"D'empereur à Wisigoth" est le deuxième volume de la quatrième période éditoriale de la série "X-O Manowar", qui est consacrée au personnage du même nom ; il a été publié en septembre 2018, chez Bliss Éditions. Il renferme les versions françaises des "X-O Manowar" #7-14 (de septembre 2017 à avril 2018). Ce recueil (format 17,5 × 26,5 centimètres, avec couverture cartonnée) inclut approximativement cent quatre-vingt-dix pages - couvertures comprises - plus une vingtaine d'autres en guise de bonus : croquis, postface, planches commentées, et les variantes de couvertures.
Matt Kindt écrit les huit numéros. Clayton Crain réalise la partie graphique des #7-9 (dessins, encrage, mise en couleurs), seul ou avec Renato Guedes, ou Khari Evans. Guedes produit le #10. Les #11-13 ont été confiés à Ryan Bodenheim (dessins et encrage) et à Andrew Dalhouse (colorisation). Ariel Olivetti se charge du #14.
Précédemment, dans "X-O Manowar" : Aric découvre que le général Branix conspire avec les Monolithes et le tue. Mais la réaction de ces derniers ne se fait pas attendre, et le carnage commence.
Les Monoliens lancent une offensive contre tous les peuples de la planète Gorin, déchaînant une puissance de feu apocalyptique. Des villes sont rasées, des bâtiments pulvérisés, leurs habitants désintégrés ; mais la véritable raison derrière leur offensive n'est pas celle que l'on croit. Les conseillers azurs supplient leur empereur d'honorer le contrat passé avec les Monoliens sous peine de voir leur civilisation être annihilée. Leur souverain balaie cet argument de la main : ces Monoliens ne pensaient quand même pas qu'il leur offrirait le joyau de leur empire ! Il leur explique qu'il a gagné du temps pour mettre son "plan de secours à exécution". Aric et "une force d'élite" sont en place, les Monoliens ne seront bientôt plus qu'un "fragment" de leur histoire, et la planète sous leur "totale domination" ; à l'extérieur, l'armée azure se prépare...
La suite des aventures d'Aric sur Gorin est remarquable en tous points. Kindt y transforme l'essai de "De soldat à général", en continuant à déployer une fresque épique dans laquelle guerre, politique, et trahisons s'entremêlent dans une atmosphère de tragédie, et engendrent une intrigue qui est particulièrement passionnante. Kindt a le sens de l'échelle, c'est-à-dire qu'il met en scène non seulement des affrontements d'ampleur, mais aussi des combats individuels spectaculaires ; cela a pour effet de varier l'action. Le lecteur, dans ce volet, est ainsi autant happé par le souffle des grandes batailles meurtrières que par les impitoyables corps-à-corps entre Aric et les membres d'une escouade de mercenaires surdoués, les Processeurs. Ce qui rend le propos de Kindt si intéressant, c'est le statut qu'il donne à Aric. Voilà un être humain arraché à son époque, à sa tribu et vivant sur une planète qui n'est pas la sienne (il y est le seul Terrien). Mû par un sens candide de la justice, Aric se taille un destin à l'épée et affronte la mort plus qu'à son tour. Mais Kindt ne s'arrête pas là et expose les failles du personnage. Invincible chef de guerre, Aric n'entend rien à la politique et ne voit pas les signaux de désaccord émerger chez ses alliés de circonstance. Fin tacticien militaire, mais avec une perception en noir et blanc, le Wisigoth, une fois l'ennemi commun chassé, ne parvient pas à fédérer les différentes factions autour d'une nouvelle vision. Ainsi son armure - dont il ignore les conseils en la matière - et lui sont-ils amenés à aller de conflit en conflit et de résoudre ceux-ci dans la violence avant de reprendre leur route et de continuer leur itinérance. En définitive, Aric est l'archétype du chevalier errant, propulsé là dans un univers de "space opera". L'écriture de Kindt est sans faiblesse. On appréciera le cadre exotique (loin du GATE), la cohérence de la trame, la sauvagerie épique des batailles, les rebondissements inattendus, les protagonistes bien campés, et la qualité des dialogues.
Dessinateurs, encreurs, et coloristes illustrent parfaitement le côté spectaculaire des épisodes, quel que soit l'artiste. Il est vain de chercher l'homogénéité graphique dans ces pages, et pourtant, le lecteur passe d'un chapitre à l'autre sans être incommodé par la relative diversité des styles ; d'abord les étonnantes planches de Crain, réalisées à la peinture numérique, pleines de feu, de bruit, et de fureur. Puis la couleur directe de Guedes, qui livre des planches époustouflantes dans une incroyable palette de tons. Ensuite Bodenheim, plus classique, plus dépouillé, plus instantanément lisible, d'un réalisme moins absolu que les précédents, et une expressivité très accusée, presque exagérée. Olivetti emploie également la peinture numérique ; malgré les cases spectaculaires, le rendu est figé et manque de naturel.
Mathieu Auverdin effectue une traduction très honorable malgré une faute de conjugaison ("les générateurs [...] fournirons"). La maquette est agréable. Néanmoins, il faut noter des erreurs dans la numérotation des chapitres et des crédits incomplets.
"X-O Manowar" est une franchise qui se démarque largement par la qualité supérieure de ses arcs depuis le "reboot" de 2012. Ce tome en représente l'un des sommets : il profite d'une écriture imaginative, et d'une partie graphique abondante en talent.
Mon verdict : ★★★★★
Barbüz
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5 étoiles et des louanges à Matt Kindt, un de mes scénaristes préférés : dans mes bras.
RépondreSupprimerFin tacticien militaire, mais avec une perception en noir et blanc : c'est tout à fait ça. Je me demande du coup si tu avais acheté Rai de Kindt & Crain.
Pour les épisodes 7 à 10 - L'intrigue progresse toujours aussi rapidement, pour passer à une phase plus complexe que la simple ascension d'Aric de Dacie dans la hiérarchie militaire. La partie graphique passe au niveau supérieure grâce à Clayton Crain, apportant la substance nécessaire pour compléter le scénario un peu trop rapide. Le lecteur est aux anges de pouvoir ainsi se projeter dans un environnement de science-fiction très tangible, dans un récit reposant sur une dynamique vive et entraînante.
Pour les épisodes 11 à 14 : Avec ce quatrième tome, l'histoire d'Aric de Dacie continue d'être écrite par Matt Kindt qui n'a pas changé de mode d'écriture : raconter des histoires rapidement ce qui fait ressortir la linéarité de la trame, mais avec des éléments originaux et en faisant ressortir la personnalité du personnage principal. Ryan Bodenheim réalise des pages faciles à lire, avec une bonne gestion du côté spectaculaire et du côté intimiste, très bien complétées par une mise en couleurs riche sans être écrasante. Le dernier épisode bénéficie des pages magnifiques d'Ariel Olivetti en très grande forme, pour un épilogue à la fois convenu (le retour sur Terre) et à la fois très émouvant.
Chez moi, Matt Kindt c'est tout ou rien ; ses "Ninjak" ne m'avaient pas entièrement convaincu. De plus, sa dégaine de hipster permanenté (s'il n'a pas changé d'allure depuis la photo de l'article en anglais de Wikipedia) ne plaide pas forcément pour lui, mais oui, j'ai les deux tomes de "Rai", dont je devrais bientôt écrire un article sur le premier, et j'ai lu "Mind MGMT" et "Divinity".
SupprimerJ'ai dû remanier mon article, car tu m'as fait réaliser que j'avais oublié de parler d'Olivetti dans le paragraphe sur la partie graphique. Erreur réparée.
J'attends avec impatience ton retour sur Mind MGMT et aussi sur Divinity, tout en les craignant un peu.
SupprimerEt tu as bien raison de les craindre... 😂
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