jeudi 25 août 2022

"Captain Marvel" : L'Intégrale 1969-1970 (Panini Comics ; février 2020)

Sorti en février 2020, le deuxième album de l'intégrale que Panini Comics France consacre au personnage de Captain Marvel a la forme d'un cahier de 17,7 × 26,8 centimètres d'environ cent quatre-vingt-quinze planches à couverture cartonnée avec jaquette amovible. Il contient les versions françaises des #13 à 21 de "Captain Marvel" (de mai 1969 à août 1970). En bonus : une histoire complète ("L'Assaut de la Sent-inelle !" / "Where Stomps The Scent-ry!" ) extraite du "Not Brand Echh" #9 d'août 1968 (le lecteur sera en droit de se demander pourquoi cela figure dans un volume couvrant la période 1969-1970), en plus d'une préface de Roy Thomas (quatre pages) et de brèves bios des auteurs principaux. 
Gary Friedrich (1943-2018) écrit trois numéros, Archie Goodwin (1937-1998) un et Roy Thomas les cinq restant plus le "Not Brand Echh". Frank Springer (1929-2009) en dessine deux, Tom Sutton (1937-2002) et Don Heck (1929-1995) un chacun, Gil Kane (1926-2000) cinq - dont le #18 (celui de novembre 1969) avec l'assistance de John Buscema (1927-2002) et John Romita. Vince Colletta (1923-1991), Syd Shores (1916-1973), et Dan Adkins (1937-2013) - surtout - se partagent le travail d'encrage. Une dernière petite note : le "Not Brand Echh" a été dessiné par Gene Colan (1926-2011) et encré par Frank Giacoia (1924-1998). Enfin, aucun crédit à propos de la mise en couleur : une pratique usuelle à l'époque. 

Précédemment, dans "Captain Marvel" : sur le point d'être terrassé, Captain Marvel est sauvé in extremis par la Veuve noire, qui se sacrifie en pulvérisant l'émetteur d'énergie de l'Homme-Tueur
De retour à son appartement, Mar-Vell a repris les traits de Walter Lawson ; il examine la une du dernier numéro de "Times", qui affiche son portrait et celui de Captain Marvel sous le titre "Traîtres ou héros ?". Dépité, il jette sa revue d'un geste dédaigneux. Hélas ! Rien de tout ça ne serait arrivé sans ce colonel Yon-Rogg... 

Voilà des épisodes majeurs dans la mythologie du personnage : c'est dans ces pages (dans le #17, celui d'octobre 1969) qu'il change durablement de costume et que son existence devient profondément liée à celle de Rick Jones. Mais d'abord, Friedrich continue sur la lancée des numéros précédents et met en scène un homme seul, qui aspire à la vengeance après que sa bien-aimée est tuée par la faute de son rival. Mar-Vell, plus que seul, est isolé ; il est considéré comme un traître par une partie de la population. En fait, la série est dans une situation de statuquo, où rien n'évolue ; l'Homme-Tueur est réactivé, puis Captain Marvel doit affronter Iron Man. Friedrich prend alors un autre virage. Le titre s'enlise dans un abscons délire mystique et psychédélique de pacotille qui met un certain temps avant de trouver un sens, disons à l'arrivée de Goodwin. Ce dernier ne reste pas ; inquiet de la baisse des ventes, Thomas reprend le flambeau. Il explique dans la préface qu'il veut développer une série de science-fiction inspirée du Captain Marvel de Fawcett Comics, dans les années quarante. On pourrait tout aussi bien y voir une variation sur le personnage de Thor : un être surpuissant, hôte d'un humain ordinaire. Sauf que Rick Jones est un post-adolescent en recherche d'affirmation de soi, et qui a des problèmes avec l'autorité. Il traîne son désenchantement de planche en planche et d'épisode en épisode, tandis que Captain Marvel, ayant fraîchement étrenné son superbe costume neuf, aspire à l'action, dans ce cas à la liberté : ce conflit d'intérêts ira croissant. Le lecteur doute que cela puisse durer, Jones n'ayant tenu comme acolyte ni aux côtés de Hulk ni à ceux de Captain America. De toute manière, cela ne suffit pas, d'autant que les adversaires de Captain Marvel, le savant fou du #19 et les saboteurs du Rat Pack (#20), sont inintéressants. Et quand Thomas ne sait plus quoi faire, il utilise Hulk, comme Friedrich le fait avec Iron Man dans le #14. Depuis le machiavélique Yon-Rogg, il n'y a plus rien. Quant au registre, il passe du cosmique débridé à l'action urbaine ; c'est avec Jim Starlin, que "Captain Marvel" trouvera véritablement sa voie. 
La partie graphique est placée sous le signe de l'hétérogénéité. Les silhouettes de Springer sont un peu raides. Son boulot est encré par Colletta, dont la technique (de petites hachures, fines et serrées) est facilement identifiable ; sans pouvoir comparer avec les planches originales, impossible de savoir si Colletta a supprimé certains éléments, mais comme il n'hésitait pas à modifier les planches de Jack Kirby, il a très bien pu le faire avec celles de Springer. Sutton tente de faire là du Jim Steranko, semble-t-il, mais ses compositions pâtissent de finitions insatisfaisantes. Heck s'en sort largement avec les honneurs. Puis Kane intervient, enfin : son trait dynamique, fluide, plus élégant et étiré que massif, son sens du mouvement, ses mises en pages originales, le quadrillage novateur, ses angles de prises de vues variés. 
Thomas Davier signe une traduction efficace, mais notons une faute de ponctuation, un anglicisme ("alien" comme adjectif), et "Cape Canaveral" pour "Cap Canaveral".

Au fond, le titre se développait autour de la même intrigue depuis 1967 ; la suite conçue par Thomas, en dépit des quelques bonnes idées de ces récits, ne souleva pas l'enthousiasme du public, et "Captain Marvel" fut annulé malgré les dessins de Kane. 

Mon verdict : ★★★☆☆

Barbüz
Copyright © 2014 Les BD de Barbüz

Captain Marvel, Hulk, Gary Friedrich, Roy Thomas, Gil Kane, Marvel Comics, Panini Comics

2 commentaires:

  1. En lisant ton résumé, je me rends compte qu'il s'agit d'épisodes que je n'ai pas lus. 3 scénaristes pour 9 épisodes : dur, dur d'installer une intrigue long court dans ces conditions.

    Un abscons délire mystique et psychédélique de pacotille : l'époque était propice à ce genre de récit qui pouvait parfois s'avérer réussi.

    Quand Thomas ne sait plus quoi faire, il utilise Hulk : une remarque qui m'a fait sourire, car je reconnais bien là un truc de scénariste qui a fait ses preuves. En relisant quelques épisodes de Marvel Two-in-One, je suis parfois pris au dépourvu par la minceur de la trame narrative : méprise, combat pendant une dizaine de pages, voire douze ou quatorze pour remplir l'épisode, puis explication lapidaire.

    Puis Kane intervient, enfin : c'est l'un des dessinateurs dont j'ai vite été capable de reconnaître les planches, et encore plus les couvertures, avec à chaque fois des postures étudiées, très dynamiques.

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    1. Pas les meilleurs épisodes de Thomas, c'est certain. Je trouve d'ailleurs le personnage de Rick Jones particulièrement encombrant ; je ne sais pas pourquoi les auteurs se sont acharnés à l'utiliser.

      Kane : j'ai récemment mis la main sur la réédition de ses strips de "Tarzan", proposée par Neofelis.

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