dimanche 12 septembre 2021

The Punisher (tome 17) : "Bienvenue dans le bayou" (Panini Comics ; octobre 2010)

"Bienvenue dans le bayou" est le dix-septième recueil de "The Punisher", un titre regroupant les versions françaises des soixante-quinze numéros du septième volume de la version originale (qui s'étale de mars 2004 à décembre 2009) en dix-huit albums sortis chez Panini Comics France entre avril 2004 et janvier 2011 dans la collection "MAX", le label adulte de Marvel. Publié en octobre 2010, il inclut les versions françaises des #71-75 de "Punisher: Frank Castle Max" (d'août à décembre 2009). Ce billet concerne la première édition en version française, à savoir un ouvrage broché au format 26,0 × 17,5 centimètres à la couverture flexible, qui contient cent quarante planches en couleurs approximativement. 
Le romancier nord-américain et bédéaste Victor Gischler, auteur de fictions dont certaines ont été traduites en français, écrit le scénario de l'arc principal. Côté comics, le Louisianais a produit quelques épisodes pour la franchise "Deadpool". Les dessins sont réalisés par un Croate, Goran ParlovParlov avait illustré "Barracuda", "Punisher présente Barracuda""La Longue Nuit froide", et "Valley Forge, Valley Forge" (nº8, 10, 12, 13) ; il effectue son propre encrage. Lee Loughridge façonne la mise en couleur. Le #75 est sans rapport direct avec l'arc. Il est constitué de cinq histoires courtes confiées (dans l'ordre) à Tom Piccirilli, Gregg Hurwitz, Duane Swierczynski, Peter Milligan, Charlie Huston. Ils sont accompagnés par les artistes suivants (bis) : Laurence Campbell, Das Pastoras, Tomm Coker, Parlov, Ken Lashley, et l'encreur Rob Stull

Une route cernée par la mangrove, entre Houston et la Nouvelle-Orléans ; Castle roule depuis des heures. Il privilégie les petites routes et respecte les limitations de vitesse pour éviter la police : il a un colis très spécial dans le coffre. Un cabriolet le double. À bord, deux jeunes couples hilares. Un garçon boit une bière ; une fille blonde lève son "top" et montre ses seins à Castle. Il les retrouve plus loin à la station Geautraux, l'une des rares du coin... 

"Bienvenue dans le bayou", le récit principal, est composé de quatre numéros, les #71-74. L'histoire repose sur le mécanisme de la rencontre inattendue, de la contrée hostile et de ses habitants qui ne le sont pas moins. C'est une affaire dont le Punisher ne devrait pas se mêler parce qu'il est déjà en mission, mais voilà, il y a "ce petit picotement" à la base de son crâne. Point de crime organisé ici (encore que...) : ni Italo-Américains ni Russes, rien qu'une famille (très nombreuse) de "rednecks", dont Castle va perturber le banquet. Gischler (il est originaire de Baton Rouge) et Parlov ne sont pas avares en clichés : les autochtones sont dingues, crasseux, et cabossés, mais ils sont surtout vicieux, enragés, et donneront un sacré fil à retordre au Punisher d'autant que ce terrain est le leur. Évidemment, il y a ce petit grain de sable qui change le cours des choses. Gischler écrit un récit d'action qui puise ses inspirations du côté du "slasher movies" avec ce qu'il faut de "gore" et beaucoup d'humour noir. Les cinéphiles penseront rapidement au film "Délivrance" (1972) - le texte y fait référence, d'ailleurs -, mais il y a aussi quelque chose de "Massacre à la tronçonneuse" (1974). Le scénariste développe d'abord un fil narratif unique, puis en ajoute un second, et un troisième, enfin ; la linéarité de l'intrigue reste perceptible, mais grâce à cette technique, elle s'en trouve fortement allégée, d'autant que Gischler ne lésine pas sur les renversements de situation. Les caractérisations sont très contrastées et marquées jusqu'à la caricature, une outrance qui s'inscrit parfaitement dans ce registre. "Bienvenue dans le bayou" est une véritable réussite qu'il est ardu de lâcher avant la fin. La qualité des cinq histoires courtes (entre six et dix planches) oscille entre mauvaise ("Pas le moindre petit bout" / "Smallest Bit of This") et excellente : "Gateway" et "Vautour" ("Ghoul") sont de petites perles brillamment illustrées, mais les autres, qui sont plus convenues, n'ont rien de particulier à raconter. 
Le lecteur retrouve avec plaisir le style presque réaliste de Parlov ; il se distingue par un coup de crayon arrondi et peu anguleux, un encrage léger, et une exagération de certaines caractéristiques des protagonistes (surtout les biceps) qui se justifie pleinement ici vu la nature de certains antagonistes. Son trait lui permet d'accentuer l'expressivité des personnages sans que cela soit perçu comme outrancier. Le découpage de l'action est limpide : les séquences s'enchaînent sans friction. La plupart du temps, l'artiste opte pour un quadrillage en 16/9e et encadre ses vignettes de gouttières noires, pour un rendu cinématographique. Les arrière-plans sont rationalisés ; Parlov assure le minimum. Ils sont parfois vides, alors que le cadre végétal lui offre une certaine facilité. La mise en couleurs est suffisamment contrastée. 
La traduction est de Nicole Duclos, comme dans les seize tomes précédents. Encore une fois, ça tient la route et c'est satisfaisant dans l'ensemble. Ni faute ni coquille. Une ou deux phrases paraissent en contradiction avec leur contexte : des faux-sens ? 

"Bienvenue dans le bayou" est une réussite complète, un petit bijou aux influences multiples. Cinq étoiles pour le récit principal et quatre pour le recueil à cause de la disparité dans la qualité des histoires courtes. L'arc principal aurait suffi à un album. 

Mon verdict : ★★★★☆ 

Barbüz 

2 commentaires:

  1. Victor Gischler : je n'ai pas lu grand chose de lui, 2 miniséries publiées par Dark Horse Kiss me Satan & Clown Fatale, sympathique sans me donner envie de chercher ses autres comics. Je comprends qu'ici il est dans son élément, n'hésitant pas à s'aventurer dans le registre de l'outrance.

    Je ne peux pas m'empêcher de me demander si Gischler parvient à faire exister Castle en profondeur.

    Une ou deux phrases paraissent en contradiction avec leur contexte : voilà qui doit être décontenançant.

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    1. Pour répondre à ton interrogation : j'ai apprécié cette référence à un éventuel sixième sens de Castle, sa volonté de s'en tenir au plan de départ, et finalement son impuissance à résister à ses soupçons. Il y a aussi ces soliloques que j'apprécie beaucoup lorsqu'il analyse le terrain et la situation en tacticien hors pair ; une facette que l'on retrouve beaucoup chez Ennis.

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