lundi 19 décembre 2022

"Spider-Man" : L'Intégrale 1969 (Panini Comics ; octobre 2004)

Publié en octobre 2004, le septième volet de la première série intégrale (il y en a trois ; les deux autres sont "Spider-Man Team-Up" et "Spectacular Spider-Man") que Panini Comics France consacre à Spider-Man comprend les versions françaises des "Amazing Spider-Man" #68-79 (janvier à décembre 1969), le "Marvel Heroes" #14 (mai 1968), ainsi que sept compléments de deux planches chacun, tirés en vrac de l'annuel #4 (de novembre 1967) pour deux d'entre eux et du #5 (de novembre 1968) pour les autres. Cet album (dimensions 17,7 × 26,8 cm, avec couverture cartonnée et jaquette plastifiée amovible) compte approximativement deux cent quatre-vingts planches, toutes en couleurs. Les couvertures ont été reléguées à la fin du volume en guise de bonus.
Stan Lee (1922-2018) écrit tous les épisodes - le "Marvel Heroes" inclus. John Romita Sr. produit les dessins de trois des épisodes et les esquisses d'une poignée d'autres ; les finitions sont confiées à Jim Mooney (1919-2008), qui assure l'encrage, en plus. John Buscema (1927-2002) arrive sur le titre - il restera jusqu'en mars 1970 - et opère la transition. Ross Andru (1927-1993) dessine le "Marvel Heroes", avec Bill Everett (1917-1973) à l'encrage. Stan Goldberg (1932-2014) est le coloriste du "Marvel Heroes" ; enfin, aucun crédit pour "Amazing Spider-Man", usuel à l'époque. Il est possible qu'Andrew Yanchus (1944-2021) fût le coloriste. 

Précédemment, dans "Amazing Spider-Man", Spidey, à Alger pour enquêter sur la mort de ses parents, découvre que Crâne rouge est derrière tout cela. Il trouve la preuve de l'innocence de son père. Avoir disculpé ses parents le motive comme jamais. 
New York. Un salon plongé dans la pénombre, avec un sbire en faction à l'entrée. Sur un guéridon, un projecteur de diapositives opéré par Louis Wilson, conseilleur du Caïd ; à l'écran, une photo de la tablette archaïque qui suscite tant de convoitises. Fixant l'objet en fumant sa cigarette, le Caïd demande en quoi il est si précieux. Wilson raconte que l'on "ne compte plus ceux qui sont morts" pour lui. Le Caïd est formel : il la lui faut. Wilson ajoute qu'elle est "antérieure aux manuscrits de la mer Morte"... 

Nouveau tome et nouveau contenu à la cohérence relative. Panini Comics tricote ses intégrales comme il l'entend en compilant des épisodes d'années différentes, soit. Toujours est-il qu'il y a quelque chose de spécial, dans ces épisodes-là... On dirait que Lee a souhaité durcir le ton et le rendre plus adulte. Ainsi, l'université n'est plus un lieu d'amourettes, mais un endroit où la contestation - plus ou moins menée par un représentant du Black Panther Party, même si l'organisation n'est pas clairement désignée - éclate et engendre des dissensions entre communautés et entre générations, qui finissent par profiter au crime. Lee évoque les troubles sociaux de 1968 ; il relaye les opinions avec prudence (comprendre : en restant neutre) et en prenant bien soin de ne pas engager Marvel. Lee fait aussi le ménage autour de Parker : Mary Jane n'est visible que le temps d'un épisode et Tante May part se reposer en Floride. Même J. Jonah Jameson est mis à l'écart avec un court séjour à l'hôpital, bien que le scénariste semble avoir voulu recréer chez Parker - malgré toute cette haine que Jameson voue à Spider-Man - le traumatisme de culpabilité qui avait suivi le décès d'Oncle Ben. Les finances du jeune homme se portent mieux, juste ce qu'il faut. Sa vie sentimentale demeure compliquée. Exposé au regard critique de sa bien-aimée, il est confronté au dilemme héros-couard, mécanisme narratif qui a largement fait ses preuves. Pete est aussi plus agressif, en témoigne ce comportement après avoir vu Flash avec Gwen. Le côté "soap" est donc gommé au profit de l'action pure et dure avec des ennemis balaises, motivés, en rogne : le Caïd, fumasse en permanence, le Shocker, qui est monté en gamme, le Lézard, ivre de vengeance, et la Maggia et Marko l'Homme-Montagne. Comme si ça ne suffisait pas, les condés new-yorkais ont la détente nerveuse comme jamais, et Lee exploite encore les possibilités de quiproquos offertes par la non-affiliation de Spider-Man à un groupe ou le fait qu'il opère en solo ; ici, le Tisseur doit s'expliquer avec Vif-Argent puis la Torche humaine. Action garantie, même si le "Marvel Heroes" est - largement - en dessous du reste. 
La partie graphique de cette série continue à être bénie. Mooney n'est pas Romita, mais il s'en sort plutôt bien dans son rôle de finisseur. Buscema parvient à se fondre dans le moule visuel de la série sans difficulté. C'est à peine si le lecteur remarque une évolution de la mise en page ; la majorité des scènes d'action de Buscema sont agencées en deux bandes de quatre cases chacune. C'est à la fois risqué et d'une efficacité remarquable, l'artiste devant maîtriser la science du découpage de l'action. Buscema prend plus de liberté - relative - avec les autres séquences. Autre point important : Big John varie les plans (il semble employer le gros plan bien plus souvent que ses collègues) et les perspectives pour un rendu spectaculaire. Ajoutons à ça une densité de détail satisfaisante. Enfin, le travail d'Andru est bien en dessous. 
La traduction est de Geneviève Coulomb. En vrac : fautes de conjugaison, incohérences tutoiement-vouvoiement, coquilles... Pour l'amateur, un véritable crève-cœur.

Les épisodes de cette année-là sont pleins de fracas, pleins de punch. Et puis, il y a également comme une forme de colère qui en sourd, qui en émerge : Peter Parker évolue. La série est moins follement créative (aucun nouveau super-méchant à la hauteur du panthéon déjà existant), peut-être, mais elle se rattrape en action. 

Mon verdict : ★★★★☆

Barbüz
Copyright © 2014 Les BD de Barbüz

Spider-Man, Le Caïd, Le Lézard, Shocker, La Maggia, Marko l'Homme-Montagne, La Torche, Johnny Storm, Vif-Argent, New York, Marvel Comics, Panini Comics

2 commentaires:

  1. Je suis allé jeter un coup d’œil aux couvertures sur Marvel Fandom : il s'agit d'épisodes que je n'ai pas lus.

    Stan Lee relaye les opinions avec prudence (comprendre : en restant neutre) et en prenant bien soin de ne pas engager Marvel : une habitude de neutralité qui me décontenançait à l'époque, et qu'avec le temps, j'ai fini par associer à la même explication que toi. L'art de ne fâcher personne, pour ne pas perdre de lecteurs potentiels.

    Mooney n'est pas Romita, mais il s'en sort plutôt bien dans son rôle de finisseur : à l'époque j'aimais bien les finitions assez douces et arrondies de Mooney, plutôt consensuelles et agréables.

    Big John semble employer le gros plan bien plus souvent que ses collègues : une gestion optimisée de son temps ?

    Ross Andru : je garde un excellent souvenir de son Superman vs. Spider-Man où ses dessins avaient toute la majesté requise pour cette rencontre hors norme.

    https://www.babelio.com/livres/Conway-Superman-contre-Spider-man-Presence-de-lavenir/672506

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    1. Je garde moi aussi un bon souvenir de Superman VS Spider-Man (c'est l'une de mes madeleines, en fait), même si j'avais trouvé qu'il dessinait mieux les personnages de Marvel que ceux de DC.

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