lundi 29 novembre 2021

Greg Rucka présente Wonder Woman (tome 2) : "Les Yeux de la Gorgone" (Urban Comics ; mai 2017)

Publié chez Urban Comics en mai 2017 dans la collection "DC Signatures", "Les Yeux de la Gorgone" est le second numéro de "Greg Rucka présente Wonder Woman", un triptyque consacré à la Wonder Woman du Californien. Ce recueil format 17,5 × 26,5 cm à la couverture cartonnée compte environ deux cent soixante-dix planches hors bonus. Il reprend les versions françaises des #202-213 du second volume de "Wonder Woman", de mai 2004 à avril 2005. 
Greg Rucka a écrit les douze numéros. Le poste de dessinateur a été partagé entre Stephen SadowskiDrew Johnson, James Raiz, et le Britannique Sean Phillips, mais c'est Johnson qui reste le titulaire, avec huit numéros à son actif. Ray Snyder encre la quasi-totalité des numéros ; il en laisse un à Andrew Currie, et un autre à Phillips, qui encre ses propres planches. Pour finir, la mise en couleur est à nouveau confiée aux époux Horie, Richard et Tanya

À l'issue du tome précédent, le cataclysme que Héra a infligé à Themyscira entraîne la libération de Sthéno et Euryale - deux des trois sœurs Gorgones - en même temps que Circé, la magicienne. 
New York, par une belle journée ensoleillée : malgré la présence d'une assistante de direction et ses protestations, le Dr Veronica Cale pénètre dans le bureau de Calvin Winn - le directeur général du cabinet de relations publiques Little & Winn - et lui ordonne de mettre fin à sa conversation téléphonique, sans vergogne ; Winn raccroche. Il est surpris ; il croyait que Cale était à Dallas. La femme d'affaires va droit au but. Elle a versé plus de dix millions et demi de dollars à Little & Winn pour qu'ils "dégagent" Wonder Woman de la presse. Résultat : sa "foutue trogne est partout, et ces vautours l'aiment plus que jamais !". Elle sort des magazines de son porte-documents et les étale sur le bureau. Wonder Woman est en une sur chacun d'entre eux, et l'agence n'a rien fait non plus à la sortie du livre ; comment ont-ils pu échouer à ce point ?... 

Si le premier tome faisait la part belle à la dimension publique de l'ambassadrice de Themyscira, dans celui-ci, c'est l'action qui est à l'honneur ; la diplomate et l'icône des relations publiques cèdent donc un peu de place à la guerrière. C'est à nouveau un volet qui met les femmes sur le devant de la scène. Rucka y dévoile le passé du docteur Veronica Cale, nous conte la convalescence de Vanessa Kapatelis, offre un rôle plus intéressant à Leslie Anderson, et forme un quatuor de taille en unissant les sœurs Gorgones à Circé. Rucka fragilise encore la position de l'île de Themyscira, prise en tenaille entre l'agressivité de la race humaine et les tentatives d'intimidation du gouvernement nord-américain d'un côté ; et les complots et les machinations des dieux de l'Olympe de l'autre. Au milieu de tout cela, Diana est sur tous les fronts : comprendre ce qui s'est passé lors de l'émeute devant l'ambassade, soigner et guérir Vanessa, résister aux pressions du président des États-Unis, ou agir en championne d'Athéna. En répondant présente et en relevant tous ces défis, Rucka démontre à ceux qui en auraient encore douté qu'elle est une super-héroïne de tout premier plan dont les devoirs et les obligations ne pâlissent aucunement devant ceux de ses homologues les plus connus ; cela ne l'empêche pas de faire appel à certains d'entre eux pour une expertise spécifique. Rucka offre à l'Amazone une caractérisation forte, puissante. Wonder Woman sait reconnaître ses faiblesses, mais ne cède rien et se bat jusqu'au bout ; Rucka la transcende, et l'extirpe ainsi du cadre restrictif de l'héroïne féministe et de la légende issue de la mythologie grecque. Si l'auteur affiche aussi une belle maîtrise du rythme et de la tension, l'utilisation et la rotation de ses personnages, en revanche, ne sont pas sans défauts, car de nouvelles venues superflues (NeithIsis, et Bastet) viennent encore s'ajouter à une histoire qui en compte déjà beaucoup, au risque d'engendrer une lassitude passagère chez le lecteur. 
Johnson produit des planches satisfaisantes en dépit de quelques faiblesses, notamment dans les postures - rigides, voire figées - et dans les expressions ; la régularité de son crayon n'est pas exemplaire, mais elle demeure suffisamment convaincante, malgré un encrage qui manque parfois de finesse. Sadowski réalise un bon épisode, et montre ce qu'il faut pour patienter jusqu'au retour de Johnson. Dans ce registre, il n'est pas facile d'apprécier l'art de Phillips, plus approprié au polar urbain. Quant à Raiz, certaines de ses compositions sont spectaculaires, particulièrement les scènes de combats ; il constitue un remplacement tout à fait valable, mais les membres de sa Ligue de Justice, malheureusement, sont franchement loupés (surtout son Superman !). Pour finir, le choix des couleurs pourra parfois décontenancer. 
La traduction a été effectuée par Thomas Davier. Elle est, dans l'ensemble, d'une qualité supérieure. À mon avis, Davier est l'un des meilleurs professionnels du circuit, et son texte irréprochable ne comprend ni faute ni coquille, sauf erreur de ma part. 

Rucka confirme la qualité de son passage sur la série "Wonder Woman" et sème, çà et là, des hommages au travail de George Pérez, malgré une dimension idéologique plus profonde. La partie graphique constitue un peu le maillon faible de ce numéro. 

Mon verdict : ★★★★☆

Barbüz
Copyright © 2014 Les BD de Barbüz

2 commentaires:

  1. Le début de cette saison écrite par Greg Rucka ne m'avait pas enthousiasmé au point que je continue. Je découvre donc ces épisodes avec ton article.

    J'aime beaucoup ta phrase sur les dessins de Drew Johnson : visiblement, ils sont fonctionnels ce qui suffit pour raconter l'histoire de manière satisfaisante.

    Concernant Sean Phillips, je suis allé voir ce qu'il dessinait d'autres à l'époque (Sleeper avec Ed Brubaker), je comprends pourquoi tu écris qu'il n'est pas facile d'apprécier ses pages.

    Greg Rucka met en avant la guerrière et met les femmes sur le devant de la scène : j'ai découvert rétrospectivement ce qui vaut la réputation à ce scénariste, d'écrire des femmes fortes : de Whiteout à Lazarus, en passant par Black Magic et tant d'autres.

    RépondreSupprimer
  2. Des dessins fonctionnels : C'est tout à fait ça. Je ne l'aurais pas mieux formulé.

    Il me reste un tome de cette série, que je trouve vraiment satisfaisante jusqu'ici. Il comprendra les #214-226 et s'arrête donc juste avant la troisième saison et l'arrivée sur le titre d'Allan Heinberg et des époux Dodson. J'ai vu que ça tournait pas mal au niveau des dessinateurs ; j'espère ne pas être déçu.

    RépondreSupprimer