composées de teintes vives ou pastel, avec des associations incongrues, les mises en couleur piquent les yeux. 
La traduction a été effectuée principalement par Mathieu Auverdin : une faute de pronom, une de mode, une de ponctuation, des anglicismes ("digital", "session"), une construction bancale, "redonner" pour "rendre", une onomatopée pas adaptée en VF. 

Ce premier volume présente un concept intéressant ainsi que quelques bonnes idées qui auront fait date, mais il est trop inégal, que ce soit sous l'angle des scénarios, plombés par les spéciaux, ou celui de cette partie graphique, qui a assez mal vieilli. 

Mon verdict : ★★☆☆☆

Barbüz

2 commentaires:

  1. Comment ça 2 étoiles ? Je me souviens les avoir lu en VO à leur sortie, et mon attachement sentimental ne saurait tolérer moins de 4 étoiles. :)

    Les aventures reflètent l'interventionnisme des États-Unis, leurs inimitiés, et le contexte géopolitique de l'époque : ça m'avait aussi sauté aux yeux à la relecture, choses que j'étais incapable de capter lors de ma première lecture.

    Les incompatibilités de caractère : c'était très surprenant de voir ainsi des individus rouler pour eux, sans se soucier de leurs coéquipiers prêts à tous les coups bas. Luke McDonnell : surprenant également, en décalage avec John Byrne sur Superman, et George Pérez sur Wonder Woman.

    Erik Larsen : je ne le supportais pas à cette époque pour les raisons que tu mentionnes, et il m'a fallu beaucoup de temps pour accepter d'y revenir et découvrir sa série Savage Dragon. Rob Liefeld : un cas d'école.

    Des bonnes idées qui auront fait date : John Ostrander a apporté une dynamique inédite dans les titres superhéros de l'époque.

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    1. Eh oui, deux étoiles ; la faute aux numéros spéciaux, à Liefeld et à Larsen.
      C'est dommage, car c'était très bien parti. Mais le super-slip ordinaire reprend ses droits après quelques numéros, et l'on n'a plus qu'un groupe d'individualités sans esprit d'équipe, comme d'autres à l'époque, et le côté "sale boulot" pour le gouvernement US devient de plus en plus anecdotique au fil des numéros. J'espère retrouver un peu de l'esprit du début dans le second tome.

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